La visite de la délégation du Congrès américain en Tunisie, et d’après la teneur « dure » du communiqué de la présidence de la République Tunisienne, dénote de la difficulté de la position de la Tunisie sur la scène internationale. Et en attendant d’en savoir plus sur le déroulement, car l’expérience nous a habitués à attendre le communiqué de la partie visiteuse pour en avoir le cœur net, nous retournerons aux faits marquant notre cuisine interne où il y a à mijoter de nombreux plats.
L’eau de robinet n’est plus potable en Tunisie. Le carburant manque dans les stations services, l’eau minérale en bouteilles se vend au « compte-gouttes », le riz et le sucre sont encore et toujours aux abonnés absents, le café manque chez les revendeurs au risque de susciter la colère des grands et célèbres buveurs de ce « jus »…
Les ménagères n’arrivent plus à remplir leur couffin, car elles sont contraintes de « rationnaliser » leurs achats… Les parents sont inquiets à l’orée de la rentrée au vu des rumeurs quant à la hausse des prix des fournitures scolaires…
D’ailleurs, il ne faut pas se fier aux apparences trompeuses du train de vie mené dans certains quartiers résidentiels huppés de la Tunisie. Dans le sens où le plus grand nombre des citoyens appartenant à la classe dite moyenne et pauvre, constitue la majeure partie de la population et n’arrive plus à joindre les deux bouts…
En ces temps difficiles, que peut l’Etat? Peu de chose, voire rien du tout. Mais ce qui est pire, c’est que personne parmi les responsables de la gestion de la chose publique n’a montré le bout du nez pour s’adresser au peuple et faire le point réel de la situation sociale, économique et financière du pays…
Il faut tout dire aux Tunisiens qu’il ne faut pas traiter comme des mineurs ou de simples sujets
Pourtant, il est plus que temps, au vu des échéances cruciales, de dire toutes la vérité aux Tunisiens. Plus précisément à propos du prochain round– et probablement le dernier – de négociations avec le Fonds monétaire international (FMI). Mais là non plus, personne ne sait avec quels arguments se présentera le gouvernement de Nejla Bouden…
Sera-t-on présent en rangs serrés entre la Kasbah et les partenaires sociaux, plus spécialement l’Union générale tunisienne du travail (UGTT). D’ailleurs, le ministre de l’Économie et de la Planification, Samir Saïed, en personne vient de le dire: « Tout dépend de nous. Il faut qu’on accorde nos violons car nous n’avons pas le choix. Et nous ne disposons pas des moyens nécessaires pour voler de nos propres ailes. Nous avons besoin, absolument, de cet accord et de cet argent du FMI… »
Comment le gouvernement y parviendra t-il ? On n’en sait rien. Aucun responsable gouvernemental n’éclaire notre lanterne. Pourtant, tout doit se passer à la rentrée, à savoir septembre 2022. C’est-à-dire, demain.
Qu’est-ce qui se passe entre le pouvoir et l’UGTT ?
Ce qui est plus critique, c’est que le gouvernement, ou plutôt le pouvoir qui est entièrement entre les mains du patron absolu du Palais de Carthage, ne semble pas traiter avec le sérieux requis avec la centrale syndicale.
Pour preuve, au moment où on parle d’un retour à la raison avec la reprise du dialogue social, l’UGTT annonce une rupture des pourparlers pour des raisons inconnues. Pourtant, rien ne prime sur les contacts avec le syndicat. Même pas une visite d’inspection à l’aéroport de Tunis-Carthage. Et même si c’est le cas, La Kasbah aurait dû communiquer.
En l’absence, curieuse, surprenante et inexplicable du secrétaire général, Noureddine Taboubi, d’habitude prolifique en déclarations, c’est le S.G. adjoint, et porte-parole officiel de l’Union, Sami Tahri, qui prend, timidement, le relais. Et ce, pour exprimer le désarroi de l’UGTT face au mutisme du gouvernement qui « voudrait remplacer les séances de dialogue direct par de simples concertations autour des réformes et non pas à propos de revendications ». Ce qui constitue un revirement de taille; sachant qu’aucun nouveau contact n’a été établi, toujours selon M. Tahri.
Code électoral et Cour constitutionnelle en Tunisie: motus et bouche cousue !
Il faut dire qu’aussi bien La Kasbah que Carthage ont toujours traité les citoyens tunisiens comme des mineurs ou de simples sujets qui n’ont pas droit à l’information. A titre de rappel concernant deux faits majeurs tout récents: « Le Code électoral, il sera rendu public… La Cour constitutionnelle, elle sera connue… ». Ainsi se contenta de dire Kaïs Saïed, lors de la présentation du texte de la nouvelle Constitution, encore une fois truffée de fautes!
Et puis, pourquoi le peuple tunisien veut-il connaître les détails sur le Code électoral ou sur la Cour constitutionnelle? Cela ne servirait à rien du tout. Puisque d’éventuelles suggestions ou propositions seraient probablement jetées à la poubelle. Comme l’ont été les contributions, pourtant réclamées, de Sadok Belaïd. D’ailleurs, ce dernier ne put rien faire d’autre que de crier au scandale et lancer les pires accusations contre le Président de la République.
Et si les magistrats tenaient bon jusqu’à la réintégration des juges révoqués !
Au milieu de tout ceci, le chef de l’Etat trouve le moyen de maintenir le bras de fer avec le corps de la magistrature. Et ce, sous couvert de lutte contre la corruption, l’abus de pouvoir et le terrorisme en Tunisie.
A un moment donné, plusieurs médias, pourtant réputés avoir l’écoute des grandes oreilles, ont laissé croire que ces agissements provenaient de la ministre de la Justice. Celle-ci aurait des contentieux personnels à régler avec certains magistrats. Et qu’après le verdict du Tribunal administratif annulant la révocation de 49 juges, la ministre serait alors le bouc-émissaire tout désigné pour en finir avec la crise.
Mais oh que non! Après avoir laissé passer l’orage, comme à l’accoutumée, la ministre est revenue à la charge de plus belle en publiant un dimanche (14 août 2022), puis en samedi (20 août 2022) des communiqués. Lesquels « révèlent », enfin, que « les magistrats sont coupables et qu’ils sont bien poursuivis dans des affaires en cours ». Sachant que le chef de l’Etat avait bien énuméré les accusations détaillées portées contre les « révoqués ». Pourtant, près de trois mois après la décision du président de la République annoncée avec fracas et confiance, un certain 1er juin 2022, aucune donnée concrète n’est disponible officiellement à ce sujet?
En tout état de cause, on attend, dans les jours à venir sans trop de conviction, davantage d’éclaircissements de la part du chef de l’État. Faute de quoi cela risque de dégénérer dans le sens où logiquement, les magistrats ne vont pas se taire. De même, l’équipe de défense ne va pas baisser les bras. Et la société civile apportera son soutien pour préserver la magistrature et son indépendance.
Face à cette probable mobilisation, voire union sacrée, quelle attitude adoptera le chef de l’Etat?