Le cabinet « United Advisers » a établi un résumé des principales mesures prévues par le nouveau décret-loi n°2022-68 en date du 19 octobre 2022 pour améliorer l’efficacité de l’exécution des projets publics et privés.
Ce nouveau décret-loi s’inscrit dans le cadre de mesures urgentes visant à relancer l’économie, à rétablir le schéma de croissance, à stimuler l’investissement, à préserver le tissu institutionnel et à améliorer le climat des affaires compte tenu des circonstances exceptionnelles que connaît l’économie nationale et mondiale. Il consacre l’ouverture du système économique national aux projets de partenariat entre les secteurs public et privé.
Il soutient davantage le système des pôles technologiques pour encourager l’innovation et la création de zones industrielles intégrées de manière à contribuer à la création d’une dynamique de développement, en particulier dans les régions intérieures.
Accélération de la réalisation des investissements publics
Ce nouveau décret a apporté principalement les mesures suivantes :
Réduction des délais d’exécution des projets publics :
- L’adoption de la formule « clé en main » dans le domaine des marchés publics sur la base d’une liste de projets publics à déterminer par décision du Chef du Gouvernement;
- Exemption des marchés publics financés par des organismes et institutions de financement étrangères du contrôle préalable des comités de contrôle des marchés publics avec application de cette exemption sur les marchés publics financés par eux et ayant déjà fait l’objet d’un appel à concurrence à la date de la promulgation du nouveau décret;
- Adoption de la formule d’appels d’offres avec financement en spécifiant le pourcentage de financement requis dans les cahiers de charges tout en exigeant de soumettre une offre financière sans proposition de financement et une autre avec une proposition de financement;
- Institution de la possibilité de recourir à des bureaux d’assistance technique tout au long du processus de préparation, de conclusion et d’exécution des marchés publics, y compris les études relatives aux projets concernés;
- La possibilité d’accorder une avance pouvant aller jusqu’à 20 %, sans que ce soit inférieur à 10 %, pour les contrats de travaux et d’études et de fourniture de produits et de services conformément à la législation et à la réglementation en vigueur en contrepartie d’une garantie bancaire.
« Les acheteurs publics pourront intégrer cette possibilité dans les cahiers de charge »
Encouragement des entreprises et start-up tunisiennes et octroi de privilèges aux entreprises nationales :
- Allocation d’un pourcentage allant jusqu’à 10 % de la valeur estimée des contrats d’études, de travaux et de fourniture de produits et de services et ce au profit des start-up ou au profit des achats innovants;
- Obligation de stipuler dans les cahiers des charges des marchés publics que les soumissionnaires étrangers doivent faire participer des entreprises locales à hauteur de 20 % au moins de la valeur des commandes, de la fourniture des matériaux, d’équipements ou de services; et ce à chaque fois que les industries ou entreprises locales ont la capacité d’entreprendre un minimum de 20 %;
- Octroi de privilèges aux offres des opérateurs économiques tunisiens dans les marchés d’études, de travaux et de fourniture de produits et de services par rapport aux offres des opérateurs économiques étrangers au taux de 20% du prix total du marché, (10% seulement dans l’ancienne législation, les marchés d’études étaient exclus);
- Accorder aux produits d’origine tunisienne dans tous les marchés de fourniture de produits, la préférence sur les autres produits, quelle que soit leur provenance, s’ils sont au même niveau de qualité, à condition que les prix des produits tunisiens ne dépassent pas de 20 % les prix de leurs homologues étrangers.
Développement de l’efficacité du système de passation des marchés publics à travers :
- Institution de l’obligation d’envoi des offres via le système de marchés publics en ligne « TUNEPS », y compris la désignation des bureaux d’architecture et de design pour les projets de bâtiments civils tout en permettant la soumission d’une partie de l’offre technique hors ligne (au cas où le système ne supporte pas la taille des fichiers de soumission). Dans ce cas, le reste de l’offre est envoyé par courrier avec accusé de réception ou livré directement par porteur au bureau de contrôle de l’acheteur public contre accusé de réception;
- Abandon des pénalités de retard liées à la crise du coronavirus « COVID-19 » constatées entre le 23 mars 2020 et le 31 décembre 2022 », en tenant compte des dispositions de l’article 72 du décret-loi n° 2021-21 du 28 décembre 2021 portant loi de finances pour l’année 2022;
- Autorisation accordée aux entreprises résidentes de faire des offres financières en devises pour le matériel et les équipements importés et non fabriqués localement;
- Réduction des délais de changement de la vocation des terrains agricoles à trois mois au profit des projets publics réalisés par des institutions publiques tel le cas pour les projets du secteur privé.
