Le conflit israélo-palestinien et la normalisation de certaines capitales arabes avec l’Etat hébreu seraient derrière les défections des dirigeants de la majorité des pays du Golfe et notamment du souverain marocain. Menaçant ainsi le succès du 31ème Sommet de la Ligue arabe qui se tient actuellement à Alger.
Le 31ème Sommet de la Ligue arabe qui se tient les 1er et 2 novembre 2022 à Alger, au somptueux Centre international des conférences situé dans la station balnéaire du Club des Pins, dérogera-t-il à la doxa établie il y a déjà des siècles par le père de la sociologie, l’immense Ibn Khaldoun, selon laquelle les Arabes se sont mis d’accord pour être perpétuellement en désaccord?
Absences en cascade
Sinon comment expliquer plusieurs défections, dont celles du roi Mohammed VI, du prince héritier saoudien Mohamed ben Salman, du souverain hachémite Abdallah II, de l’émir du Koweït, des roi de Bahreïn et d’Oman, à l’exception de l’émir du Qatar? Lesquelles jettent de l’ombre sur le succès de ce rendez-vous crucial qui se tient pour la première fois depuis 2019 dans la capitale algérienne, Covid oblige. Sachant que ce 31ème sommet s’ouvre le jour où l’Algérie célèbre le 68ème anniversaire du déclenchement de la guerre d’indépendance de 1954. Tout un symbole.
Mohamed VI brille par son absence à Alger
Ainsi, le roi Mohamed VI, l’invité vedette au Sommet, qui avait pourtant été parmi les tous premiers chefs d’État à annoncer sa présence et qui avait prévu de se rendre à Alger accompagné de son fils, le prince héritier Moulay El Hassan- alors que l’on s’attendait à un réchauffement des relations entre Alger et Rabat après des décennies de tension extrême- décida finalement après plusieurs jours d’incertitude et moult rumeurs contradictoires, de renoncer à assister au sommet de la Ligue arabe. Il sera représenté par Nasser Bourita, ministre marocain des Affaires étrangères.
Pourtant, le souverain marocain avait été officiellement convié par le président algérien, Abdelmadjid Tebboune. D’ailleurs, une lettre d’invitation avait été remise au chef de la diplomatie marocaine le 27 septembre. Invitation que le roi avait acceptée. Alors, comment expliquer le renoncement du roi?
Selon des informations non officielles qui bruissent autour du palais royal à Rabat, Mohamed VI, très à cheval sur les étiquettes diplomatiques, n’aurait pas apprécié le traitement « peu diplomatique » réservé par les autorités algériennes au chef de la diplomatie marocaine lors de son dernier séjour à Alger. Comme il aurait été froissé par la persistance des attaques dont il fait l’objet dans les médias algériens.
La deuxième défection de taille est celle du prince héritier saoudien, Mohamed Ben Salman qui invoque des raisons de santé. Le dirigeant in facto du royaume wahhabite a lui-même informé le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, de son incapacité de faire le déplacement à Alger, sur ordre de ses médecins. Ceux-ci « lui ayant conseillé d’éviter les longs trajets par avion, en raison des risques des différences de pression atmosphérique causées par les changements d’altitude sur ses tympans ». Dixit un communiqué des autorités saoudiennes.
Pour sa part, et sans en préciser les raisons, le roi Abdallah II de Jordanie n’effectuera pas le déplacement à Alger. Cependant, il sera remplacé par son fils, le prince héritier Hussein Ben Abdallah, qui présidera la délégation de son pays lors de cette rencontre au sommet.
La Palestine s’invite au Sommet
La vérité, c’est que l’absence de plusieurs dirigeants arabes de premier plan est motivée par des divisions persistantes sur les conflits qui agitent notamment la Syrie, le Yémen et la Libye. Mais surtout par le rapprochement spectaculaire de certaines capitales arabes avec l’Etat hébreu.
Ainsi, et dans le cadre des accords d’Abraham inspirés par Washington, les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Maroc et le Soudan ont normalisé leurs relations avec l’ennemi d’hier. Au grand dam de l’Algérie, farouche soutien de la cause palestinienne. Et dont la coopération sécuritaire nouée par le voisin marocain avec Israël après la normalisation de leurs relations, irrite au plus haut point.
Le discours de KS attendu… avec fébrilité!
Reste à savoir que, même si le conflit israélo-palestinien allait forcément s’inviter au Sommet d’Alger, les dirigeants arabes allaient évoquer hypocritement, du bout des lèvres, lors des résolutions finales adoptées à l’unanimité, « leur soutien indéfectible à la cause palestinienne ».
Alors, le président tunisien, Kaïs Saïed, livrera-t-il le fond de sa pensée lors de son prochain discours? A savoir que la normalisation avec l’entité sioniste est une « trahison ». Coup de théâtre assuré!