Des incendies qui se déclarent partout, surtout dans le nord, suivis par des orages accompagnés de foudre. Perturbant ainsi, le farniente des Tunisiens et les ramenant à la dure réalité de leur situation économique. Notamment pour la classe moyenne et surtout pour les familles qui doivent vider leurs tirelires pour affronter la rentrée des classes.
Les prix des fournitures flambent et les budgets des dépenses scolaires explosent. Sans parler de la hausse vertigineuses des prix des produits alimentaires quand il n’y a pas de pénurie. Comme pour l’huile, le sucre, la farine, le riz, le café, où l’on va assurément vers le rationnement.
Dans certaine région, la pénurie touche même l’eau minérale ou du robinet et l’électricité. Mais le pire est devant nous, nous rassure (sic !) le ministre de l’Economie qui promet une hausse générale des prix. Puisque le gouvernement doit cesser toute subvention, comme l’ont exigé les experts du FMI. Ils appellent cela des « réformes » sans lesquelles aucun sous ne sera versé, sous forme de prêts.
Faut-t-il encore que les accords soient signés, pourtant prévus en mars 2022. Et rien ne garantit qu’ils le soient, si l’on se réfère à la dernière déclaration du chef du Pentagone à propos de notre pays. Déclaration pour le moins qu’on puisse dire belliqueuse!
Il semble que la nouvelle doctrine des vis-à-vis de la Tunisie est : « Pain contre démocratie ». Ce qui est nouveau, c’est que le dossier tunisien semble passer aux mains du Pentagone, qui n’est pas réputé être tendre.
En tout cas, c’est ce qui ressort du discours du secrétaire d’Etat américain à la défense, lors d’une cérémonie de passation à l’Africom, en Allemagne. Quand on sait qui décide au FMI, il faut s’attendre au pire.
Zone de turbulences
Le pays va traverser une zone de turbulence orageuse dans cette rentrée qui s’annonce chaude et même très chaude. Toutes les conditions d’une déstabilisation sont en cours de réalisation. Et ce n’est pas le vote d’une nouvelle Constitution, qu’on ne peut pas qualifier de massif, qui pourra changer quelque chose au processus.
Certes l’organisation d’élections pour désigner les membres des deux chambres du parlement pourrait constituer une occasion pour chercher une issue. A condition d’émettre un code électoral qui garantirait le fameux « inclusif ». Mais tout indique que l’on ne se dirige pas dans ce sens. Et même si Kaïs Saïed change son fusil d’épaule, les autres parties qui ont appelé au boycott du référendum continueraient de tenter de saboter le processus électoral. Et ce, en exigeant de revenir à l’ordre d’avant le 25 juillet 2021.
On va donc directement dans le mur. Et l’on plongera dans une crise politique plus grave que toutes les précédentes. Laquelle sera cette fois-ci doublée d’une crise économique et une crise sociale. Rien de plus normal donc que des puissances étrangères « amies » ou « ennemies » tentent de s’incruster dans la brèche ouverte.
Une puissance « amie » a déjà annoncé la couleur, par le biais de son futur ambassadeur, de son secrétaire d’Etat aux affaires étrangères et de son secrétaire d’Etat à la défense. Ce sont les Etats-Unis d’Amérique! Leur intention proclamée: « revenir » à l’ordre établi surtout par eux-mêmes où l’islam politique préside aux destinées du pays. Et soutenir ce que le chef du Pentagone appelle « ses amis » par tous les moyens dont ils disposent. Son discours complète celui de son collègue des affaires étrangères et l’Africom est là pour l’exécuter.
C’est ce qu’il a proclamé solennellement. On n’est plus donc devant des scénarios établis par des think tanks. Mais devant une stratégie politique interventionniste qui vise à changer l’ordre politique en Tunisie.
Devant cette avalanche de menaces, déclarées, le pouvoir actuel a choisi la politique de l’autruche. Il continue d’enfoncer sa tête dans le sable. Comme s’il ne se sent nullement concerné. Et comme si les menaces visent un lointain pays et non le nôtre.
Evidement les USA ce n’est pas la commission de Venise; mais la puissance qui fait et défait les Rois. Un point mérite cependant d’être retenu. C’est bien l’invitation adressée par le Président américain au Président de la République Tunisienne au sommet organisé par les USA où seront conviés tous les chefs d’Etat africains. Et ce, dans une tentative américaine de bloquer les percées chinoises et russes en Afrique.
Rappelons que KS n’a pas été invité pour assister au sommet sur la démocratie organisé par Biden il y a quelques mois. Le réal politique semble depuis, avoir gagné des points chez nos amis américains, surtout après la guerre en Ukraine. Ils sont devenus moins regardant quant aux droits de l’Homme, quant il s’agit surtout d’intérêts stratégiques. On imagine mal ce critère appliqué aux chefs des Etats africains. Car Biden se serait retrouvé tout seul avec son ministre des Affaires étrangères.