Encouragement de l’investissement privé
Encouragement des projets réalisés dans le cadre de partenariats public-privé et des projets dans le domaine des énergies renouvelables :
- Faciliter les conditions de mise en œuvre des projets réalisés dans le cadre du partenariat public-privé en se limitant à « l’acceptation provisoire » des ouvrages ou équipements ou bâtiments objet du contrat de partenariat au lieu de « l’acceptation définitive » pour le paiement de la redevance par la personne publique sur toute la période du contrat à compter de la date de la réception des ouvrages ou équipements ou bâtiments objets du contrat de partenariat, à condition que les objectifs de performance imputés à la société du projet et que les ouvrages et les équipements soient prêts conformément aux conditions contractuelles;
- Faciliter la réalisation de projets dans le secteur des énergies renouvelables en permettant leur réalisation sur les terrains appartenant aux privés; et, le cas échéant, en autorisant leur réalisation sur des parcelles du domaine public agricole et non agricole ou des collectivités locales dans le cadre des contrats de location sous réserve de la législation relative aux domaines militaires;
- Élargissement du champ des terres agricoles qui ne sont pas concernées par le changement de leur vocation pour la réalisation de projets dans le secteur des énergies renouvelables;
- La possibilité de prise en charge par l’organisme public concerné des dépenses relatives au raccordement de l’unité de production d’énergies renouvelables au réseau national de l’électricité et les dépenses de consolidation dudit réseau. Et ce, au cas où le site de production est proposé par l’Etat;
- Simplification des procédures d’approbation des projets de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables à des fins d’autoconsommation : désormais, ces projets seront approuvés par décision du ministre chargé de l’Energie sur la base d’un avis conforme du comité technique des projets de production des énergies renouvelables. La capacité minimale de ces projets sera fixée par arrêté du ministre chargé de l’énergie;
- La création au profit du producteur de l’électricité des énergies renouvelables d' »un droit réel spécial » sur les bâtiments, ouvrages et équipements nécessaires dans le cas de réalisation du projet sur des parcelles du domaine de l’Etat public ou privé sans s’étendre au terrain.
Stimulation des investissements dans les secteurs de l’agriculture, de l’industrie, du développement des infrastructures, de la technologie et de la logistique :
- Suppression de la limite maximale de la contribution étrangère (fixée actuellement 66 %) dans les entreprises qui exploitent des terres agricoles en location dans le cadre de projets agricoles. Désormais la contribution étrangère dans les sociétés d’exploitation agricole par location de terrains peut atteindre les 100 %;
- Autorisation au profit de l’Agence foncière industrielle pour réaliser et aménager des « zones industrielles intégrées » dotées de tous les services nécessaires pour l’instauration de projets et la construction de bâtiments industriels destinés à la vente ou à la location et les mettre à la disposition des promoteurs de projets relevant des secteurs autorisés dans les zones industrielles. Et ce, en partenariat avec les agences foncières intéressées ou promoteurs immobiliers privés intéressés, chacun dans son domaine de compétence;
- Autorisation au profit de l’Agence foncière industrielle pour céder des lots faisant partie du plan de lotissement aux promoteurs de projets désirant s’implanter moyennant le paiement d’une avance sur le prix final et ce, avant même « l’achèvement de l’aménagement de la zone industrielle ». Les promoteurs de projets peuvent, désormais, obtenir l’autorisation de bâtir avant l’achèvement des travaux d’aménagement;
- Possibilité accordée à l’Agence foncière industrielle pour procéder à la maintenance et à la réhabilitation des zones industrielles, et ce, en l’absence de groupement de maintenance et de gestion et de toutes autres structures intéressées, et ce conformément à un programme fonctionnel déterminé par un cahier des charges,
- Suspension, de façon exceptionnelle et au cas par cas, de l’application « des procédures de déchéances » pour les promoteurs industriels ayant acquis des lots de terrain dans les zones industrielles appartenant à l’Agence foncière industrielle avant la fin de l’année 2020 et ayant atteint une phase avancée dans la réalisation de leurs projets sans entrée effective en production dans les délais légaux, et ce, dans un délai n’excédant pas une année à compter de la date de publication du décret-loi 2022-68 du 19 octobre 2022.
