Depuis des années, le projet du budget de l’Etat était publié avant le 15 octobre. Cette règle n’est plus à respecter avec la nouvelle Constitution. L’exercice de cette année est particulièrement compliqué à cause des hypothèses à retenir et qui risquent de pousser le gouvernement à resserrer l’étau fiscal ou à accélérer la levée des subventions pour éviter le dérapage.
La première composante est certainement le prix du Brent, élément clé dans le calcul du coût des subventions et du rythme de révision des prix de vente à la pompe. Les dernières mises à jour des attentes des prix pour 2023 viennent de Morgan Stanley et Goldman Sachs.
Les deux banques ont relevé leurs prévisions de prix du Brent après que l’OPEP+ a accepté de réduire sa production de 2 millions de barils par jour à partir du mois prochain. Cette décision a eu un impact immédiat sur les cours du pétrole, mais qui a été limité par les préoccupations économiques mondiales, notamment le ralentissement de l’activité en Chine.
Morgan Stanley a augmenté ses prévisions de prix du Brent de 5 dollars pour atteindre 100 dollars le baril pour les trois premiers mois de 2023. La banque considère que le marché pétrolier est en déficit de 0,9 million baril par jour en 2023, contre 0,2 million auparavant.
De son côté, Goldman Sachs a également relevé ses prévisions à 104 dollars le baril cette année et 110 dollars en 2023. La réduction de la production équivaudrait à une hausse d’environ 6 à 12 dollars par baril, si elle était mise en œuvre sur une période de 3 à 6 mois. Cependant, étant donné l’état d’épuisement des stocks mondiaux actuels, le risque de flambée des prix est toujours présent.
La Banque d’investissement a également noté que si le marché revenait à son cadre de tarification de la rareté, nécessitant une destruction de la demande comme rééquilibrage de dernier recours, les prix pourraient encore augmenter de plus de 30 dollars par baril. Les analystes d’ING pensent que le Brent va se négocier largement dans la zone des 90 dollars pour le reste de l’année 2022 et le premier semestre de 2023, avant de se renforcer au cours du second semestre de 2023.
Cependant, il reste évidemment beaucoup d’autres incertitudes sur le marché, notamment l’évolution de l’offre de pétrole russe en raison de l’interdiction de l’UE et du plafonnement des prix du G7, ainsi que les perspectives de la demande, compte tenu de la détérioration de la situation macroéconomique.
Un blé encore plus cher
Autre élément qui pèse dans le calcul de la facture de la compensation, le prix du blé. Fitch Solutions vient de revoir à la hausse ses prévisions du prix mondial du blé à 933 cents US/Boisseau. L’agence de notation s’attend à ce que les prix restent sensibles à la guerre en cours en Ukraine, les tensions accrues posant un risque à la hausse.
L’exemple le plus récent est l’appréciation des cours de 7,2% des prix en une nuit à la suite de la décision de la Russie d’organiser une série de référendums dans les territoires occupés de l’Ukraine.
De plus, une sur-demande pourrait venir du Pakistan, qui connaît actuellement une crise de pénurie de blé, la production de la dernière année ayant été relativement plus faible en glissement annuel. Le pays devrait connaître de nouvelles pénuries car les semis de la principale culture ont été affectés par l’inondation des champs causée par les pluies de mousson.
Toutefois, malgré la récente escalade des événements, l’accord commercial sur les céréales de la Mer Noire continuera à faciliter l’exportation du blé ukrainien sur les marchés mondiaux et empêchera les prix d’atteindre les sommets de mars 2022. Un dollar toujours fort Deuxième élément important pour préparer le budget, le cours de change du dinar par rapport au dollar et à l’euro. Par rapport aux hypothèses retenues pour 2022, l’écart est incontestable.
Le cours du dollar américain dépend des perspectives de croissance économique pour 2023 et des mouvements de hausse des taux d’intérêt de la Réserve Fédérale. Selon les estimations de Goldman Sachs, le PIB américain augmentera de 1,1% en 2023, contre une prévision de 1,5% précédemment.
