L’année scolaire n’a pas encore commencé que le président de la République a dû intervenir en personne pour s’indigner des graves fautes relevées dans le nouveau manuel scolaire de langue française pour les élèves de 3e année primaire. En appelant à ce que « chacun assume ses responsabilités dans cette affaire ». Le problème se réduit-il à l’impression des manuels scolaires à l’étranger? L’argument est trop court.
Un scandale de plus dans cette dernière décennie où l’on en a vu des vertes et des pas mûres. Cependant, il touche cette fois-ci le secteur de l’enseignement et par ricochet celui du niveau scolaire de nos enfants censés fréquenter l’école pour apprendre entre autres les rudiments de la langue de Molière. Mais pas pour être induits en erreur par des coquilles plus grosses les unes que les autres et de grotesques fautes de langue et d’orthographe.
Même le JORT n’échappe pas à la règle
D’ailleurs, les erreurs qui se glissent dans les textes officiels sont devenues monnaie courante en Tunisie. N’est-il pas vrai que de nombreuses erreurs s’étaient retrouvées dans la première version de la Constitution publiée officiellement au JORT. Des erreurs ayant nécessité la publication d’une nouvelle version à la suite des nombreuses fautes révélées par des grammairiens arabophones?
Des fautes risibles
En effet, l’affaire a fait couler beaucoup d’encre la semaine dernière. Et ce, quand des internautes ont partagé sur la toile des captures de certaines pages du manuel scolaire de la langue française, destiné aux élèves de la troisième année de l’enseignement de base, contenant de nombreuses coquilles.
Vous voulez un échantillon? « maintenanat »; « les élèvent collent des étoiles ». Ou encore « Aprés » qui prend allégrement un accent aigu!
Face au scandale, le ministère de l’Education a réagi dans un communiqué, vendredi 26 août 2022, pour annoncer l’ouverture d’une enquête « afin de déterminer les responsabilités ». Ainsi que pour informer de la transmission d’une « correction aux institutions éducatives. Et une copie numérique corrigée du manuel ».
L’ire du Président
Cela ne semblait pas suffisant au président de la République, qui s’est lui aussi mêlé à l’affaire, puisqu’il exprima son « mécontentement ». Cela se passait lors d’une rencontre tenue mardi 30 août 2022 au Palais de Carthage, alors qu’il recevait le ministre de l’Éducation, Fethi Sellaouti. Il revenait donc sur les grossières erreurs qui se retrouvaient dans un manuel scolaire de Français de l’enseignement de base. Lesquelles avaient manifestement échappé à la vigilance de quelque neuf enseignants, dont cinq inspecteurs et deux professeurs émérites.
A cet égard, Kaïs Saïed lâchait glacial : « Les réunions sur l’éducation doivent porter sur des questions d’éducation et non sur les fautes de syntaxe ou autre »… Appelant à ce que « chacun assume ses responsabilités dans cette affaire ».
« Celui qui a donné l’ordre de procéder au tirage sans prendre la peine de réviser et vérifier la copie doit été sanctionné ». C’est également ce qu’on peut lire dans un communiqué émanant de la présidence de la République.
Non coupable
Mais comment, diable, ces erreurs ont-elles échappé à la vigilance de quelque neuf enseignants, dont deux assistantes pédagogiques, cinq inspectrices générales et deux professeurs émérites?
Dans un communiqué rendu public lundi 29 août 2022, la commission chargée de la rédaction du manuel de français de la troisième année de base se rebiffe. Ainsi, elle affirme : « Nous n’avons vu les erreurs qu’après la publication du manuel. Et nous informons que la copie que nous avons envoyée par poste électronique en date du 6 mai 2022, ne contenait pas d’erreurs ».
Les erreurs sont survenues « au moment de retraiter la copie au niveau du centre national pédagogique ». D’ailleurs, selon le même communiqué, les membres de la commission déclarent avoir demandé au centre pédagogique de fournir une copie papier ou électronique du manuel corrigé avant sa diffusion, mais qu’ils n’ont reçu aucune réponse.
Responsabilité collective
Alors à qui incombe la responsabilité de cet impardonnable préjudice? Aux professeurs « émérites » chargés de la correction? Au centre pédagogique qui n’aurait pas fourni aux correcteurs une copie du manuel avant sa diffusion ? Ou à l’imprimeur turc, lequel n’a au demeurant ni un rôle de correcteur ni celui de superviseur de l’impression?
Tout le monde est coupable. En commençant par l’institution elle-même qui aurait permis que l’impression des manuels scolaires se fasse en dehors de nos frontières. Et précisément en Turquie, qui, comme par hasard, rafle la mise en remportant l’appel d’offres. Et ce, à la barbe de nos professionnels, trop soucieux de leur marge bénéficiaire.
Parce nos « amis » turcs sont moins-disant ? Alors que l’imprimeur local aurait pu remporter le marché moyennant un peu plus de sobriété. Et ce, eu égard à la crise économique et financière à laquelle notre pays est confrontée? Mais il n’y a pas que cela.