L’arrivée sur l’île de Lampedusa d’une fillette tunisienne de quatre ans, sans ses parents, à bord d’une embarcation de fortune transportant des migrants clandestins, a soulevé une vive émotion en Italie. Va-t-elle se retrouver bientôt dans les bras de sa mère restée en Tunisie? Sachant que pour sa part, la justice italienne s’est engagée à permettre exceptionnellement aux deux parents de rejoindre leur fille au nom du regroupement familial.
Il y a 5 ans, l’image du corps sans vie du petit Aylan, un enfant syrien de trois ans retrouvé sur une plage turque, avait fait le tour du monde et suscité une vague d’émotion sans précédent. Autre lieu, autre temps. Mardi 18 octobre, l’arrivée sur l’île de Lampedusa d’une petite fille tunisienne âgée à peine de quatre ans, sans ses parents restés en Tunisie, à bord dune embarcation de fortune transportant des migrants, a fait la Une de la presse italienne.
Ce drame humain est l’illustration parfaite de l’immigration clandestine via les embarcations de la mort vers l’Italie. La Tunisie étant située à certains points de son littoral à seulement 130 km de l’archipel italien de la Sicile.
Etrange mutisme
L’histoire est rocambolesque. Car, c’est devenu presque banal que des familles entières émigrent clandestinement en bravant la mort avec leurs enfants de bas âge, espérant ainsi obtenir la carte de séjour. Mais qu’un innocent enfant de 4 ans se retrouve livré à lui-même dans une terra incognita, à Lampedusa, est tout au moins insolite.
S’agit-il, comme le soupçonnent les autorités tunisiennes de trafic d’enfants?
En effet, aussitôt informées, les autorités tunisiennes ont procédé à l’arrestation des deux parents restés en Tunisie pour les interroger sur l’identité des intermédiaires auxquels ils ont eu recours. Et ce, afin de remonter la filière.
Parait-il, les parents gardent encore le silence et refusent de coopérer avec la police. Qui protègent-ils? S’interrogent les enquêteurs. Cherchent-ils à cacher l’identité des passeurs qui ont organisé la traversée ou pire, s’agit-il d’une crapuleuse traite humaine?
Une étrange affaire
En effet, selon des bribes d’informations non officielles en notre possession, une famille tunisienne composée du père, un vendeur ambulant, de la mère et de leurs filles respectivement âgées de 7 et 4 ans, a déboursé la somme de 24 000 dinars à des passeurs pour les aider à rejoindre illégalement les côtes italiennes à partir de Sayada, une ville côtière située à une quinzaine de kilomètres au sud de Monastir.
Alors, que s’est-il passé entre temps? Selon la version de l’ex-député représentant les Tunisiens de l’étranger pour la circonscription de l’Italie, Majdi Karbaï, un malheureux contretemps serait à l’origine du drame.
En effet, selon la même source, également un membre actif de l’association Save The Children, la famille en question se serait présentée sur une barque de transition, censée assurer le passage d’une embarcation à l’autre, les bateaux chargés du voyage final ne se rapprochant pas de la côte, par précaution.
C’est là que, gênée par le poids de sa fille de 7 ans, la mère a appelé le père au secours. Dans un moment de panique, ce dernier aurait remis sa fille au passeur sur l’embarcation pour aider son épouse et sa fille restées loin derrière. C’est à ce moment que le conducteur de l’embarcation se serait impatienté et quitté sans attendre les retardataires.
Ainsi, les parents et leur fille de sept ans sont restés bloqués sur la plage de Sayada. Alors que l’embarcation emportant la fillette de 4 ans a pris le large vers Lampedusa!
Geste d’humanité
Pour rappel, et pour des raisons humaines, la justice italienne s’est saisie du dossier et s’est engagée mercredi 19 octobre à permettre exceptionnellement aux deux parents de rejoindre leur progéniture via un visa spécial pour assurer le regroupement familiale. Entre temps, la fillette a immédiatement été prise en charge par l’association Save The Children.
Reste à savoir si les autorités tunisiennes, sensibles au drame kafkaïen de la pauvre fillette qui ne comprend rien à ce qui lui arrive, vont temporairement relâcher les parents en dépit des lourdes charges qui pèsent sur eux.
Notons enfin que plus de 2 600 mineurs tunisiens, dont plus des deux tiers n’étaient pas accompagnés de leurs parents, sont parvenus à atteindre les côtes italiennes entre janvier et août 2022. Et ce, sur un total de plus de 13 000 migrants tunisiens. Triste à en mourir.