Pourtant, on peut jurer que KS est le seul chef d’Etat africain élu démocratiquement à ce poste, n’en déplaise à ses détracteurs. Le chef de l’Etat serait bien inspiré d’accepter cette invitation et de sauter sur l’occasion pour défendre le point de vue tunisien sur les questions relatives à l’Afrique. Nous devons reconquérir notre leadership sur le continent, instauré par Bourguiba. En effet, la politique de la chaise vide est la pire des politiques.
Alors, si les différentes oppositions à KS et son projet semblent avoir été terrassées par la torpeur de l’été; elles vont sans doute aiguiser leurs armes pour la rentrée. Celle-ci s’annonce très chaude, surtout sur le plan social.
ainsi, la feuille d’intentions signée par le gouvernement, l’UGTT et l’UTICA, ne peut être considérée comme un pacte social. Et ce, contrairement à l’annonce faite par la première ministre. Tout au plus, c’est un acte qui détend l’atmosphère et prépare les vraies négociations.
Or, le problème est que le gouvernement n’a pas les moyens d’une politique sociale adéquate. Quant à l’UGTT, elle ne peut se dérober à son devoir de défendre le pouvoir d’achat des salariés. Sans parler des entreprises privées qui peinent à relever la tête après une décennie de gabegie.
Les différentes oppositions tablent sur le pourrissement de la situation sociale pour exploiter les mouvements de contestation qu’il pourrait engendrer, pour déstabiliser tout l’exécutif, KS compris.
Cela l’UGTT, l’a bien compris et a pris ses distances de ces oppositions qui n’ont cessé de multiplier les appels pour que l’UGTT prenne la tête de la fronde et être la chair à canon d’une guerre qui ne l’intéresse vraisemblablement pas.
Les dirigeants de la centrale syndicale ne sont pas nés de la dernière pluie. La centrale veut préserver ses forces pour d’autres batailles à venir. Et elle ne veut pas prêter le flanc à toutes les tentatives de l’instrumentaliser. Un pragmatisme achouriste qui renoue avec la vraie tradition syndicale tunisienne.
Certains ont tendance à oublier que l’UGTT est la fille de l’Etat, et qu’elle a toujours fait preuve de patriotisme. Et KS pour le moment représente l’Etat, tout l’Etat.
« Le problème est que le gouvernement n’a pas les moyens d’une politique sociale adéquate. L’UGTT ne peut se dérober à son devoir de défendre le pouvoir d’achat des salariés, sans parler des entreprises privées qui peinent à relever la tête après une décennie de gabegie »
Les élections, un enjeu crucial
Le destin politique du pays va donc se jouer lors des prochaines élections pour désigner les députés des deux chambres. La future carte politique va être dessinée, ce jour là. Mais avant cela, le destin du pays, sera dessinée théoriquement lors de la mise au point du code et du découpage électoraux.
Le seul maître qui décide du jeu est KS. D’où les appels répétés notamment de Macron et des officiels américains pour que cette opération soit inclusive. Ce terme magique est utilisé par tous les diplomates occidentaux quand il s’agit de déclarations visant la politique intérieure tunisienne.
Pour les Américains, il signifie l’intégration d’Ennahdha, mais pas forcément celle de Rached Ghannouchi, dans le processus politique. Ce n’est pas le cas de la France, qui tente de ne pas perdre sa traditionnelle influence sur la politique intérieure tunisienne. Macron est allé jusqu’à juger « importants » les résultats du référendum sur la constitution. Ce qui sonne comme un soutien; mais en appelant à ce que les élections soient « inclusives ».
En fait le mot traduit un compromis diplomatique entre puissances occidentales. Tout dépendra ce que KS entend par inclusif. C’est évidemment le contraire d’exclusif, ce que généralement il est. L’on ne peut faire des pronostics avant que ce fameux code n’apparaisse et que les règles du jeu politique et électoral soient clarifiées.
Si KS fait durer le suspens quant à ce code, c’est pour déstabiliser ses adversaires, pour les empêcher de se préparer. A quelques mois de la date du scrutin, rien n’a filtré sur la nature de ce fameux code qui sera décisif. Et ce, non seulement pour ce qu’il va engendrer comme résultats; mais surtout pour crédibiliser tout le processus électoral.
Au final, KS peut gagner sur le plan électif, mais perdre sur le plan politique. Comme à la guerre, gagner une bataille, ne signifie pas forcément gagner la guerre. Ce que semble ignorer précisément les conseillers de KS.