« Le retrait des arrêtés de déchéance est prononcé en faveur des promoteurs ayant réalisé leurs projets ou ayant achevé les travaux de construction et justifié l’achèvement des travaux de construction par un plan de masse établi par un géomètre expert »
- La possibilité de régularisation de la situation, par le changement de vocation des terres agricoles, des projets industriels implantés sur les terres agricoles avant la publication du décret-loi 2022-68 du 19 octobre 2022, et ce, par arrêté conjoint du ministre chargé de l’Agriculture et du ministre chargé de l’Urbanisme, à charge de respecter des conditions et critères qui reposent sur l’importance de l’investissement, la capacité d’emploi, la régularisation de la situation fiscale de la société titulaire du projet et la préservation de l’environnement, qui sont fixées par arrêté conjoint du ministre chargé de l’Agriculture, du ministre chargé de l’Industrie et du ministre chargé de l’Urbanisme.
« L’Instance tunisienne de l’investissement (TIA) fixe la liste des projets concernés par cette disposition, laquelle est approuvée par le Conseil supérieur de l’investissement »
Stimulation de l’investissement dans les secteurs du logement et de l’immobilier :
- Autorisation aux investisseurs de nationalité étrangère d’acquérir des logements auprès de promoteurs immobiliers dont le prix excède un montant à déterminer par arrêté présidentiel.
« Les conditions d’application de cette mesure seront fixées par décret »
- Autorisation accordée à l’agence foncière industrielle pour créer et aménager des zones urbaines intégrées équipées de toutes les installations nécessaires, et céder aux promoteurs immobiliers publics et privés des terrains avant l’achèvement de l’aménagement moyennant le paiement d’une avance sur le prix final afin de leur permettre d’entamer la construction dans le cadre d’un programme d’habitat intégré visant à répondre aux besoins de toutes les catégories sociales et en particulier des catégories à faible revenu.
Dispositions horizontales pour la relance de l’investissement :
- Octroi des incitations financières et fiscales au profit des projets d’intérêts nationaux, prévus par la loi de l’investissement aux promoteurs des « Zones franches commerciales » exerçant, conformément à la législation y afférente et ce, conformément aux conditions et procédures prévues par la loi précitée.
- Les investisseurs étrangers qui déclarent des projets d’investissement auprès des structures d’investissement concernées (TIA, APII, APIA, ONTT, ONA,..) et qui déposent la fiche d’investissement auprès de la Banque centrale de Tunisie, peuvent obtenir une « carte de séjour » pour une durée de cinq ans renouvelable en cas de poursuite de l’investissement, la durée de la carte de séjour est doublée (pour une durée de dix ans renouvelable) s’ils remplissent des conditions qui seront fixées par décret.
« Peuvent bénéficier de cet avantage, les investisseurs résidents en Tunisie et les cadres étrangers employés dans le cadre de ces projets »
- Encouragement de la transmission d’entreprise par « l’octroi du droit de poursuivre de jouir des incitations financières » prévues par la loi de l’investissement; et ce en cas de « transmission des projets » sur la base du dépôt d’une déclaration d’investissement auprès des structures chargées de l’investissement, à condition de l’approbation de ces structures et l’engagement de l’investisseur cessionnaire de poursuivre l’exploitation dans le délai restant de la période de dix ans à compter de la date d’entrée en activité effective du projet et selon les mêmes conditions auxquelles ces incitations ont été accordées.
Le droit de poursuite du bénéfice des incitations financières par cessionnaire est accordé par décision des autorités compétentes habilitées à signer selon la règlementation en vigueur.
Cette décision détermine la valeur des incitations au titre de la période restante, et le cessionnaire demeure soumis aux mesures de suivi et de contrôle prévues aux articles 21 et 22 de la loi de l’investissement.
Ces dispositions ne s’appliquent pas aux « prêts fonciers » dont les bénéficiaires sont tenus de restituer les sommes restantes lors de la transmission du projet; sauf si l’investisseur cessionnaire se charge de les rembourser conformément à la réglementation en vigueur.