Le pouvoir actuel en place est conduit par une seule personne, en l’occurrence le président de la République Kaïs Saïed. Celui-ci, depuis quinze mois, gouverne tout seul par le biais de décrets dont les plus déterminants dans la vie publique sont émis dans le secret le plus absolu et rendus publics au Journal officiel, généralement, aux alentours de minuit.
Alors, une question se pose avec insistance. Après toute cette période de pouvoir personnel et sans partage, il est légitime de se demander, en effet, quelles sont les parties soutenant encore le chef de l’Etat, Kaïs Saïed.
Il y a bien sûr, les Chiheb Mekki, alias Ridha Lénine, Ahmed Chaftar, Ezzeddine Chelbi, Kaïs Karoui, l’étrange Riadh Jrad ; les anciens Thameur Bdida, Oussama Ben Arfa ; et à un degré moindre les Zouheir Maghzaoui et Zouheir Hamdi qui le soutiennent même s’ils sont en désaccord avec lui sur toute la ligne! Bien entendu, il y a d’autres personnalités qui continuent à l’appuyer dans l’attente d’avoir un probable poste de député au prochain parlement…
Popularité et légitimité, avez-vous dit ?!
Bien sûr, nombre d’animateurs de plateaux radiotélévisés et autres chroniqueurs continuent de ressasser cette rengaine. Laquelle veut attribuer à Kaïs Saïed une popularité sans égale. Et ce, sur la base du nombre de voix obtenues à l’élection présidentielle de 2019.
Le fait est qu’au premier tour desdites élections, il n’a obtenue que 620 711 voix; contre 525 mille 517 à son concurrent direct à l’époque, Nabil Karoui. Soit moins de cent mille voix de différence.
Autrement dit, les 620 mille voix constituent le chiffre réel de ses partisans. Alors que plus de deux millions sont le fruit du report des voix des Nahdhaouis, d’al Karama, d’Ettayar, d’Echaâb et autres. Et ce n’est pas peu dire.
Si on pose ces points d’interrogation c’est parce qu’on s’apprête à organiser des législatives biaisées. Biaisées par un nouveau Code électoral amendé, voire complètement révisé, par les soins du seul et unique chef de l’Etat.
Des élections dont l’Instance supérieure indépendante des élections (ISIE) veut nous faire croire qu’elles sont « parfaites ». Alors que cette même ISIE n’est pas, elle-même, au dessus de toute critique. La principale étant que ses membres sont désignés par le Président de la République; contrairement à ce que stipule son statut et les règlements! Ce qui ne met pas en doute sa crédibilité.
D’ailleurs, à deux jours de la clôture des dépôts de candidatures, les chiffres de l’ordre de 680 dossiers sont très en deçà des attentes de l’ISIE. Effectivement, l’instance table sur 1705 candidatures. Mais, bien entendu, le miracle pourrait avoir lieu pour atteindre les « prévisions » dans les dernières 24 heures.
Des centres d’intérêt qui ne répondent pas aux attentes des citoyens
En attendant, et en regardant de plus près les activités présidentielles, on s’aperçoit qu’elles sont concentrées. Et ce, généralement dans des audiences accordées à la Cheffe du Gouvernement; mais aussi plus précisément à la ministre de la Justice et au ministre de l’Intérieur.
Quant à ses centres d’intérêt, ils vont: à des dossiers de corruption– ce qui est bon en soi-; ainsi qu’aux accusations, qui restent à prouver, à l’encontre de deux directeurs du ministère de l’Agriculture ayant utilisé leurs voitures de fonction pour assister à des réunions partisanes. En passant par d’autres accusations concernant la traite des personnes. Et ce, en se penchant sur les péripéties du drame de la « harqa » à Zarzis auquel Kaïs Saïed a accordé un intérêt tardif.
Entretemps, les Tunisiens apprennent, par des instances étrangères, des informations vitales pour l’économie et les finances de leur pays. En effet, c’est la directrice générale du FMI qui nous indique qu’un certain nombre d’entreprises publiques vont être privatisées et que la levée des compensations a déjà commencé. Et ce dans le cadre de l’accord conclu avec le Gouvernement tunisien de Najla Bouden. Ce qui n’est pas pour déplaire à une certaine frange des Tunisiens.
Et dire que traités en tant que sujets et mineurs, les Tunisiennes et les Tunisiens n’ont pas eu droit à une information claire et transparente sur toutes les tractations menées avec le FMI. Sachant que le pouvoir, aussi bien présidentiel que gouvernemental, communique peu avec le peuple, ne lui parle pas et ne l’écoute pas assez.
Entre état d’urgence et mesures exceptionnelles, il y a tout un monde!
Et en ces temps où tout le monde veut bien savoir ce que le pouvoir en place a réalisé comme acquis en faveur du peuple, il est bon de savoir qu’après une brève recherche, on s’aperçoit que cette situation dite de mesures exceptionnelles n’existe nulle part ailleurs dans les pays démocratiques. Il existe, par contre, ce qu’on appelle l’état d’urgence avec une durée bien déterminée allant de deux à six mois, renouvelable dans les cas extrêmes de danger.
Mais, nuance de taille, on ne dissout pas le parlement, on ne reste pas sans gouvernement pendant quelques mois avant d’en nommer un autre sans prérogatives concrètes. Et surtout on n’impose pas un pouvoir unilatéral sans la moindre possibilité de contrôle ou de reddition de comptes.
A moins que Kaïs Saïed ne soit un être humain exceptionnel et infaillible sans être susceptible de commettre des erreurs. Même les prophètes ne peuvent se targuer d’être aussi parfaits!…
Et encore moins en usant de décisions prises sans la moindre consultation auprès des experts dans les domaines concernés… Du moins chez ceux qui lui accordent le feu vert et lui assurent le soutien nécessaire pour la mise en application des décisions. Lesquelles sont souvent génératrices des changements radicaux de la nature du régime; ainsi que du mode de fonctionnement et de la gestion des affaires de l’Etat. Tels que: l’élaboration d’une nouvelle Constitution; la confection d’un nouveau Code électoral à quelques jours du scrutin. Et on en passe…