Les Tunisiens n’ont pas été mis récemment au parfum de décisions qui engagent tout le pays. Or, la démocratie est par essence délibérative. Analyse.
« Le possesseur du Royaume de Tunisie ».Voilà comment était désigné le Bey en Tunisie avant que soit proclamée la République, le 25 juillet 1957. Ce qui en dit long- on peut l’imaginer- sur le statut de la population tunisienne avant que soit abolie la monarchie : nous étions des sujets (Raayâ).
Changement donc de statut après le 25 juillet 1957, nous sommes devenus des citoyens. Tout le monde peut, en s’appuyant sur un édifice de lois et autres textes, saisir ce que ce nouveau statut implique. Tout dictionnaire nous précise, cela dit, qu’il s’agit d’ « une personne qui jouit de tous ses droits civiques ».
Des attributs de la citoyenneté
Partant de là, il serait peut-être bon de savoir si nous autres Tunisiens sommes citoyens, ou du moins totalement citoyens ? L’information ou plutôt le droit et l’accès à l’information ne sont-ils pas un des attributs de la citoyenneté ?
Car, ce qui se déroule sous nos yeux nous interpelle à ce niveau. Cela dure certes depuis longtemps. Donc bien avant le 25 juillet 2021. Mais est-on considéré comme citoyen lorsque les autorités publiques oublient de vous mettre au courant de décisions qu’elles sont les seules prendre et qui engagent cependant le peuple dans son ensemble ?
Un silence « paradigmatique »
Nous venons de le voir avec notamment les engagements pris par le gouvernement à l’endroit du Fonds Monétaire International (FMI) et celles concernant les conditions d’’importation de certains produits. Dans l’un et l’autre, le gouvernement a commis sans doute deux grands biais : il n’a pas fait participer des pans entiers de la société à ses décisions comme il a observé un silence que l’universitaire tunisien Sadok Hammami a qualifié de « paradigmatique ». C’est-à-dire conçu pour être un choix stratégique.
Certains peuvent dire que le gouvernement a communiqué. Il l’a fait cependant après coup.Un comportement qui ne satisfait pas à des règles adoptées dans toute démocratie. Qui se doit d’être « délibérative. John Rawls et de Jürgen Habermas, nous ne disent-ils pas qu’ « une décision politique est réellement légitime lorsqu’elle procède de la délibération publique de citoyens égaux » (voir « La démocratie doit-elle être délibérative ? », Charles Girard, dans Archives de Philosophie 2011/2 (Tome 74), pages 223 à 240).
Impliquer dans le débat
Et à coup sûr, ces biais ne peuvent aucunement assurer le succès des décisions prises. On le sait, on ne peut arriver à quelque chose de bon si l’on n’arrive pas à impliquer, par la communication, et donc le débat, tous ceux que les décisions vont concerner.
Outre, le désenchantement et les résistances pour ne pas parler de l’adversité de ces derniers, il faut savoir qu’il ne faut pas perdre de vue qu’il arrive souvent que les choses ne se déroulent pas toujours comme on les a prévues au départ.