Les attaques terroristes du 11 septembre 2001 ont symbolisé l’entrée historique dans le XXIe siècle. Toutefois, l’attaque perpétrée par Al-Qaida et ses conséquences marquent moins un basculement de l’ordre mondial que l’accélération de mouvements qui étaient déjà perceptibles: déclin américain; globalisation du terrorisme islamiste; valorisation du discours du « choc des civilisations ». Plus de 20 ans après, que reste-t-il des attentats du 11 septembre 2001 ? Djihadisme, islamophobie, obsession sécuritaire, complotisme… Un sombre héritage auquel peu de pays du monde échappent.
Les attaques terroristes du 11 septembre 2001 ont érigé la figure de l’Arabo-musulman en figure de l’ennemi symbolique et stratégique de l’Occident. Une construction conforme à la thèse du « choc des civilisations » développée par le politologue américain Samuel Huntington. Selon laquelle l’ordre du monde tient à un conflit de systèmes de valeurs dans lequel la civilisation islamique menacerait l’Occident.
Le choc des civilisations et djihadisme : deux faces d’une même pièce
Tenants de cette théorie, les néoconservateurs américains ont exploité l’évènement avec cynisme pour justifier une invasion militaire de l’Irak en 2003. Ironie de l’histoire, cette intervention militaire qui prétendait vouloir exporter la démocratie est à l’origine de la naissance d’une créature djihadiste plus destructrice encore qu’Al-Qaida: Daech. L’« Etat islamique », organisation terroriste aux prétentions califales, frappe indistinctement les mondes arabe, musulman et occidental.
Une violence qui se déchaîne sur fond de montée d’idéologies identitaro-nationalistes dans le monde. La montée des diverses variantes de l’islamisme en est une manifestation spectaculaire, mais ce n’est pas la seule, loin s’en faut. Un national-populisme teinté de xénophobie agite les démocraties occidentales (américaines, et européennes), indienne ou encore israélienne.
Dans le même temps, cette approche identitaire des enjeux politiques et géopolitiques est infirmée par des faits aussi marquants que le rapprochement stratégique entre Israël et les régimes arabes sunnites (du Golfe jusqu’au Maroc), ou la guerre entre le Russie et l’Ukraine, deux pays qui connaissent une profonde proximité culturelle.
Le déclin occidental
Les attaques terroristes du 11 septembre 2001 avaient frappé l’hyperpuissance américaine, sur son propre territoire, en plein cœur de New York et de Washington, en touchant des « sites-cibles » phares de sa puissance financière (les tours jumelles du World Trade Center) et militaire (le Pentagone). Le fait, sans précédent a coûté la vie à plus de 3000 civils.
Ces attaques qui avaient justifié l’intervention militaire de l’OTAN en Afghanistan où étaient basées les forces d’Al-Qaïda. 20 ans après, nous avons assisté au retrait précipité des armées anglo-américaines de l’aéroport de Kaboul (suite à la prise de la capitale afghane par les Talibans). Les évènements et images à forte charge symbolique se succèdent pour signifier ce déclin occidental. Le contexte et les processus sont à chaque fois différents, mais ils renvoient toujours à la même réalité tendancielle: les puissances qui ont organisé le monde pendant des siècles ne mènent plus le jeu international. Les relations internationales contemporaines sont marquées par un déclin des Etats-Unis et une véritable « provincialisation » de l’Europe, des pôles de puissance constitutifs du noyau dur de l’occident tel qu’il est traditionnellement conçu et représenté.
La mondialisation globalise la scène internationale, relativise politiquement et culturellement l’attractivité de Washington et qui, en promouvant l’interdépendance, limite la portée de l’alignement sur les positions occidentales. La mondialisation a fait naître progressivement un questionnement à la fois stratégique et existentielle sur la place de l’Occident dans un monde globalisé et interdépendant. Le monde occidental se découvre vulnérable face à un mouvement de mondialisation que ses dirigeants ont voulu et impulsé dans sa dimension économique et commerciale. Un mouvement qui leur a échappé au point d’être de plus en plus perçu comme une source de menace multidimentionnelle.
Le complotisme comme menace pour la démocratie
Les attentats du 11 septembre ont nourri diverses théories complotistes. Loin d’être anecdotique, ce phénomène est devenu un phénomène prégnant de notre temps. La pandémie de Covid en offre un exemple significatif…
Si un regard critique sur le traitement de l’information et sur les médias participe du débat démocratique, l’attitude consistant à voir une entreprise de désinformation ou de manipulation dans la plupart des explications scientifiques, politiques et journalistiques constitue une menace pour la démocratie. Le complotisme est un simplisme qui permet d’expliquer ce qu’on ne comprend pas ou ce dont on a peur. Y compris en identifiant des responsables à nos malheurs.