Entre le gouvernement qui « n’exclut pas la privatisation des entreprises publiques » qui seront « examinées au cas par cas », le président de la République, qui assurait le 16 août 2021 que Tunisair « ne sera pas privatisée » et le niet catégorique de l’UGTT, les analystes politiques ne savent plus où donner de la tête.
Réformes, restructuration, ouverture du capital des entreprises non-stratégiques au secteur privé, cession totale ou partielle, privatisation. Le mot tabou est enfin lâché. Mais, pourquoi tant de tergiversations et d’atermoiements de la part de nos dirigeants? Alors même que nous savons tous que la réforme des entreprises publiques est désormais inéluctable. Est-ce faute d’avoir au préalable préparé l’opinion publique à avaler en douceur les pilules amères propres à toute privatisation? A savoir : la réduction drastique du personnel sous couvert de plan social; ainsi que les départs forcés à la retraite anticipée?
Pavé dans la mare
En effet, la directrice générale du Fonds monétaire international, Kristalina Georgieva faisait savoir, dans une interview accordée, vendredi 21 octobre à la chaîne Sky News, que le FMI et les responsables tunisiens avaient débattu de la possibilité de la privatisation de certaines entreprises publiques « à l’initiative des autorités tunisiennes ». Et ce, dans le cadre des négociations entre les deux parties pour accorder un prêt à la Tunisie.
La première responsable de ce fonds a rappelé que les accords avec notre pays stipulent que le côté tunisien s’engage à réduire la participation de l’Etat dans l’économie en encourageant l’investissement privé.
Mais, quelles sont les entreprises publiques concernées? Sachant que la cheffe du gouvernement Najla Bouden n’a cessé de répéter que l’État n’a aucune intention de privatiser les institutions publiques à « caractère stratégique » et qui font l’objet « de programmes de restructuration basés sur des audits ».
Ambigüités
Réagissant aux déclarations de la première responsable du FMI, le ministre des Affaires sociales, Malek Zahi, déclarait lundi 24 octobre que le gouvernement « n’exclut » pas la privatisation des entreprises publiques, qui seront « examinées au cas par cas ». De même, ajoutait-il, toutes les dispositions possibles seront prises pour sauver ces entreprises. « Tout en en préservant la pérennité et les postes d’emploi », promettait-il.
Douche froide
Pour sa part, le SG de la centrale ouvrière, Noureddine Taboubi, a appelé, ce lundi 24 octobre, la ministre des Finances, Sihem Boughdiri Nemsia, à dévoiler le programme remis par la Tunisie au FMI. Mais, elle a rétorqué, selon lui, que le gouvernement n’a pas encore présenté un programme détaillé à l’institution financière. Lequel devra être signé par le président de la République et la cheffe du gouvernement.
Récusant toute approbation par l’UGTT d’un programme gouvernemental présenté au FMI, M. Taboubi a affirmé que la centrale ouvrière n’a pas du tout pris connaissance de ce programme, et qu’elle « exprimera sa position, une fois qu’il lui aura été soumis ».
« Si la véracité de la déclaration de la DG du FMI sur le souhait de la partie tunisienne de privatiser un certain nombre d’entreprises publiques était vérifiée, cela n’engagerait en rien l’organisation syndicale ». Ainsi, se prononçait M. Taboubi qui réitère que l’UGTT « rejette la privatisation des entreprises publiques » et s’oppose à la levée de la subvention. Signalant à l’occasion que « l’accord conclu entre l’organisation et le gouvernement se limite à la restauration du pouvoir d’achat. Et ce, à travers la majoration du SMIG et l’augmentation des salaires ». Point barre.
Privatisation : rien à perdre, tout à gagner
Reste qu’au-delà des divergences « idéologiques » entre le gouvernement et la puissante centrale syndicale, tout le monde s’accorde à penser que la plupart de nos entreprises publiques sont déficitaires. En effet, elles éprouvent des difficultés financières énormes, représentent un boulet pour les finances publiques et vivent sous perfusion de l’aide de l’Etat.
Alors, qu’y a-t-il de mal à les privatiser ou du moins ouvrir partiellement leurs capitaux à l’argent privé? Ainsi, l’on garantira plus d’efficacité et moins de déficit. Sans omettre l’absentéisme qui gangrène les entreprises publiques et le tkarkir du personnel.
Sauf qu’en ces temps de crise, du niet de l’UGTT, à la position ambiguë du président de la République à ce sujet, et face à la situation catastrophique de nos entreprises publiques, ces « joyaux de la couronne » trouveraient-ils acquéreurs?