Le chef de l’Etat a appelé à la nécessité de réduire l’importation des produits dits de luxe, citant à titre d’exemple les produits cosmétiques. La toile a aussitôt réagi et dénonce ce genre de pression, qui au final ne rimerait à rien. Si ce n’est à imposer un devoir d’exclusion.
Nous avons interrogé des acteurs de la société civile et recueilli leurs réactions.
Sana Ghenima: « Kaïs Saïed veut s’attaquer clairement aux femmes tunisiennes »
Sana Ghenima, présidente de l’Association Femmes et Leadership revient sur cette décision. Elle précise dans ce contexte: « Cet aspect populiste ne sert guère aux besoins urgents de la population. Encore moins face à la situation socio-économique que le président de la République dit vouloir défendre. Alors, ce qu’il est en train de faire est de dévier l’attention des vulnérables de l’essentiel. Et ce, en utilisant de faux débats comme la rationalisation des importations. Or, s’il veut en effet limiter les importations, il devra commencer par interdire les produits turcs. Mais ce que Kaïs Saïed veut c’est s’attaquer clairement aux femmes tunisiennes. Après les avoir éliminées de la représentation aux élections législatives. Il en va de même pour les binationaux en les considérant comme des citoyens de seconde zone. Avec la mesure prise d’hier, le Chef de l’Etat est en train d’attaquer directement les aspects personnels des femmes. Mais à mon avis, les femmes ne vont pas rester silencieuses. Car à mon sens, ce n’est que le bouillonnement avant la tempête. »
Et de poursuivre: « Il ne faut pas qu’il croit qu’un instant que les femmes vont se taire. » Et de prendre l’exemple de l’Iran, en évoquant ce qui se passe quand les femmes iraniennes se révoltent .
Pourquoi ne pas s’attaquer aux produits turcs!
Nazih Zghal, médecin, estime que s’il fallait réduire les importations des produits de cosmétiques, autant réduire les importations des voitures de luxe. Ou au lieu de s’attaquer aux produits de luxe s’attaquer tout simplement aux produits turcs. Puisque la balance commerciale avec la Turquie est depuis des années déficitaire.
Avant d’ajouter: « S’attaquer aux produits cosmétiques cela va favoriser la contrebande, la contrefaçon. Sachant que ces produits contrefaits sont non testés dermatologiquement. Plus encore, cela peut entraîner un problème de santé publique. Sans compter que cette mesure mettra à la porte des milliers de travailleurs, en leur faisant perdre leur emploi. »
L’univers des cosmétiques est en perpétuelle évolution
Il est à noter que l’univers des cosmétiques est en perpétuelle évolution. Plus encore, il contribue à la croissance économique soit 1,35% du PIB. C’est ce qui ressort des derniers chiffres (2019) de l’étude présentée par l’Utica.
En outre, le marché du secteur des cosmétiques est évalué à 945 millions de dinars. Une chose est sûre: un tel secteur génère de beaucoup l’employabilité notamment pour les femmes en Tunisie.
Ramla Mehri, journaliste, estime que « ce n’est pas une surprise. Car Kaïs Saïed est en train d’appliquer à la lettre son programme. A commencer par l’exclusion des femmes du paysage politique. Alors que dans certains pays islamistes, les femmes sont en train de se révolter, comme en ce moment en Iran. Et pour couronner le tout, l’Arabie Saoudite est en train de progresser en matière des droits des femmes. Elles sont désormais libres de ne plus porter le voile. Alors que nous, en Tunisie, on sent le contraire qui va venir. »
Mais ce qui est tout de même inquiétant est le silence de ces femmes démocrates qui ont dénoncé les dérives d’Ennahdha. Aujourd’hui elles sont aux abonnées absentes.
En Tunisie, être une femme libre de ses actes, de ses paroles et de ses choix a toujours été. Pourtant, aujourd’hui, l’impression est que le sentiment de liberté est en train de régresser. N’est-il pas temps pour les femmes de dénoncer ces abus. Ainsi que de mettre un terme à une société misogyne qui ne cherche qu’à se venger des acquis des Tunisiennes. Alors, le plus grand combat des femmes libres est de donner aux autres femmes du monde, qui subissent des contraintes, la liberté de faire des choix.