A quelques jours seulement de la date limite où le Président de la République devrait convoquer les électeurs pour le scrutin législatif de décembre prochain, scrutin décisif et crucial pour l’avenir du système politique instauré par KS, le pays n’est pas encore doté d’un code électoral. Celui-ci devant automatiquement découler de la nouvelle constitution.
Lorsqu’il a rencontré le président de la commission électorale, Kaïs Saïed s’est fendu d’une déclaration. Ainsi, il affirme que seuls les fidèles parmi les fidèles seront associés à l’élaboration du code électoral. Excluant même ceux qui « se sont glissés » dans son « processus du 25 juillet ». Signifiant donc que même certains de ses plus fidèles soutiens politiques ne seront pas conviés à participer à cette action qu’il juge trop importante pour la confier à n’importe qui.
Nous savons par expérience, qu’il ira jusqu’au bout de sa logique, édifiés par ce qui est arrivé au malheureux Sadok Belaïd et à son brouillon de la constitution. Nous pouvons même déjà parier que la seule mouture du futur code électoral sera celle écrite par KS lui-même. « Un croyant ne peut pas être mordu par le serpent, deux fois au même endroit » dit le proverbe arabe!
Le code de la dernière chance
L’adjointe au secrétaire d’Etat américain qui a rendu visite à KS a été on ne peut plus claire. Selon elle, répondant certainement aux propos « souverainistes » du Président, les USA ne peuvent aider que les pays qui partagent avec l’oncle Sam les mêmes valeurs; ce qui est évidemment faux. Tout cela pour signifier l’exaspération de la diplomatie américaine devant le cas tunisien et qui sonne comme un dernier avertissement.
Néanmoins, une porte reste ouverte pour se repêcher, qui consiste à « inclure » dans les négociations et l’élaboration du futur code électoral, des forces que les Américains ne nomment pas. Mais dont on sait qu’elles incluent les représentants de l’islam politique et pas forcément Rached Ghannouchi et son parti.
La déclaration de KS lorsqu’il a rencontré le président de la commission électorale est la réponse du berger à la bergère. On en conclut que seuls les quelques élus, souvent changeant au gré des humeurs, seront associés à l’écriture de ce précieux texte. Mais parions le, uniquement pour la forme.
Et c’est pour cela qu’il est traité comme un « code secret » dont le déchiffrement doit être le privilège des seuls initiés et qui sont dans les secrets des Dieux.
Echaudé par le retournement dramatique de son ex-professeur et patron, Sadok Belaïd, KS n’a plus confiance en personne. Et c’est une lapalissade. Il écrira probablement, aidé de quelques confidents, le texte de ce code gardé jusqu’à maintenant comme un secret. Secret aussi comme code, parce qu’il constitue le sésame de la future carte politique.
En effet, un code électoral n’est pas une simple loi. Selon qu’il opte ou non pour l’uninominal ou pour le vote par listes, il décidera de la nature des profils qui vont affronter le vote des citoyens. Or, en l’absence de ce code jusqu’à maintenant, il est difficile pour les partis politiques, de choisir les membres de leurs listes et surtout ceux qui vont en être à la tête.
Comme on sait que KS va opter pour l’uninominal, il reste aussi à connaître le découpage électoral. Là encore, il est plus que probable qu’il sera remanié en fonction de la stratégie électorale du « camp » Saïed. D’ailleurs, on le désigne par camp, car ce dernier n’a théoriquement pas de parti. Mais il se compose plus réellement d’une nébuleuse de micro-comités qui s’expriment dans la stratosphère virtuelle, s’affrontent, s’insultent. En ayant tous pour point commun une prétendue allégeance au chef de l’Etat, élevé au statut d’un « sauveur » et d’un messie; mais sans réel contenu politique.
Ainsi, la galaxie Kaïs Saïed, constituée aussi d’étoiles filantes et de chefs éphémères, se distingue par son caractère nébuleux et l’absence de toute forme d’organisation centralisée.
De même que par la versatilité de ses membres, qui au gré des nominations des ministres, p.d.g, gouverneurs, sous-gouverneurs et autres fonctions rémunératrices, changent de vestes et se retournent souvent contre leur mentor.
Ces derniers temps, la bagarre oppose les partisans du Ministre de l’Intérieur à ceux qui entourent le ministre des Affaires sociales. Sans que l’on sache pourquoi ils s’entredéchirent. En dehors de l’hypothétique course au poste tant convoité de Premier ministre. Les « combattants » font feu de tout bois au mépris de la règle d’or de la solidarité gouvernementale censée être de mise.
