Vingt et un ans déjà. Vingt et un ans depuis qu’un groupe de terroristes attaqua les tours jumelles de New York. Une attaque d’une ampleur sans précédent. Gigantesque à la mesure du gigantisme américain. Elle servit de prétexte à la classe politique américaine pour s’engager dans une dynamique guerrière injustifiée, provoquant une déstabilisation à grande échelle d’une partie de la planète.
La lente victoire remportée par l’Amérique sur ce qui était convenu d’appeler le bloc socialiste, consacrée par l’effondrement de l’Union soviétique, avait considérablement accru le double sentiment de supériorité et d’invulnérabilité chez les Américains. La plus grande attaque terroriste de l’histoire, le 11 septembre 2001, était donc intervenue alors que l’Amérique se délectait encore de sa victoire sur la superpuissance soviétique sans avoir tiré une cartouche.
L’Amérique était en ce début d’automne 2001 fort bien installée dans le bien-être que procure le confort psychologique et matériel. Elle jouissait du sentiment de sécurité absolue que procurait la double chance d’être surprotégée par les deux immenses « barrières liquides » (le Pacifique et l’Atlantique) d’une part, et par l’armée la plus puissante du monde d’autre part.
Le réveil du mardi 11 septembre 2001 était donc d’une extrême brutalité. Un réveil d’autant plus brutal que ce qui s’était passé ce jour- là dépassait de très loin les appréhensions des responsables de sécurité les plus pessimistes et les souhaits des terroristes les plus fous.
Les Etats-Unis bénéficiaient déjà de la sympathie et du soutien d’une bonne partie du monde quand, le 7 octobre 2001, le président américain envoya ses troupes détruire le régime des talibans qui avaient non seulement hébergé les terroristes d’Al Qaida, mais refusé aussi de les livrer à Washington comme l’exigeaient les autorités américaines.
La Russie, l’Iran et la Chine ne s’étaient pas contentés d’exprimer verbalement leur compassion et leur sympathie envers Washington à la suite de la plus grande attaque terroriste de l’histoire. Ils ont apporté une aide concrète qu’aucun dirigeant américain n’escomptait ou n’attendait d’eux.
Le premier dirigeant à appeler le président George W. Bush pour lui exprimer ses condoléances et sa solidarité a été le président russe Vladimir Poutine. Poutine proposa à Bush de partager avec les États-Unis les informations collectées par les services de renseignements russes. Il permit aux États-Unis d’utiliser l’espace aérien russe pour les missions humanitaires. Poutine alla jusqu’à autoriser, à la stupéfaction de Washington, le stationnement des troupes américaines en Asie centrale. Ce que le Pentagone s’empressa de faire en établissant des bases au Kirghizistan et en Ouzbékistan.
C’est que le président russe espérait encore, à cette époque, pouvoir améliorer ses relations avec les États-Unis en particulier et l’Occident en général. Dans un discours prononcé à Washington en novembre 2011, Poutine déclarait : « Il est très important que la coopération entre nos pays dans la lutte contre le terrorisme ne devienne pas un simple épisode dans l’histoire des relations russo-américaines; mais marque le début d’une relation à long terme. »
Il pensait, naïvement sans doute, que la tragédie du 11 septembre allait baliser la voie à un nouvel ordre mondial où la Russie serait considérée comme un partenaire et non comme un adversaire. Comme une amie et non comme une ennemie.
L’Iran était également venu en aide aux États-Unis après le 11 septembre. La république islamique s’est immédiatement et publiquement rangée du côté des États-Unis contre les talibans et al-Qaïda. Le président réformiste, Mohammad Khatami, souhaitait améliorer les relations de son pays avec les États-Unis et, tout comme Poutine, il a vu dans la tragédie du 11 septembre une occasion de tisser une amitié avec les Etats-Unis et d’inaugurer une nouvelle ère de coopération.
C’est pour montrer leur bonne volonté à Washington que les autorités iraniennes ont arrêté des centaines de combattants d’Al-Qaïda et des talibans. Le président Khatami a accédé à la demande américaine de rechercher, d’arrêter et d’extrader des centaines de membres d’Al-Qaïda identifiés par les États-Unis.
Mieux encore, l’Iran a offert ses bases aériennes aux États-Unis pour leur permettre d’effectuer des missions de recherche et de sauvetage pour les avions américains abattus. Les Iraniens ont également fourni aux États-Unis des renseignements sur les endroits où se cachaient les talibans et les terroristes d’al Qaida.
En Chine, moins de deux heures après les attentats, le président Jiang Zemin, appela George Bush pour lui exprimer la sympathie et la solidarité du peuple chinois avec le peuple américain. Après l’intervention américaine en Afghanistan, surmontant ses appréhensions, la Chine a offert de partager des renseignements avec Washington et d’envoyer des dragueurs de mines en Afghanistan. Elle a même autorisé l’ouverture d’un bureau du FBI à Pékin.
Qu’ont fait les Américains des mains que leur tendaient les Russes, les Iraniens et les Chinois? Ils les ont mordues. Ils ont répondu à ceux qui leur tendaient des mains amicales par la haine, le mépris et l’arrogance. Il n’y a qu’à voir la politique de déstabilisation, d’affaiblissement et d’isolement que mènent depuis des années l’establishment washingtonien envers la Russie, la Chine et l’Iran. Décidément, l’ingratitude américaine est sans limite.
La classe politique américaine est prompte à qualifier toute puissance qui ne lui plait pas d’« empire du mal » et de classer tout pays qui lui tient tête dans « l’axe du mal ». Quand on a en tête les guerres dévastatrices déclenchées pendant les trois dernières décennies, les dizaines de millions de morts, de disparus, de déracinés et de déplacés; quand on voit les manœuvres diaboliques qui ont mené à la guerre d’Ukraine et les provocations autour de Taïwan, il n’est pas difficile de deviner qui est réellement « l’empire du mal » et qui se trouve concrètement à la tête de « l’axe du mal ».