Istanbul a été frappée dimanche 13 novembre par un attentat terroriste qui a fait six mort et 81 blessés. Le drame a eu lieu dans le quartier touristique commerçant de ‘Taksim’ à une heure de grande affluence.
Selon le ministre turc de la Justice, Bekir Bozdag, « un sac a été déposé auprès d’une femme assise sur un banc. L’explosion a eu lieu une ou deux minutes après que cette femme ait quitté l’endroit où elle était assise durant 40 minutes.Toutes les données sur cette femme sont actuellement en cours d’examen (…) Soit ce sac contenait un minuteur, soit quelqu’un l’a activé à distance ».
Le ministre turc de la Santé, Fahrettin Koca, a affirmé pour sa part que « 39 des 81 blessés ont quitté l’hôpital après avoir reçu des soins. Sur les 42 personnes hospitalisées, cinq sont dans les unités de soins intensifs, dont deux dans un état critique ».
De son côté, le ministre de l’Intérieur turc Souleyman Soylu a annoncé l’arrestation de la personne qui a déposé la bombe. « D’après nos conclusions, l’organisation terroriste PKK est responsable », a-t-il affirmé.
Ce n’est pas le premier attentat dont est victime Istanbul. La partie européenne de la grande ville turque semble être le lieu de prédilection des terroristes pour mener leurs actions meurtrières. En 2016, alors que la guerre faisait rage en Syrie, les terroristes de l’Etat islamique ont perpétré un attentat suicide dans la même avenue commerçante de ‘Taksim’.
La même année, un groupe terroriste se faisant appeler‘’les Faucons de la liberté du Kurdistan’, proche du PKK, a revendiqué la responsabilité d’un attentat sanglant qui a causé la mort de 47 personnes devant un stade de football dans le quartier de Beşiktaş, dans le centre d’Istanbul.
Quelques mois plus tard, le 1er janvier 2017, 39 personnes, dont 27 étrangers, ont été tuées et 79 autres blessées dans une fusillade au Reina, une discothèque huppée d’Istanbul. Le carnage a été perpétré par un assaillant armé d’un fusil d’assaut qui avait tiré sur la foule qui célébrait le nouvel an avant de prendre la fuite.
Le terrorisme en Turquie est antérieur à l’arrivée au pouvoir du parti islamiste et de son chef Tayyip Erdogan. Le phénomène est apparu au milieu des années 80 du siècle dernier quand le parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), dirigé par Abdallah Oçalan, avait décidé de passer des revendications politiques à l’action violente.
Les combattants du PKK sont installés depuis des décennies dans les montagnes kurdes du nord de l’Irak, d’où ils mènent jusqu’à ce jour des actions sporadiques contre l’armée turque. Ils mènent également, de temps à autre, des attentats terroristes dans les villes turques, Istanbul en particulier.
L’arrestation du chef du PKK, Abdallah Oçalan, en février 1999 n’a pas mis un terme à l’activisme des combattants kurdes de Turquie qui ont trouvé une terre d’accueil auprès des communautés kurdes dans les zones frontalières turco-irakiennes et turco-syriennes.
Le terrorisme résiduel dont souffre depuis des décennies la Turquie est nourri par l’impasse dans laquelle sont engagés l’Etat turc d’une part le PKK d’autre part. L’Etat turc, quelle que soit la nature du régime qui le dirige depuis les années 80 du siècle dernier jusqu’à ce jour, a fait preuve d’une incapacité consternante à trouver une solution politique qui prendrait en compte les revendications kurdes, dont certaines sont sans doute légitimes.
De son côté, le PKK, en optant pour la violence aveugle contre les civils, n’a rien réussi d’autre qu’à s’attirer l’hostilité de la majorité des citoyens turcs et à se faire qualifier d’organisation terroriste par plusieurs pays, y compris les grandes puissances.
L’attentat de dimanche, que le ministre turc de l’Intérieur attribue au PKK, va durcir encore la position de la Turquie dans le dossier relatif à l’intégration de la Suède et de la Finlande à l’OTAN. En effet, le PKK est au cœur d’un bras de fer qui oppose Ankara d’une part et Stockholm et Helsinki d’autre part, depuis que les deux pays nordiques ont fait part de leur intention de devenir membres de l’OTAN, peu de temps après le déclenchement de la guerre d’Ukraine.
La Suède et la Finlande se sont mises dans une situation embarrassante. Leur entrée à l’OTAN est liée à la levée du véto turc. Pour échapper à ce véto, les deux pays nordiques sont tenus de changer leur politique envers le PKK, dont plusieurs de ses membres trouvent depuis des années accueil et mansuétude dans leur refuge nord-européen.
L’attentat du 13 novembre a fait des victimes à Istanbul, mais ses conséquences atteignent Stockholm et Helsinki où les classes politiques de Suède et de Finlande verront les pressions turques s’accentuer et leurs marges de manœuvre pour déjouer le véto turc se réduire.