Les politiques sociales genrées et transformatrices en Tunisie: éducation, emploi et protection sociale. Tel est le thème de l’événement d’aujourd’hui organisé par l’Institut de Recherche pour le Développement, le Gender Equitable and Transformative Social Policy fort post Covid-19 et l’IHEC de Carthage à l’université de l’IHEC.
Le premier constat pour les panélistes présents est l’importance des protections sociales qui ont contribué à augmenter le bien-être de la population. En effet, depuis l’indépendance, la politique sociale a été mise en avant en Tunisie. Et ce, dans le but de lutter contre la pauvreté et les inégalités entre les classes et entre genres. Ce qui fait que les transferts sociaux ont été axés sur l’éducation, l’assistance, l’assurance sociale et la santé publique.
Malgré les efforts fournis pour assurer une équité dans l’accès à l’éducation et à la santé entre les régions, les inégalités persistent en termes de participation économique et d’autonomisation politique.
Une femme sur quatre cherche un travail
Ce qui fait que les inégalités de genre persistent, notamment en matière d’emploi. Aujourd’hui, une femme sur quatre cherche un travail. Ce qui représente donc un faible taux d’employabilité des femmes de 26% seulement. Un chiffre alarmant comme l’a présenté Mouna Ben Othmane, universitaire et Chef de projet GETSPA.
Elle précise à cet effet: « Il est crucial de renverser la donne afin que la femme tunisienne retrouve sa place dans le monde de l’emploi. Et pour y parvenir, il y a tout un travail à faire, notamment dans les mentalités et au niveau de l’entrepreneuriat féminin. J’ajouterais que c’est aux femmes tunisiennes de prendre les rênes. »
Par ailleurs, les panélistes ont mis l’accent sur les conditions sociales qui ne se sont pas suffisamment améliorées. Et ce, depuis la libéralisation de l’économie dans les années 70, en passant par la période du plan d’ajustement structurel jusqu’à la révolution en 2011. C’est ce qu’a fait savoir Mohamed Ennaceur, ancien président de la République et ancien ministre des Affaires sociales du temps de Bourguiba.
Ainsi, il est revenu sur les réformes sociales à l’époque du leader Habib Bourguiba. A ce propos, il a pris comme exemple le développement social. Lequel s’est ancré via la concertation entre les organisations professionnelles représentées par l’UGTT et l’UTICA d’une part, et l’Etat de l’autre.
Entre-temps, tout au long de la période (années 70-80) la politique sociale a continué à réaliser des performances, des réformes dans les formations professionnelles. A titre d’exemple l’idée de la formation permanente qui fut un des acquis de la protection sociale.
Mohamed Ennaceur: « Cette solidarité nationale a toujours été nécessaire »
Mohamed Ennaceur a souligné qu’à travers cet exemple, l’Etat a renforcé le sens de la dignité.
Selon lui, le plus important est de donner aux gens la dignité humaine. Ce qui veut dire: renforcer le sens de la dignité; mais aussi renforcer le sens de l’appartenance à la société; et renforcer le sentiment national qui est une nécessité.
Il précise dans ce contexte: « On a besoin de renforcer le sentiment national parce qu’une nation ne peut se sentir forte et ne peut survivre dans les crises que lorsqu’elle est unie. Cette solidarité nationale a toujours été nécessaire et plus nécessaire aujourd’hui. »
Par ailleurs, notons que cette conférence sur les politiques sociales en Tunisie entre dans le cadre d’un projet de recherche sur les politiques sociales transformatrices et genrées en Afrique (GETSPA) Sa direction est assurée par le Dr Dzodzi Tsikata, en partenariat avec l’Institut de recherche pour le développement IRD.
Ainsi, une analyse de la trajectoire des politiques sociales en Tunisie a été présentée. Et ce, dans les domaines de l’emploi et de protection sociale.
De son côté, Mohamed Ali Marouani, représentant de l’IRD, part de l’état des lieux de la protection sociale des vingt dernières années. Il estime qu’il y a une protection sociale à deux vitesses. A savoir: une protection pour les travailleurs formels; et une autre pour les travailleurs informels. Et on l’a pu observer que durant la crise sanitaire, les travailleurs informels se sont retrouvés avec zéro ressource. D’où l’urgence d’aujourd’hui de réfléchir ensemble pour un vivre-ensemble où la dignité humaine est respectée. Autrement dit, faire en sorte que le travailleur informel intègre le secteur formel, tout en l’aidant à mieux s’intégrer.
Dans tous les pays, la protection sociale est un pilier majeur de l’économie. Mais l’autonomisation au marché du travail, en particulier chez les femmes, reste toutefois faible en Tunisie. Aujourd’hui, la question que tout le monde se pose est de savoir comment garantir le travail décent et une égalité parfaite dans l’approche genre et famille.