Peut-on parler d’une véritable politique restrictive menée par la Banque centrale américaine (FED) alors que le taux d’intérêt réel demeure en territoire négatif ?
Pourquoi la FED s’est contentée d’une hausse de +75 pb pour ramener les taux dans une fourchette de 3% à 3,25% et n’a pas remonté son taux d’intérêt au-delà du taux d’inflation (+8,3% en glissement annuel pour le mois d’août) comme la fait Paul Volker en 1980, en augmentant le taux directeur à près de 20% alors que l’inflation est montée seulement jusqu’à 13% ?
Au-delà des craintes de récession, plusieurs raisons expliquent la « sagesse » de la FED américaine:
La financiarisation excessive de l’économie américaine
Les Banques centrales sont devenues très à l’écoute des marchés. D’une part, un effondrement des marchés pourrait générer des conséquences désastreuses pour les fondamentaux, y compris le dollar.
D’autre part, l’ « effet de richesse négatif » (Negative Wealth effect) qui en résulte et qui est très présent dans le comportement des ménages américains serait pénalisant pour les détenteurs de titres financiers et pour la consommation.
Les mauvais souvenirs de la crise de la dette des années 80 en Amérique latine
Le durcissement monétaire de la FED, au lendemain du deuxième choc pétrolier de 1979, s’est transmis aux taux d’intérêt de long terme, provoquant une forte hausse du service de la dette pour les pays endettés en dollars US, précipitant ainsi la crise de la dette pour plusieurs pays latino-américains.
Le Mexique se déclare en défaut en 1982 ; la dette brésilienne a augmenté de 100% entre 1980 et 1989, celle de l’Argentine de 45% …
Le poids de la dette publique américaine
Une dette autour de 100% du PIB pourrait facilement remonter davantage à la suite de la transmission de la hausse des taux directeurs aux taux longs. Une forte hausse de ces derniers serait étouffante pour les finances publiques.
Elle érode le « fiscal space ». Elle complique l’équation de la soutenabilité de la dette, privant ainsi le gouvernement américain de réagir efficacement pour faire face à des risques extra-économiques (nouvelle pandémie, changement climatique…). A l’heure du retour de la menace inflationniste, la crédibilité des Banques centrales est de nouveau sur la sellette.
Comment réussir à concevoir des politiques monétaires non dommageables pour les marchés financiers et les ménages et suffisamment expansionnistes pour garantir la solvabilité des emprunteurs ?
(Article publié dans L’Économiste Maghrébin n°853 du 28 septembre au 12 octobre 2022)