Scène hallucinante vécue, lundi après midi en plein centre ville, plus précisément à l’Avenue Habib Bourguiba, à quelques dizaines de mètres du siège du ministère de l’Intérieur : Abir Moussi, présidente du parti Destourien Libre (PDL) gisant presque par terre au milieu de barrières métalliques et d’une armada de centaines de policiers.
Elle observait une grève de la faim pour protester contre la politique menée par le pouvoir en place qu’elle qualifie « d’illégal ». Dans la mesure où, selon elle, il était élu en 2019 en vertu de la Constitution de 2014 sur laquelle il avait prêtait serment. Une Constitution qu’il a changée par un referendum discutable et critiqué par la majorité des composantes politiques et de la société civile.
Des demandes logiques
Donc, outre ses demandes d’élections législatives et présidentielle anticipées, la cheffe du PDL réclame une mise à jour de la Loi de finances 2022 et la publication de celle de 2023; ainsi que le texte de l’accord récemment conclu par le Gouvernement tunisien de Najla Bouden. Alors qu’on n’en connaît, jusqu’à présent, que les grandes lignes rendues publiques par les soins du… FMI!
A noter ici que cet accord porte sur un crédit de 1,9 milliard de dollars sur une période de 48 mois, étalé en huit tranches de 240 millions de dollars chacune avec un taux assez élevé de 4,2%. Il s’agit, par conséquent, certes d’une bouffée d’oxygène, mais qui demeure insuffisante pour sortir de l’auberge.
Une bouffée d’oxygène, mais…
En effet, il faudra au gouvernement de Najla Bouden d’entamer des réformes dès maintenant et de présenter un rapport d’évaluation tous les six mois pour pouvoir espérer l’obtention de la tranche suivante. Alors qu’il va falloir retrousser les manches pour changer les donnes en matière de fonction publique, d’entreprises publiques, du système de subvention. Sans oublier la mise en place d’institutions démocratiquement élues…
Autre révélation faite par des experts économiques, dont notamment Ezzeddine Saidane: ce montant de 1,9 milliard de dollars représente exactement ou presque le montant des dettes tunisiennes que la Trésorerie est appelée à rembourser…
C’est dire que la demande de la présidente du PDL, exigeant la publication des détails de l’accord avec le FMI, est logique. Comme l’ont d’ailleurs affirmé nos collègues de Midi Show sur les ondes de Mosaïque Fm, pourtant d’habitude peu tendres avec Abir Moussi.
Une scène surréaliste
Pour revenir à cette scène surréaliste de lundi après-midi, il est bon à savoir que les agents et cadres du « Bâtiment gris » semblent avoir oublié que la révolution de janvier 2011 prônait la mise en place d’une sécurité républicaine. Et non un retour à la répression policière que les responsables du ministère de l’Intérieur continuent d’appeler une application de la loi. Un concept qui reste à discuter tellement l’éventail est large.
Ainsi, après une accalmie relative durant la journée de dimanche, la stratégie était claire en vue d’évacuer, d’une manière ou d’une autre, la cheffe du PDL. Et ce, à la première occasion qui s’est présentée lundi après-midi, lorsqu’elle n’en pouvait plus et pour aller faire un besoin dans l’une des pharmacies des environs.
Il n’en fallait pas plus aux policiers pour enlever le peu d’effets de la présidente du PDL et l’empêcher de reprendre son « quartier de fortune ». Ce qui a provoqué chez elle une crise de nerfs et un évanouissement entraînant son évacuation à bord d’une ambulance et son transfert vers une clinique de la place…
Négatif pour l’image du pays
Les observateurs se demandent, d’ailleurs, pourquoi tant d’acharnement et un tel déploiement de forces à l’égard d’une seule personne. Surtout que le mode de protestation demeure pacifique?
En effet, cette impressionnante présence des agents de l’ordre reflète une image très négative de la Tunisie et du respect de la démocratie et des droits de l’Homme. Donc un effet contraire à celui escompté. Car qu’on le veuille ou non, Abir Moussi représente un parti politique et une des principales figures nationales du pays que le pouvoir n’écoute pas. A un point tel que les services du Bureau d’ordre de la présidence de la République refusent d’accuser réception d’une simple correspondance!
En tout état de cause, l’approche suivie, jusqu’à présent par l’exécutif semble être, uniquement, celle de la méthode sécuritaire à outrance. Et ce, dans un pays qui reste un des rarissimes à vivre un état d’exception qui dure depuis plus de quinze mois. Lequel est appelé à perdurer encore sans que personne ne puisse en prévoir la fin.
Il faut dire que le président Kaïs Saïed, dont la popularité reste à prouver dans le sens où ses partisans parlent toujours de ses 2 700 000 électeurs au second tour de la présidentielle de 2019, continue de mener sa politique consistant à traiter les citoyens comme de simples sujets.
Pourtant, le nombre de ses vrais partisans ne dépassait pas les 620 mille enregistrés au premier tour de la présidentielle de 2019. Alors qu’au second tour, il avait bénéficié du report de centaines de milliers de voix appartenant à Ennahdha, El Karama, d’Ettayar et bien d’autres petits partis qui avaient constitué une union sacrée contre Nabil Karoui; sous la houlette de l’ancien chef du gouvernement, Youssef Chahed…
Kaïs Saïed se rappelle, enfin, du drame de Zarzis!
En ces moments, le président de la République s’est rappelé, tout d’un coup, du drame de Zarzis où une vingtaine de migrants clandestins ont été enterrés dans un cimetière des « inconnus ». Et ce, après le naufrage de leur embarcation; alors qu’ils tentaient de « brûler » vers l’Italie. Sachant que le chef de l’Etat assure détenir les preuves d’une liaison entre le phénomène de la migration clandestine et le crime de traite des personnes!
Il a décidé d’entreprendre une instruction judiciaire en vue de « démasquer » les auteurs de ces crimes. S’agira-t-il d’une enquête sérieuse ou encore une fois d’une opération de diversion pour détourner l’attention des Tunisiens et de l’opinion publique de la situation socio-économique désastreuse dans laquelle se débat la Tunisie?
En bref et comme d’habitude, il s’appuie sur l’unique force pour « appliquer les lois » et imposer ses faits accomplis. Sans avoir l’humilité d’entreprendre le moindre dialogue avec ses opposants; alors que les soutiens se font de plus en plus rares. A part les Facebookers qui sont passés maîtres dans l’art de dénigrer et d’insulter toute personne qui ose adresser la moindre critique à leur « boss ». Et ce, en usant d’une panoplie de vulgarités et de grossièretés faisant fi du décret 54 émis par le chef de l’Etat en personne.