L’Union Européenne (UE) vient de lever le gel sur les avoirs de quelques membres de la famille de l’ex-Président de la République Zine Al-Abidine Ben Ali. Elle l’a déjà fait pour d’autres et risque bientôt de le faire pour Ben Ali lui-même et donc pour ses héritiers et peut être aussi de son épouse.
C’est une énorme claque que donne l’UE, non pas aux actuels gouvernants, mais surtout à la face de la Tunisie des révolutionnaires. Celle qui dans la foulée du 14 Janvier 2011, a entraîné tout le pays dans une chasse aux sorcières des hommes d’Etat. Lesquels pour la plupart avaient servi brillamment leur pays, en les vilipendant à outrance, les diabolisant et les poursuivant de leur vindicte. Et surtout en jetant des dizaines en prison, où certains rendaient leur âme à Dieu, tandis que d’autres subissaient les pires exactions.
Un message politique clair
Cette décision, prise après presque douze ans d’enquêtes et de travail de fourmi, sonne comme un verdict sans appel. A savoir que pour les Européens, la justice tunisienne, n’en est pas une. Car, après douze ans de procès retentissants contre les supposés « corrompus » de l’ancien régime, dont le Président Ben Ali, et des dizaines de lourdes condamnations; la conclusion des experts européens ainsi d’ailleurs que des juges, est que la justice tunisienne ne respecte pas les standards internationaux en matière de droit et de procédures. Et que les jugements émis par les tribunaux tunisiens ne sont pas reconnus par les Etats européens et encore moins par les tribunaux de ces pays.
Rappelons-nous de l’affaire de Belhassen Trabelsi, dont la Tunisie avait demandé l’extradition vers la Tunisie et qu’un tribunal marseillais avait refusé. Et ce, en se basant sur le fait que le propre frère de l’accusé avait péri en prison alors qu’il était atteint de cancer et ne fût pas soigné. Un autre cas plus révélateur est celui du docteur Dabbousi, en dialyse permanente, qui fût remis à sa famille quelques heures seulement avant qu’il ne rende l’âme.
Ces tristes affaires se sont déroulées sous le règne d’Ennahdha et de son tristement célèbre ministre de la Justice. Mais le système judiciaire a continué à s’emballer bien après le départ de ce dernier. Et ce, sous prétexte que le pays vit une « révolution ». Ce qui est évidemment un mensonge qui a servi à placer au pouvoir pendant dix ans l’islam politique et ses marionnettes.
Quant à la justice dite « transitionnelle », qui en est maintenant à sa troisième version, elle n’a servi qu’a assouvir le désir de vengeance des islamistes et certains de leurs pions. Mais elle n’a jamais abouti à soigner les blessures des ex-victimes de la répression de la période allant de 1956 à 2011. L’argent des dits « corrompus » de la proche famille de Ben Ali n’a fait que transiter dans les poches des nouveaux corrompus. Sans que ni le peuple ni l’Etat n’en profitent. Sauf que toutes les supposées victimes nahdhaouies s’en sont mis plein les poches sous la forme de « dédommagements ». Ou encore sous la forme de nominations dans la fonction publique, par ailleurs illégales et honteuses. Tout cela sous les applaudissements de pseudo-révolutionnaires et de pseudos-démocrates, qui pour la plupart ont été largement récompensés par les islamistes.
Mais le message de l’Union Européenne va au delà d’un simple désaveu du système judiciaire tunisien, dont il a d’ailleurs financé « les réformes » à coup de millions d’euros, pris dans les poches des contribuables européens et qui sont allés aussi tout droit dans les poches de pseudos experts qui nous ont, le long des années du règne de l’islam politique, ratatiné les oreilles avec leurs théories vaseuses; sans que cela ne profite pour autant aux justiciables tunisiens. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à visiter nos prisons et nos tribunaux. De même qu’on peut rappeler la grave crise qui secoue la corporation des juges et les luttes intestines qui la minent. Un échec cuisant que les parrains du « printemps tunisien » ne veulent pas reconnaître. Mais dont ils ne tarderont pas à payer le prix fort, dont le terrorisme et l’immigration clandestine ne sont que les faits marquants.
