Fustigeant la « dérive autoritaire » du chef de l’État, Kaïs Saïed, ainsi que « sa démarche unilatérale », le professeur et chef du département de droit public à la Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis, Sghaier Zakraoui, prévoit l’échec des prochaines élections législatives qu’il qualifie de « sans goût ni odeur ».
Kaïs Saïed serait bien inspiré de ruminer cet adage : « L’amour, l’amitié, l’estime ne forment pas des liens aussi solides que la haine commune. »
En effet, comment se fait-il que son ancien collègue, le juriste Sghaier Zakraoui, qui l’avait soutenu lorsque ce dernier avait déclenché le coup de force juilletiste, ne se contente plus d’émettre quelques réserves sur l’action de l’artisan du 25-Juillet; mais se transforme en un farouche ennemi politique? Que lui reproche-t-il au juste? La dérive autoritaire conséquente à l’accaparation en une seule main de tous les leviers du pouvoir.
Sghaier Zakraoui : Kaïs Saïed est « le problème »
Ainsi, pour le professeur et chef du département de droit public à la Faculté de Droit et des Sciences politiques de Tunis, le président de la République est « le problème ».
De part son goût pour l’exercice solitaire du pouvoir, le Président « a largement contribué à la dégradation de la vie politique. De même qu’il a aggravé la crise sociopolitique en Tunisie de puis le 25-Juillet », a-t-il affirmé. Tout en ajoutant qu’il « n’apporte aucune solution aux problèmes de la Tunisie. Il ne sait pas parler à ses concitoyens. Au contraire, il les divise au lieu de les rassembler comme est censé le faire tout président de la République ».
Un Président messianique
De plus, « étant dans sa bulle, n’écoutant que sa propre voix, il se croit investi d’une mission divine ». En effet, « il vit sur une autre planète. C’est un personnage atypique, qui se considère investi d’une mission messianique. Le pouvoir lui est tombé du ciel comme un message divin ». Il ne cesse de planer aux sommets, mais rude sera la chute dans l’abysse ». C’est comme cela qu’il concluait, lors de son passage, mercredi 9 novembre 2022, à la Matinale de Shems FM.
Diviser au lieu de fédérer
D’autre part, « avec son cercle d’amis les plus proches, notamment Ridha Chiheb Mekki (dit Ridha Lénine; Ndlr), la tête pensante de son projet populiste, qu’il rencontre régulièrement; alors que les dirigeants du monde libre reçoivent des prix Nobel en économie pour éclairer leurs lanternes. Kaïs Saïed, lui, cherche depuis des années à faire imploser le système en place ». Et ce, « au lieu de fédérer les Tunisiens afin de trouver des solutions concrètes à la crise socioéconomique qui frappe le pays de plein fouet ». C’est encore ce qu’indiquait l’invité de Mariem Belkhad.
Et d’avertir : « Les capitales étrangères appréhendent la dimension religieuse de son discours et le mystère qu’il cultive. Tant qu’il est au pouvoir, il n’y aura ni investissement, ni développement économique ».
Un scrutin insipide et inodore
Revenu sur les élections législatives de décembre prochain, l’intervenant les qualifie de « non-évènement ».
« Elles n’auront ni goût ni odeur pour les Tunisiens englués dans leur triste quotidien. D’autant plus que le Président, en persistant dans la même démarche unilatérale et en écartant les partis politiques, a vidé cette échéance de tout sens ».
Enfin, il fait allusion à certains candidats qui se présentent seuls dans leurs circonscriptions respectives. Et qui, en vertu donc de la nouvelle loi électorale seront élus; même sans avoir recueilli une seule voix. Sghaier Zakraoui estime, implacable : « Avec une constitution et une loi électorale taillées sur mesure, nous avons dès maintenant des députés qui n’ont même pas été élus. Nous sommes devenus la risée du monde ». Terrible constat.