La visite du Grand-rabbin de France, Haïm Korsia, en Algérie suscite des remous. Notamment chez les islamistes qui craignent que sa présence au sein de la délégation française qui accompagne le président Macron, n’ouvre la voie à la normalisation avec l’Etat hébreu.
Gros dilemme pour le président algérien, Abdelmajid Tebboune. Devra-t-il serrer la main du Grand-rabbin de France, Haïm Korsia, membre de la délégation qui accompagnera le président Emmanuel Macron? Et ce, au risque d’être soupçonné par ses détracteurs de vouloir normaliser avec l’Etat hébreu? Ou refuser la main tendue, quitte à froisser son illustre hôte?
Une imposante délégation
En effet, le président français se rendra en Algérie, demain jeudi 25 août, pour une visite officielle de travail de trois jours. Laquelle, selon le communiqué de l’Elysée « contribuera à approfondir la relation bilatérale tournée vers l’avenir au bénéfice des populations des deux pays; à renforcer la coopération franco-algérienne face aux enjeux régionaux; et à poursuivre le travail d’apaisement des mémoires ».
En outre, une importante délégation de 90 personnalités l’accompagnera. Au nombre desquelles on peut citer les ministres: de l’Economie Bruno Le Maire; des Affaires étrangères Catherine Colonna; et de l’Intérieur Gérald Darmanin. Mais aussi d’hommes d’affaires et de figures de la diaspora algérienne en France. Et notamment le Recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz; ainsi que le Grand-rabbin de France, Haïm Korsia.
Remous
A cet égard, le représentant des juifs en France est issu de parents nés respectivement à Tlemcen et à Oran. Il serait alors « la première personnalité religieuse juive au sein d’une délégation officielle à visiter l’Algérie ».
Or, sa présence inédite irrite certains milieux de l’opinion algérienne notamment les islamistes. Ces derniers dénoncent « ce rabbin qui affiche un soutien sans vergogne à l’entité sioniste ».
Les islamistes montent au créneau
De ce fait, Abderrazak Makri, le président du Mouvement pour la société de la paix (MSP), tendance Frères musulmans, monte au créneau. Et ce, pour s’étonner, avec ironie, de la présence dans la délégation française du Grand-rabbin de France.
« La France n’est-elle pas la championne de la laïcité jacobine. Laquelle se bat contre tout rapprochement entre la religion et la politique. Pourquoi alors mélange-t-elle la religion et la politique? Ou bien la laïcité à la française se résume-t-elle seulement à combattre l’Islam dans les discours de son président. Et à restreindre les musulmans au port du voile féminin, dans le discours des imams, la déformation des croyances, l’agressivité médiatique; le racisme dans l’emploi et la promotion sociale des engagés, les restrictions aux mosquées et chapelles?» Ainsi, s’insurge le chef du parti islamique, mardi 23 août sur sa page FB.
Et de sauter à pieds joints vers la conclusion suivante. « Afin d’amener l’Algérie à normaliser avec Israël, la communauté occidentale, en particulier en France, exerce des pressions pour qu’elle capitule. D’ailleurs, afin de camoufler les objectifs de normalisation, Macron a fait venir dans ses valises le doyen de la Mosquée de Paris ». C’est encore ce qu’assure le leader islamiste.
Football et normalisation
Par ailleurs, il souligne: « Après le scandale impliquant des joueurs de football en visite dans l’entité sioniste; voilà encore la France officielle qui ramène le Grand-rabbin de France. Alors que celui-ci soutient l’entité qui dénie leurs droits aux Palestiniens ».
Abderrazak Makri fait référence aux quatre joueurs algériens de l’équipe de France de Nice, qui se sont en effet rendus à Tel-Aviv. Et ce, dans le cadre des qualifications pour les Championnats d’Europe. Enfreignant pourtant les principes qui régissent le sport algérien. A savoir de ne participer à aucune confrontation directe avec un adversaire représentant Israël.
Pourquoi enfoncer une porte ouverte?
Le hic, c’est que le leader islamiste ne fait que faire monter les enchères pour mieux se positionner sur l’échiquier politique. Puisque officiellement, les autorités algériennes ne cessent de réitérer leur refus catégorique de toute forme de normalisation entre Israël et des pays arabes; à l’instar des Émirats arabes unis, de Bahreïn, du Soudan et du Maroc. D’ailleurs, Alger n’a-t-il pas rompu ses relations diplomatiques avec Rabat en août 2021? Entre autres, à cause de la normalisation des relations avec Tel-Aviv?
« Nous ne participerons pas à la course à la normalisation et nous ne la bénissons pas ». C’était ce qu’affirmait catégoriquement le président Abdelmadjid Tebboune en septembre 2020. A savoir que les profondes divergences, sur l’épineuse question de la normalisation avec l’Etat hébreu, risquent de torpiller la tenue même du prochain Sommet de la Ligue arabe. Lequel est prévu à Alger les 1er et 2 novembre prochains.