« Dieu, protégez moi de mes amis, mes ennemis je m’en charge » ! Tel devait être la prière adressée quotidiennement par Kaïs Saïed au Tout Puissant. Ce n’est probablement pas le cas. Induit systématiquement en erreur par des conseillers occultes dont on ne connaît ni les noms, ni les fonctions, le Président de la République, multiplie systématiquement les fautes et les erreurs politiques; au moins depuis la fameuse première mouture de la Constitution. Sans pour autant avouer ces fautes, il essaye toujours de rétropédaler. Mais souvent en s’enfonçant davantage dans le mauvais sens. La vanité est le plus grave des défauts humains.
Dans une mise en scène digne des républiques bananières, le Président de la République annonce qu’il va « amender » le décret du code électoral qu’il a lui-même émis sans même consulter ses amis politiques. Tout d’abord, on ne change pas les règles du jeu en cours d’un match ou une compétition. Le faire c’est donner la preuve à l’adversaire qu’on est mauvais joueur ! Aucun pays au monde ne l’a jamais fait. Et la Tunisie sous Kaïs Saïed vient de mériter de figurer dans le Guinessbook des États de non droit. Le comble c’est un professeur de droit qui préside à ses destinées et qui commet cette « triche ».
Code électoral et harakiri politique
Il s’est donc aperçu très tard que son code rédigé par un de ses « occultes » l’a piégé lui-même. L’affaire des supposés « corrupteurs », même si elle s’avère réelle, ne justifie nullement cette tragique reculade; et encore moins de changer le code en cours de la compétition.
Le prochain scrutin devait donner un parlement sans pouvoir réel, même pas sur la promulgation des lois. Car en définitive, elles doivent êtres signées et publiées au Journal officiel par le Président de la République. Et l’on sait qu’il avait refusé auparavant de le faire plusieurs fois. Du coup le parlement a déjà perdu sa crédibilité politique pour plusieurs raisons. Et notamment parce que le code aurait été amendé en dehors de la période légale. Mais surtout parce que les conditions posées par ce texte pour concourir élimine tous les candidats politiques sérieux et crédibles.
En effet, les conditions de parrainage sont tellement difficiles à satisfaire. D’autant plus qu’ils doivent êtres légalisés sous les auspices des islamistes qui contrôlent la majorité écrasante des municipalités. D’ailleurs, ils font tout pour faire échouer le scrutin, quand ils ne favorisent pas leurs « sous-marins » sous l’étiquette « indépendant ». La question qui se pose alors est la suivante: est-ce par incompétence que les « conseillers » occultes auteurs du code n’ont pas vu venir le piège; ou ces « occultes » sont-ils eux-mêmes des « sous-marins »?
Pour compléter le tableau bien sombre de la scène politique, voilà que dans une improvisation comme seul Kaïs Saïed sait faire, il convoque le ministre de l’Agriculture. Puis, il le sermonne. Parce que deux de ses cadres auraient participé à une réunion d’un parti politique. Et ce, en s’y rendant avec leurs voitures de fonction, s’agissant certainement de directeurs généraux.
A l’évidence, KS ne fait pas distinction entre voiture de service et voiture de fonction. Ce qui semble « normal ». Puisque dans sa longue carrière d’assistant en droit il n’avait jamais pu prétendre à une si haute fonction; jusqu’au jour où il accéda à la magistrature suprême! Mais cela ne l’excuse nullement. Visiblement il fût victime d’une manipulation grossière qui l’a fait apparaître dans une posture peu enviable. Et logiquement l’auteur du rapport doit être sanctionné pour « tentative d’intoxication » du plus haut magistrat du pays et atteinte au prestige de l’Etat.
Il lui aurait fait commettre un délit qui tombe sous le dernier décret sur les crimes de fabrication et de propagation de fausse nouvelles, promulgué il y a seulement quelques semaines par le Président de la République en personne.
Pourquoi le ministre de l’Agriculture lui-même n’a-t-il pas pipé mot pour couvrir ses directeurs qui à l’évidence était dans leur droit le plus absolu? A quels types de ministres avons-nous affaire en ce moment, qui de peur de perdre leurs postes se laissent tourner en ridicules? Et puis, depuis quand un fonctionnaire n’a pas le droit de participer aux réunions d’un parti politique ayant pignon sur rue?
Cette dérive, s’ajoutant à tant d’autres, n’augure rien de bon. Car soyons clair, c’est bien la participation de hauts commis de l’Etat à des réunions politiques des partis qui semble avoir suscité la colère de Kaïs Saïed. Et non l’utilisation somme toute légale des voitures de fonction. Ignore-t-il que depuis, l’époque coloniale, sous Bourguiba ou sous Ben Ali, sans parler de l’ère « post-révolution », des hauts cadres de l’Etat ont toujours appartenu à des partis politiques, légaux et illégaux; sans être inquiétés, sauf quand ils enfreignent les lois?