Le « fassad » n’est pas la corruption
Tous nos gouvernants et nos femmes et hommes politiques, depuis 2011, n’ont que le mot fassad à la bouche. Ils ont tous prétendu êtres les champions de la lutte contre ce fléau, bien réel, surtout après la révolution. Transparency International l’a suffisamment bien démontré chaque année. La corruption, devient endémique et généralisée et le peuple tunisien le sait puisqu’il en est la principale victime.
Le dernier champion déclaré de la lutte contre la corruption est Kaïs Saïed lui-même. Puisqu’il a été élu parce qu’il est « propre » et non corrompu. Il avait depuis son élection déclaré la guerre aux corrupteurs et aux corrompus! Sauf qu’entre déclarer la guerre et gagner la guerre, il y a une différence fondamentale. Combien sont ceux qui déclarent une guerre dont ils deviennent les principales victimes? Et d’abord il faut avoir les armes nécessaires pour cela. Or, Kaïs Saïed n’a que des discours et de plus il ne connait pas les vrais corrompus et encore moins les méthodes pour les vaincre. Il ne fait depuis deux ans que donner des ordres à sa ministre de la Justice, de sévir contre ces criminels.
Mais la justice est dans l’état que l’on sait. Et mêmes les mesures de radiation prises contre des juges accusés par lui de « corruption » n’ont pas pour autant donné de résultats probants. Et c’est tout à fait logique, car la lutte contre la corruption n’est pas simplement l’application des lois coercitives. La multiplication des décrets de plus en plus sévères, ne résout aucun problème. En effet, la lutte contre la corruption passe par l’établissement d’une stratégie globale et applicable à long terme. C’est l’instauration réelle d’un vrai état de droit.
Ce n’est pas en tout cas ce que fait KS, actuellement, avec pour commencer sa constitution et ses décrets successifs. Et d’abord il faut appliquer le principe fondamental de la séparation des pouvoirs et notamment la séparation entre l’exécutif et le judiciaire. Le pouvoir judiciaire est de fait un appendice de l’exécutif!
Alors pourquoi s’étonner que les Européens, dont la civilisation moderne et les Etats sont fondés sur ce principe, considèrent que notre justice est inféodée au pouvoir politique. S’ils avaient des doutes, KS, par sa propre constitution, leur en a fourni la preuve.
Le mot corruption se traduit en arabe par rachoua ou irtichaa, alors que le mot fassad a plus chez nous une connotation morale et éthique. Ainsi l’adultère, la prostitution, la consommation du vin, la fréquentation des cabarets, le concubinage, les rapports sexuels hors mariages, sont regroupés sous le nom générique du fassad.
D’ailleurs la corruption, au sens mercantile du terme, n’était pas considérée comme un pêché majeur et le pot de vin donné aux juges avant que ne s’instaure les lois républicaines, étaient considérés sous le règne des beys comme « des cadeaux » (hadiya). Puisque les juges ne percevaient pas de salaires. Evidemment cela a changé depuis, mais le mot fassad continue à avoir une connotation morale et religieuse.
Quant à l’affaire des avoirs de la famille Ben Ali, il y a à craindre qu’elle ne finisse comme l’affaire Mahmoud Ben Ayed, au 19ème siècle.
Ce qu’il faut retenir c’est que les lois européennes sont faites pour protéger les intérêts européens. Et l’on sait que peu d’argent des sommes astronomiques détournées vers ces pays, soit par des dictateurs soit par de simples hommes d’affaires, a été restitué aux pays d’origine. Les cas de Mobutu du Zaïre, de Bocassa de Centre Afrique, du Shah d’Iran, ou récemment de Saddam Husein et de Khaddafi sont assez édifiants.
Alors que KS constitue commission sur commission pour récupérer l’argent spolié, cela ne servira que de faire croire aux naïfs qu’il y a une solution. Oui bien sûr, il y en a une : négocier avec les accusés eux-mêmes! Mais accepteront-ils de le faire? Surtout ceux qui ne comptent jamais retourner dans ce pays. Déjà qu’une bonne partie de la population ne rêve que de le quitter!