Des médias écrits et audio-visuels semblent emprunter la même voie. Et l’on recrute à tour de bras et de fortes rémunérations, des voix ou des faciès qui se portent candidats. Ce qui explique la guerre fratricide en cours entre radios rivales. Et ce, pour mettre la main sur le butin de guerre qui est constitué notamment par l’argent qui sera immanquablement injecté lors de la campagne électorale.
Où est passée l’opposition ?
Il semble que les différentes oppositions à KS, dont le rang devait s’agrandir au fur et à mesure que le nombre des déçus du « saïedisme » s’allonge, soient elles aussi désemparées devant l’attitude du jusqu’auboutiste suivie par KS.
En tout cas rien ne laisse penser qu’elles se préparent à livrer bataille lors du prochain scrutin. Laissant ainsi la voie libre à l’auteur du changement du 25 juillet pour poursuivre son projet. Ce projet, précisément, nie le rôle des partis politiques dans la cité. En se prévalant d’une forme de « pouvoir populaire » qui occulte le rôle crucial des corps médians et les considère comme une entrave à la « démocratie directe ». Une sorte de « khaddafisme » sans les « comités populaires » qui n’étaient que le visage politique de ses redoutables « moukhabarat », services spéciaux.
Ce projet extravagant n’est même pas attaqué sérieusement par un discours conséquent issu des différentes oppositions. En effet, elles se limitent à le caricaturer sans le déconstruire, à le vilipender sans le critiquer. S’autorisant seulement à lui opposer les principes démocratiques, qui disons le, furent piétinés à l’époque par ces mêmes défenseurs lorsqu’ils régnaient sans partage sur le pays, l’islam politique en tête.
Pourtant, il est facile de battre en brèche ce discours lénifiant de KS, de ses apôtres et de ses fidèles. Cette absence est due à ce que le peu d’intellectuels engagés a déserté.
Et les partis et la scène politique, emportés jadis par le raz de marée de la rhétorique « révolutionnaire » qui a précédé le « populisme » de KS, ont abouti à pousser tout un pays dans l’anarchie généralisée et à la destruction de l’Etat national.
La rationalité a été perçue dans ces années noires et continue à l’être, comme une nostalgie de ce qu’on appelle la « dictature ».
Quant aux différents chefs politiques de ces oppositions, ils sont tout au plus travaillés par leurs ambitions personnelles ou leurs intérêts particuliers. Et il y a belle lurette qu’ils ont perdu toute crédibilité. Surtout ceux qui ont eu un certain moment le pouvoir entre leurs mains. Cela, ils le savent et ils comptent pour la plupart sur les ambassades pour les remettre en selle. Ce que KS sait et qu’il ne manque aucune occasion de dénoncer. La dernière fois c’était devant les différentes délégations américaines.
Tout laisse donc à penser qu’ils seront les grands absents du prochain scrutin. Et qu’encore une fois, ils commettent la même erreur que lors du référendum. Car, en laissant la voie libre à KS, ils ne font que prolonger son règne. Sachant que les prochaines élections législatives préfigurent des prochaines présidentielles. Ainsi, tout pousse à penser que KS ne compte pas s’arrêter en si bon chemin.
Dans les salons feutrés, les opposants à KS discutent plus des dernières déclarations des diplomates américains ou européens que de la façon de mobiliser la rue pour renverser le rapport de force et ouvrir des brèches dans la popularité encore très grande du Président de la République.
Quant à leur parti politiques ou ce qu’il en reste, la mode est au déchirement intérieur. Et même s’il est tenu secret, il se manifeste chez certains à travers l’isolement grandissant de leurs chefs, Rached Ghannouchi en tête.
Dans un peu plus de trois mois, la Tunisie affrontera son destin et entrera dans une nouvelle ère pleine d’incertitudes et de défis majeurs, notamment économiques et sociaux. Elle est loin d’être la seule, car le monde bouge partout. Et tout se passe comme si on est devant une nouvelle accélération de l’Histoire. Le plus inquiétant c’est qu’on a l’impression que le pays risque de subir encore un déclin après celui de la dite « révolution du jasmin ». Un jasmin qui supporte mal l’odeur de la pénurie et peut être même de la famine.