Une pénurie qui vote contre Kaïs Saïed
La pénurie généralisée, qui touche surtout les denrées alimentaires, perdure et risque de s’accentuer à l’approche du scrutin de décembre. Les causes sont multiples, mais la principale raison est évidement le manque de ressources budgétaires, dont l’actuel gouvernement est loin d’être le seul responsable.
Partout dans le monde, dans les pays riches aussi bien que dans les pays pauvres, on manque de matières de première nécessité et particulièrement de pétrole. Sauf que dans ces pays, les chefs d’Etats et de gouvernements s’échinent à expliquer à leur peuple les raisons de cette situation de crise. Sauf que chez nous, le discours de KS la ramène à la seule raison de l’existence de réseaux de « corrompus qui veulent affamer et assoiffer le peuple ». Et contre lesquels il se présente en héros « anti-corruption » depuis plus d’un an; sans qu’un seul vrai réseau ne soit réellement démantelé et mis hors d’état de nuire. Il a même émis un décret terrifiant qui condamne à de lourdes peines, disproportionnées par rapport aux délits mentionnés, les auteurs d’actes de spéculation illégale.
Mais la pénurie ne fait que s’aggraver. Depuis surtout que les grossistes, dont le rôle est justement de stocker la marchandise avant de la distribuer, ne remplissent plus cette fonction vitale au commerce; de peur de tomber sous le coup de la loi.
Effectivement, l’expérience récente a démontré que les agents du ministère du Commerce confondent souvent stocks légaux de gestion et stocks illégaux. Cette loi pénalise de fait les distributeurs et ouvre la voie à la spéculation qui devient une aubaine pour les aventuriers du circuit parallèle. Or, il aurait suffit d’appliquer une seule règle de l’économie libérale, à savoir la loi de l’offre et de la demande! Mais cette loi KS ne semble pas la connaître et ses conseillers occultes font tout pour qu’il l’ignore.
Par conséquent, la popularité de KS connaît une érosion significative, à cause de la pénurie et de la baisse continue et récemment accélérée du pouvoir d’achat de la classe moyenne, ainsi que des catégories sociales les plus pauvres. Ce qui risque de se traduire par une non participation significative au prochain scrutin et une baisse plus grande du taux de participation. S’il est sûr qu’il court peu de risque d’avoir une opposition majoritaire à cause de l’élimination de facto des principaux partis politiques; le taux de participation s’il baisse par rapport à celui du référendum, déjà peu reluisant (moins de 30%), sera un coup fatal pour la crédibilité politique de tout le régime qu’il a instauré.
Le gouvernement actuel, coopté et dirigé directement par KS lui-même, semble incapable de juguler ces deux fléaux, la pénurie et l’inflation. Il peine même à négocier un accord satisfaisant avec le FMI. Et cela ne sera visiblement qu’après le scrutin. Tout se passe comme si cet accord est l’épée de Damoclès qui pèse sur la tête de KS. Les Américains, eux-mêmes, l’ont publiquement affiché. Comme si le régime tout entier vit en sursis. Jusqu’à quand? That is the question!
Une opposition qui ne s’oppose à rien
S’opposer tout d’abord n’est pas seulement contester ou brandir la menace de la rue! L’amalgame vient de l’héritage gauchiste et islamiste qui ne voit dans l’opposition que les actes contestataires. C’est que le discours de toutes les oppositions à KS, islamistes et destouriens confondus en passant par les gauchistes, prophétise un départ imminent de KS sans dire comment! Evidement ce discours est trompeur, car s’ils tablent sur une détérioration de la situation sociale déjà catastrophique, ils ignorent que cet élément est loin d’être suffisant pour faire chuter tout un régime.
On n’est plus en 2011 et les grandes puissances tiennent à une évolution pacifique, vers un « retour » à la démocratie, en préservant la stabilité de la Tunisie. Les récentes évolutions au Burkina-Faso et au Mali, et l’intrusion soudaine de la donne russe, comme aussi en Libye, poussent les Occidentaux à réfléchir à deux fois avant de tenter quoi que se soit.
En outre, les oppositions à Kaïs Saïed se trompent encore une fois d’analyse et ont tendance à prendre leurs souhaits pour des réalités. Et même si la situation évoluait rapidement, l’on ne sait toujours pas quel sens prendraient les évènements. En tout cas, aussi bien les islamistes que les destouriens n’ont aucune chance à court terme de revenir aux affaires. Alors, il faut raison garder. Et comme dit le proverbe tunisien: « Il vaut mieux garder son maudit, pour que ne vienne pas occuper la place plus maudit que lui! » On est plus que jamais dans ce cas de figure.