Les Journées cinématographiques de Carthage, les JCC, ont été créées dans le suivi du développement des ciné-clubs tunisiens. Leurs auteurs et principaux dirigeants étaient des cinéphiles. Leur ainé, Tahar Cheria, président du ciné-club Louis Lumière de Sfax et de la Fédération des ciné-clubs, fut nommé chef de service du cinéma. Et ce, après la création du ministère de la Culture, avec à sa tête Chadli Klibi, ses adjoints Nouri Zanzouri et Moncef Ben Ameur. Ainsi que des collègues cinéphiles : Mustapha Negbou, dirigeant du cinéclub de Kairouan; et moi-même dirigeant de la Fédération des ciné-clubs et président du ciné-club d’essai de Tunis.
Citons parmi ses animateurs: Max Chemla, Moncef Ben Mrad, Moncef Charfeddine, président du ciné-club de Sousse, Mustapha Negbou et moi-même. Claude Merlin, le trésorier de la FTCC a dû concéder des prêts au festival, pour permettre son démarrage. Quant à Frej Chouchane et moi-même, nous assurions la couverture des JCC à la radio et à la télévision tunisiennes.
Pour contourner l’opposition internationale, qui n’acceptait pas la naissance d’un festival qui serait le concurrent des festivals de Cannes et de Venise, le comité a dû limiter son champ à l’aire arabo-africaine. Ainsi, tout en mettant en avant le cinéma d’Afrique subsaharienne et du monde arabe, le festival se proposa d’édifier des ponts de dialogues entre le Nord et le Sud. Et donc de créer une plateforme pour des rencontres entre cinéastes et amoureux du cinéma de tous bords. Cet objectif a été défini par le ministre de la Culture Chedli Klibi, lors des premières JCC : « Nous espérons d’abord un dialogue. Un dialogue, franc, lucide, sans arrière-pensées. Mais nous sommes sûrs qu’un tel dialogue ne peut conduire qu’à une meilleure connaissance réciproque entre Africains et Européens, entre Méditerranée du Sud et Méditerranée du Nord. »
L’espoir d’un dialogue
Spécialité des JCC, la projection des films est suivie d’une discussion, dans la tradition des ciné-clubs. Dans certains cas, les auteurs- fussent-ils étrangers- assistaient à ces discussions. Citons la présence des réalisateurs Youssef Chahine et Tawfiq Saleh, dont la promotion par les JCC les a fait connaître en Europe.
A cet égard, j’ai eu l’initiative de faire inviter Taoufik Salah, ayant appris par le réalisateur et ami Ahmed Harzalla que son film Dar al-Mahabil (La Ruelle des fous) avait été retiré de la distribution, après un seul jour. Le public tunisien l’avait trouvé différent des films égyptiens commerciaux qu’il aimait. Je fis le pari de le présenter dans le ciné-club Louis Lumière de Sfax que je présidais et nous avons découvert qu’il s’agissait d’un chef-d’œuvre. Installé à Tunis, je le fis inviter par les JCC. Son film, Les Dupes, obtint le Tanit d’Or, en 1972. J’organisai, en sa présence la discussion de ce film au ciné-club de Tunis.
Depuis lors, les JCC continuèrent leur œuvre, faisant valoir les metteurs en scène et les auteurs dont les œuvres différaient de la production commerciale habituelle.