Les cinquièmes élections législatives en trois ans et demi en Israël ont abouti mardi 1er novembre au retour au pouvoir de l’increvable Benyamin Netanyahu. L’an dernier, une coalition hétéroclite (droite, gauche, centre et un parti arabe) a forcé Netanyahu à quitter le pouvoir. Avec les lourdes affaires de corruption qu’il traine comme un boulet depuis des années, on le voyait déjà en prison.
Sauf que, pour des raisons obscures, la justice israélienne n’a pas fait son travail, permettant ainsi à Netanyahu, au lieu d’être coffré pour corruption, de reprendre son poste de Premier ministre, fonction qu’il a exercée de 1996 à 1999 et de 2009 à 2021.
Le jeudi 4 novembre, la Commission électorale israélienne annonçait les résultats définitifs : 32 sièges pour le Likoud présidé par Benyamin Netanyahu; 18 pour la coalition des partis ultra-orthodoxes, dirigée par Bezalel Smotrich; et 14 pour une alliance des partis d’extrême droite, dirigée par Itamar Ben Gvir. Ces trois partenaires totalisent 64 députés sur 120. Ce qui ouvre la voix à Netanyahu pour former un nouveau gouvernement israélien et de le présider.
La coalition centriste sortante de Yaïr Lapid n’a remporté que 51 sièges. Pire encore, le Meretz, qui depuis des décennies faisait partie de la scène politique israélienne et était toujours représenté à la Knesset, se retrouve aujourd’hui sans députés et pratiquement effacé de la scène politique.
Israël est-il « sur le point d’entamer une révolution de droite, religieuse et autoritaire », comme le redoute le quotidien israélien de gauche Haaretz? Avec la percée sans précédent des partis extrémistes et religieux aux élections du 1er novembre, cette hypothèse pourrait devenir la nouvelle réalité politique israélienne dans les prochaines semaines.
Ainsi, les coalitions politico-religieuses extrémistes présidées par Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich comptent 34 députés; autant que le Likoud de Netanyahu. Par conséquent, celui-ci n’est pas en position de refuser leurs exigences, s’il veut gouverner avec eux.
Mais qui sont Ben Gvir et Smotrich? Ils sont dans la même ligne idéologique raciste et violente que Meir Kahane, le fondateur du parti Kach. Lequel est responsable, entre autres, du massacre de la Mosquée de Hebron en février 1994 qui avait fait 29 morts et 125 blessés palestiniens.
L’un et l’autre prônent l’expulsion des Palestiniens et l’annexion de la Cisjordanie. Ben Gvir va même jusqu’à exiger l’expulsion vers des pays voisins des Arabes israéliens « qui œuvrent à saper l’Etat d’Israël ».
Avocats, l’un et l’autre ont défendu devant les tribunaux les terroristes israéliens. De plus, ils ont eux-mêmes menacé de mort Itzhak Rabin avant qu’il ne soit assassiné par l’un de leurs disciples.
En outre, l’un et l’autre déplorent qu’« Israël fasse un usage trop limité de la force ». D’ailleurs, ils exigent une intensification de la répression contre les Palestiniens… C’est sans doute dans ce dessein que Ben Gvir exige de Netanyahu le poste de ministre de la Sécurité intérieure et Smotrich celui de ministre de la Justice.
Avec cette nouvelle donne politique, le racisme violent, qui était implicite en Israël, va devenir explicite. Les Etats-Unis semblent dans l’embarras et Joseph Biden a déjà exhorté son ami Netanyahu à « la modération et au respect de nos valeurs communes ». Comme si avant ces élections, il n’y avait pas eu Sabra et Shatila; les innombrables guerres destructrices contre Gaza et le Liban; les incursions violentes sur une base quasi-quotidienne à Jénine, Naplouse et Hébron; les assassinats ciblés auxquels n’échappent même pas les journalistes sur le terrain. Mais aussi les démolitions de maisons et bâtiments palestiniens dont le nombre, rien que pour cette année, s’élève à près de 700… C’est donc ce que les candidats aux postes ministériels de la sécurité intérieure et de la justice, Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich, appellent… « un usage trop limité de la force ».
Alors, que peut faire de plus un gouvernement que beaucoup d’observateurs prédisent déjà qu’il sera le plus extrémiste et le plus radical de l’histoire d’Israël? Et comment réagira la « Communauté internationale » face à cette nouvelle donne politique israélienne?
Très probablement comme d’habitude. Avec des phrases creuses et des communiqués oubliés et rangés dans les archives dès leur annonce. Telle cette déclaration du coordinateur spécial de l’ONU pour le processus de paix au Moyen-Orient, le Norvégien Tor Wennesland, faite le mercredi 2 novembre, au lendemain des élections israéliennes : « L’absence d’un processus de paix significatif pour mettre fin à l’occupation israélienne et résoudre le conflit alimente une détérioration dangereuse dans les territoires palestiniens occupés, en particulier en Cisjordanie et donne l’impression que le conflit est insoluble. »
Qui à l’ONU ou à Washington accordera la moindre attention à cette déclaration? Une indifférence qui date de décennies avant la double crise géostratégique et climatique qui secoue actuellement la planète.