Les émeutes qui ont éclaté suite au suicide par pendaison du jeune Mohamed Amine Dridi à Mornag, ont été exploitées par le pouvoir en place pour amputer la responsabilité à de jeunes délinquants. Et par certains partis politiques d’opposition pour attiser le feu de la contestation dans les quartiers populaires. Du machiavélisme.
C’est un cas d’école. Comment le pouvoir a-t-il géré le dossier du jeune vendeur, Mohamed Amine Dridi, qui s’est suicidé par pendaison à la fleur de l’âge. Et ce suite à la confiscation de sa bascule par la police municipale. Un remake du cas Mohamed Bouazizi, qui s’immolait par le feu à Sidi Bouzid en janvier 2011, suite à la confiscation de sa balance par la police municipale?
En noyant le poisson dans l’eau. D’abord, en amputant la responsabilité à un élu. Ce dernier, en réalité, n’a fait qu’appliquer la loi. Ensuite en arrêtant de « jeunes délinquants » ayant avoué avoir reçu de l’argent « pour semer le trouble et attiser la situation ». Enfin, en octroyant à la famille de la victime une autorisation de projet.
Une classique manœuvre de diversion pour ne pas s’attaquer à l’origine du mal: l’incapacité du gouvernement à résoudre le dossier explosif du chômage des jeunes.
Victime de l’application de la loi
Ainsi, l’élu en question, Amor Harbaoui, 68 ans, maire de Mornag, arrêté en dépit de son statut et de son âge avancé puis relâché, est revenu sur les circonstances de l’affaire. Il affirme avoir reçu à son bureau le jeune Amine, venu se plaindre d’avoir été interpellé par la police municipale; alors qu’il avait un étal anarchique près du marché de Mornag. « Il a demandé mon concours pour récupérer sa balance électronique confisquée saisie par la police », poursuit-il.
Alors, appliquant scrupuleusement la loi, laquelle autorise et oblige les maires à appliquer l’interdiction des étalages anarchiques autour du marché municipal, il lui aurait conseillé de régulariser sa situation et de s’adresser aux services compétents. D’autant plus que, selon ses dires, le jeune homme avait installé son étalage anarchique dans un endroit que le maire avait ordonné d’évacuer. Et ce, afin de ne pas abîmer le gazon vert d’un rond-point.
Un parti politique pointé du doigt
Par ailleurs, le ministère de l’Intérieur, qui a précisé dans un premier temps que selon les premiers éléments de l’enquête et contrairement à ce qui a été relayé sur les réseaux sociaux, la victime avait toujours « de gros problèmes familiaux », s’est fendu mardi 27 septembre d’un communiqué. Il affirme « qu’une centaine de personnes, dont la plupart des délinquants, s’est rassemblée au carrefour du marché à Mornag. Puis elles ont lancé des cocktails Molotov sur les unités de sécurité, brûlé des pneus et bloqué la route ».
Aussitôt informées, ajoute le communiqué, « les forces de l’ordre ont dû intervenir pour disperser les émeutiers. Et elles ont procédé à l’arrestation de 12 agresseurs ».
Puis, interrogées par les enquêteurs, les gardés à vue ont « avoué avoir reçu une somme d’argent d’une personne appartenant à un parti politique. Et ce, dans le dessein de provoquer des troubles et d’exacerber la tension ».
A cet égard, notons que de graves incidents ont éclaté dimanche soir entre les unités sécuritaires et des manifestants à Mornag. A la même heure, des manifestants sillonnaient les artères de Douar Hicher et de la cité Ettadhame. En signe de protestation contre: la cherté de la vie; la flambée des prix des produits alimentaires; et la pénurie à répétition d’autres denrées à l’instar du sucre, du café et de l’huile végétale subventionnée. Pure coïncidence?
Soit. Même si à l’approche du prochain scrutin législatif, il ne faut pas écarter l’hypothèse que certains partis politiques aient cherché à tirer profit des agitations nocturnes à Mornag pour les délocaliser vers des quartiers populaires de la capitale; il n’en reste pas moins que le département de l’Intérieur veut nous faire croire que les manifestations étaient loin d’être spontanées. Mais bien provoquées par des « délinquants » ayant reçu de l’argent d’une personne appartenant « à un parti politique ». Lequel ? La version officielle aurait gagné en crédibilité si le nom de ce parti avait été révélé.
Une aubaine pour l’opposition
Aussitôt, certains partis politiques de l’opposition se frottent les mains, trop heureux de sauter sur cette aubaine.
Ainsi, le Courant démocrate, le parti des travailleurs, Ettakatol, al-Joumhouri et al-Qotb expriment « leur refus catégorique de la politique de main de fer et les solutions sécuritaires ». Telles qu’adoptées par ce qu’ils qualifient de « pouvoir de Coup d’Etat, face à l’accroissement des mouvements sociaux, du fait de sa totale incapacité à régler la crise économique et ses répercussions ».
Enfin, les cinq partis font assumer « au régime du 25 juillet et son discours populiste l’entière responsabilité de la dégradation de la situation générale dans le pays. Ainsi que de la situation socioéconomique, avec les dangers immaitrisables et les menaces pour la paix civile ».
Politiquement, c’est de bonne guerre. Mais, que des partis politiques d’opposition, suivez mon regard, tirent profit d’un drame humain, le suicide d’un vendeur de fruits en situation irrégulière à la fleur de l’âge, pour attiser le feu dans les quartiers pauvres, s’apparente plutôt à un suicide collectif. Mesurent-ils les conséquences d’un embrasement général?