La Banque d’investissement a relevé ses prévisions de taux des fonds fédéraux de 75 points de base au cours des deux dernières semaines pour une prévision de taux terminal de 4% à 4,25% d’ici la fin de 2022. Cette trajectoire de taux plus élevés, combinée au récent resserrement des conditions financières, implique des perspectives un peu moins bonnes pour la croissance et l’emploi l’année prochaine. Cela signifie une trajectoire de croissance inférieure au potentiel qui est nécessaire pour refroidir l’inflation des salaires et des prix.
La trajectoire de hausse des taux de la Fed a été l’une des principales préoccupations des économistes et des investisseurs cette année, la Banque centrale cherchant à refroidir une inflation obstinément élevée.
Le taux de l’euro par rapport au dollar américain a chuté sous le niveau de 0,99 dollar le 5 septembre 2022, dans un contexte de détérioration générale des perspectives économiques dans la Zone euro, alors que la Russie a fermé pour une durée indéterminée le gazoduc Nord Stream 1.
Après un bref rebond stimulé par la récente décision de la Banque centrale européenne de relever ses trois taux d’intérêt directeurs de 75 points de base, le taux de change a atteint un sommet à 1,019 dollar le 12 septembre, avant de décliner et de s’échanger autour de 0,97 dollar.
L’euro est très influencé par l’invasion russe de l’Ukraine, qui a nui à sa demande. La guerre en Europe de l’Est a durement touché l’économie de la Zone euro et a considérablement assombri les perspectives économiques.
Le Vieux Continent est fortement tributaire de l’énergie russe et des denrées alimentaires en provenance d’Ukraine. La guerre, ainsi que les sanctions occidentales contre Moscou, ont fait grimper en flèche les prix de ces matières.
Les exportations ont été bloquées et l’Occident tente de réduire sa dépendance à l’égard du pétrole et du gaz russes, l’UE ayant approuvé l’interdiction progressive des produits pétroliers russes au cours des six prochains mois. En conséquence, l’inflation dans la région a atteint des niveaux record, tout en nuisant aux perspectives de croissance. Les craintes que la Russie interrompe son approvisionnement en gaz naturel à l’Europe, ce qui obligerait à rationner l’énergie et déclencherait une récession dans toute la région, continuent d’affecter l’euro. La BCE est confrontée à l’énigme d’essayer de répondre aux craintes d’inflation, tout en essayant d’éviter de conduire l’économie de la Zone euro en récession.
Pour ING, une évolution de la parité EUR/USD dans une fourchette de 0,92- 0,98 en 2023 est le scénario le plus plausible.
15 milliards de dollars de services de la dette
Selon les données disponibles, le service de la dette extérieure de la Tunisie est estimé à 2,7 milliards de dollars en 2023, soit plus de 8,8 milliards de dinars au cours de change actuel. C’est une nette hausse par rapport à 2022. Une bonne partie de ce service sera payée en dollar.
Sur le front de la dette interne, les BTA à rembourser s’élèvent à 2 835,7 millions de dinars. Les BTCT sont de 3 016 millions de dinars. En tout, c’est une enveloppe de 5,851 milliards de dinars, sans compter les tranches de l’emprunt obligataire national et celles des crédits en devises auprès des banques locales. En tout, nous allons avoisiner un service de la dette aux alentours de 15 milliards de dinars en 2023. Les besoins d’endettement dépasseraient facilement les 20 milliards de dinars, ce qui est tout simplement énorme.
Pour tous ces points, l’accord avec le FMI est essentiel pour pouvoir structurer le budget de 2023. Nous pensons que le projet de budget ne sera révélé que vers le mois de décembre 2022, le temps que les négociations avec ce bailleur de fonds soient achevées et les tendances mondiales plus claires.
Article paru dans le Mag de l’Economiste Maghrébin n 854 du 12 au 26 octobre 2022