Trois colauréats (Ben Bernanke, Douglas Diamond et Philip Dybvig) ont décroché le prix Nobel de l’économie cette année. Après avoir récompensé l’économie du travail et l’analyse des relations causales en 2021, la Banque de Suède a choisi trois spécialistes des crises financières et des banques. Ben Bernanke, ancien président de la FED (2006-2014), a été récompensé surtout pour son travail portant sur les effets non monétaires de la crise financière (« Nonmonetary effects of the financial crisis in the propagation of the Great Depression », 1983). Une analyse confirmée lors de la crise des subprimes via les ramifications systémiques de la faillite du géant bancaire Lehman Brothers.
Les deux autres lauréats du prix Nobel d’économie 2022, Douglas Diamond et Philip Dybvig, ont centré leurs travaux, dans le cadre du célèbre modèle Diamond-Dybvig (« Bank Runs, Deposit Insurance and Liquidity », 1983), sur la fragilité des banques aux risques des retraits massifs et rapides en cas d’absence de fonds de protection, notamment un niveau de fonds propres important.
Diamond et Dybvig ont réussi à montrer le caractère indispensable de la garantie des dépôts, mais ils ont marginalisé le risque d’aléa moral qui pourrait résulter d’une prise de risque excessive de la part des banquiers, du moment que la garantie publique est fonctionnelle. Leur approche a débarqué en pleine vague de libéralisation financière, qui a frappé l’économie mondiale dans les années 80, et a éludé l’importance des exigences de réglementation prudentielle qui pourraient neutraliser de façon efficace les risques de paniques bancaires. Des exigences qui ont été amenées à se renforcer pour accélérer la transition écologique.
L’apport de ces trois économistes reste d’une grande utilité pour mieux appréhender les risques qui menacent la stabilité financière. Toutefois, la nature changeante du système financier (le poids des marchés financiers, la multiplication des acteurs financiers, l’émergence du « shadow banking », la digitalisation et ses nouveaux risques…) complique l’équation de la réglementation prudentielle.
Bref, les travaux de recherche scientifique sur la stabilité financière demeureront d’actualité tant que la règlementation prudentielle est à la fois en retard d’une innovation financière et mal outillée pour mettre la main dans la pâte de la transition écologique.
Cet article est disponible dans le Mag de l’Economiste Maghrébin N° 855 – du 26 octobre au 9 novembre 2022