En Algérie, les dirigeants arabes ont tenu leur premier sommet en trois ans. Dans un contexte marqué par des divergences persistantes sur les dossiers qui animent la région, notamment le rapprochement de certains Etats avec Israël. Un tournant historique, alors que la Ligue a traditionnellement placé le soutien à la cause palestinienne et la condamnation d’Israël en tête de son agenda.
Créée par sept États fondateurs le 22 mars 1945, la « Ligue des États arabes » (Ligue arabe) s’est progressivement élargie à l’ensemble des États arabes au fur et à mesure qu’ils accédaient à l’indépendance. Son existence témoigne de l’évolution des relations internationales dans la seconde moitié du XXe siècle, articulées autour d’organisations interétatiques.
Ligue arabe et Palestine : un lien et un échec historiques
Si les États arabes sont membres d’organisations de diverses natures – universelle (ONU), panislamique (OCI), (sub)régionale (l’UMA et le CCG) -, seule la Ligue des États arabes les réunit tous dans un cadre exclusif.
La plus ancienne organisation internationale post-Seconde Guerre mondiale (précédant les expériences régionales européennes, américaines, africaines ou asiatiques) a d’emblée promu, sur le plan idéologique et politique, la décolonisation et le tiers-mondisme.
Le panarabisme, l’anticolonialisme et la lutte pour la libération nationale des peuples arabes sont les raisons d’être originelles de l’organisation. La Ligue s’est ainsi efforcée de défendre à l’ONU les mouvements de libération nationale qui aboutiront à la création de nouveaux États arabes (Maroc, Tunisie, Algérie, mais aussi Oman et Yémen).
À l’inverse, la Palestine représente un cas symptomatique de la défaillance de la Ligue. Non seulement l’organisation n’a pas réussi à peser en faveur de la naissance d’un Etat palestinien, mais, pire, elle est devenue progressivement le théâtre de divisions sur ce point.
La Ligue a traditionnellement placé le soutien à la cause palestinienne et la condamnation d’Israël en tête de son agenda.
Dès sa naissance, la Ligue est divisée en deux lignes de fracture idéologique et stratégique : l’entente égypto-saoudienne favorable aux projets d’indépendance fait face à l’axe hachémite jordano-irakien plus enclin à une coopération avec la puissance britannique, à la tête de nombreux protectorats et mandats (Soudan, Palestine, Émirats, etc.).
Dans un second temps, les rivalités intra-arabes ont connu une reconfiguration avec la Guerre froide, la Ligue devenant durant cette période le théâtre d’un affrontement politico-idéologique entre d’un côté l’alliance nationaliste arabe (Égypte, Libye, Syrie) et le bloc soviétique, et de l’autre, l’alliance entre les monarchies arabes (Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Jordanie) et le bloc occidental.
« Dès sa naissance, la Ligue est divisée en deux lignes de fracture idéologique et stratégique »
Dans ce contexte, de la fin des années 1950 aux années 1960, l’arabisme à teneur socialiste et anti-impérialiste – incarné par le pôle syro-égyptien – s’impose au sein de la Ligue à la faveur de deux événements : la victoire politique de Nasser au terme de la crise du Canal de Suez (1956) et l’affaiblissement de l’influence hachémite avec la chute du royaume d’Irak.
Cette configuration implose avec la signature, le 17 septembre 1978, des Accords de paix de Camp David, entre l’Égypte et Israël. Outre le déplacement du siège de la Ligue du Caire à Tunis, ces accords de paix marquent une rupture qui se traduit par l’exclusion de l’Égypte, puissance régionale, porte-étendard historique du panarabisme et membre fondateur de la Ligue des États arabes.
Depuis, la question palestinienne est devenue une ligne de fracture au sein de l’organisation, renforcée par la stratégie de rapprochement d’Israël dans laquelle se sont engagées les monarchies du Golfe.
Le rapprochement israélo-arabe
L’un des héritages de la politique étrangère de Donald Trump fut la signature, en septembre 2020, des accords d’Abraham. Ces derniers consacrent le rapprochement diplomatique et commercial entre Israël et deux États du Golfe, les Émirats arabes unis et Bahreïn.
Dans la foulée, le Soudan et le Maroc se sont inscrits dans un processus de normalisation avec l’État hébreu. Un événement historique qui affecte l’équilibre géopolitique au sein du monde arabe et la mise en distance de la cause palestinienne dans les pays arabes.
« La question palestinienne est devenue une ligne de fracture au sein de l’organisation, renforcée par la stratégie de rapprochement d’Israël… »
Le sommet organisé à Alger s’est conclu sur une déclaration. Celle-ci, conformément à la volonté de l’Algérie, appelle à relancer l’initiative arabe de paix, adoptée lors du sommet de Beyrouth en 2002, qui préconise la solution des deux États et l’établissement de l’État palestinien sur la base des frontières de 1967, avec pour capitale Jérusalem-Est.
Les dirigeants arabes ont également affirmé leur « soutien absolu » aux Palestiniens, répondant ainsi à l’appel du président Mahmoud Abbas, au moment où, en Israël, l’extrême-droite accède au pouvoir. Autant dire que l’expression de cette solidarité aura besoin de plus que d’une simple déclaration…