La Tunisie a voté mercredi 12 octobre en faveur de la résolution de l’Assemblée Générale des Nations-Unies (ONU) condamnant l’annexion par la Russie de quatre régions ukrainiennes. Le lendemain, le secrétaire d’État américain annonçait que son pays décidait d’accorder une aide urgente de 60 millions de dollars à la Tunisie. Simple coïncidence?
N’est-il pas troublant de constater la corrélation de l’infâme aide urgente octroyée par les Etats-Unis au profit des familles tunisiennes vulnérables. Et ce, juste au lendemain du vote tunisien à New York de la résolution de l’ONU condamnant l’annexion qualifiée d’ « illégale » de régions ukrainiennes par la Russie? Simple coïncidence?
En effet, selon un communiqué publié par l’ambassade des États-Unis à Tunis, jeudi 13 octobre 2022, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a annoncé la décision de son pays d’accorder une aide urgente de soixante millions de dollars à la Tunisie.
Une « générosité » gratuite ?
« Les États-Unis affirment continuer de soutenir le peuple tunisien. Alors qu’il est aux prises avec une crise économique permanente; et qu’il est confronté à une insécurité alimentaire exacerbée par l’invasion russe en Ukraine ».
Ainsi, « un nouveau financement permettra de fournir une assistance rapide aux Tunisiens les plus vulnérables face au large éventail de chocs économiques auxquels ils sont confrontés. Plus précisément, l’Agence américaine pour le développement international (USAID) fournira une subvention de 60 millions de dollars à l’UNICEF. Et ce, afin de fournir un soutien direct aux familles vulnérables dans toute la Tunisie, y compris les coûts de base liés à la rentrée des classes ». C’est ce qu’indique le communiqué émanant du département d’Etat.
Humiliation
Etrange. D’abord, parce que ce genre de subvention est d’habitude octroyé par l’administration américaine aux pays en guerre; dont les peuples souffrent de la famine, à l’instar du Yémen et de la Somalie ou des pays victimes d’une catastrophe naturelle. Sommes-nous arrivés à ce stade de déchéance pour que le pays de l’Oncle Sam nous classe dans cette catégorie?
Ensuite, ce genre de subvention est de coutume octroyé directement aux gouvernements. Lesquels se chargent à leur tour de distribuer l’aide américaine aux plus sinistrés.
Alors, pourquoi cette fois-ci, c’est l’UNICEF et non le gouvernement tunisien, et notamment le département des affaires sociales, qui sera chargé de fournir un « soutien direct » aux familles vulnérables dans toute la Tunisie, « y compris les coûts de base liés à la rentrée des classes »?
N’est ce pas un signe évident que, suprême humiliation, les Américains qui « continueront à soutenir le peuple tunisien » se méfient désormais de l’Etat tunisien? Préférant donc passer par une agence de l’ONU.
La Tunisie condamne, Alger s’abstient
Par conséquent, n’est-il pas légitime de lier « la générosité » des Américains au vote de la Tunisie, mercredi 12 octobre, en faveur de la résolution de l’Assemblée Générale des Nations-Unies, condamnant l’annexion jugée « illégale » par la Russie des quatre régions ukrainiennes. A savoir: Donetsk, Kherson, Louhansk et Zaporijjia? Et ce, suite à des référendums organisés par Moscou.
Et ce d’autant plus qu’avant le vote, Washington avait exercé une énorme pression sur plusieurs pays, dont certainement le nôtre, pour les empêcher de prendre une position neutre, donc de s’abstenir. « Aujourd’hui, la Russie envahit l’Ukraine. Mais, demain, le territoire d’une autre nation pourrait être violé. Vous pourriez être le prochain ». Ainsi avait menacé l’ambassadrice des États-Unis, Linda Thomas-Greenfield, à la tribune de l’ONU.
Sachant que, contrairement à nous, notre voisin algérien a opté sagement pour l’abstention. En effet, le texte de la résolution s’intitule « Intégrité territoriale de l’Ukraine: défense des principes consacrés par la Charte des Nations Unies ». Et il « appelle à ce qu’aucun Etat ne reconnaisse ces annexions et réclame le retrait immédiat des troupes russes entrées en Ukraine le 24 février ». Il a donc été adopté par 143 voix pour, dont la Tunisie, cinq contre et 35 absentions.
Ainsi, sans surprise, la Russie, la Biélorussie, la Syrie, la Corée du Nord et le Nicaragua votaient contre et s’y opposaient.
Par contre, et probablement pour ne pas froisser l’ours russe, la Chine, l’Inde, le Pakistan, l’Afrique du Sud et l’Algérie figurent parmi les principaux pays qui préféraient prendre leur distance envers la résolution onusienne.
Washington pavoise
Enfin, grâce à cette large condamnation par l’Assemblée générale de l’ONU, le camp occidental, Washington au four et au moulin, veut démontrer que Vladimir Poutine est « isolé » sur la scène internationale. Et aussi que la Russie ne peut « pas effacer un État souverain de la carte ». Dixit Joe Biden, le président des Etats-Unis. Celui-ci se félicitant d’ailleurs à l’issue du vote onusienne que « 143 nations se sont tenues du côté de la liberté, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale ».