La situation alarmante de l’économie, l’accord préliminaire entre le gouvernement Bouden et l’institution Bretton Woods, le système de compensation, la réforme des entreprises publiques, l’impôt sur la fortune. Tels étaient, entre autres, les sujets brûlants que Habib Karaouli, expert économique et PDG de Cap Bank, a évoqué lors de son passage, hier lundi 14 novembre 2022, sur les ondes d’une radio locale. Extraits de cette brillante intervention.
Revenant sur la l’étouffante crise économique dans laquelle notre pays est plongé jusqu’au cou, l’économiste Habib Karaouli note qu’elle est « complexe et multidimensionnelle ». Tout en estimant que les réformes à entreprendre, dans le cadre préliminaire de l’accord avec le Fonds monétaire international (FMI), dont nous n’avons pas encore tous les détails, ne doivent en aucun cas venir de l’extérieur. Mais elles doivent plutôt s’opérer dans le cadre d’un « consensus tuniso-tunisien » entre les différentes parties prenantes. Et ce, afin d’édifier l’avenir sur des bases solides. A condition, a-t-il tenu à préciser, « que toutes les parties, sans exception, fassent des sacrifices ».
Habib Karaouli pour une levée graduelle des compensations
S’agissant du système des compensations qui devrait être levé, selon les exigences de nos bailleurs de fonds, l’invité de Mariem Belkhadi dans la Matinale de Shems FM, a indiqué que ce sujet est tout à la fois « nouveau et ancien ». Il relève que les gouvernements successifs, pour des raisons « politiciennes », ont retardé le traitement de ce dossier. Et que la Tunisie devrait prudemment s’engager « dans une démarche de levée graduelle ». Tout en orientant les subventions vers ceux qui en ont le plus besoin.
Prenant à titre d’exemple un produit alimentaire de base, en l’occurrence le sucre, et parallèlement à la levée graduelle des compensations sur ce produit, l’Etat « serait bien inspiré de lancer une large campagne de sensibilisation pour alerter nos concitoyens sur la dangerosité du sucre sur la santé publique ».
Techniquement, aucune des entreprises publiques ne peut être privatisée
Pour ce qui est de la réforme « nécessaire » des entreprises publiques, le frère aîné de la célèbre chanteuse Nabiha Karaouili a été catégorique. A savoir qu’il ne faut surtout pas les privatiser. Car, sur le plan technique, « aucune des entreprises publiques ne peut être privatisée ». Mais il est nécessaire de les « restructurer », en procédant à l’étude des institutions étatiques « au cas par cas ». Il indique donc clairement qu’il est en faveur d’une restructuration. « Aucune des entreprises publiques ne peut, techniquement, être privatisée », martèle-t-il.
A ce sujet, Habib Karaouli rappelle, à juste titre, que la centrale syndicale se distingue par sa propre vision de l’avenir. De même qu’elle dispose d’un bureau d’études composé de plusieurs experts dans tous les domaines. « Ce qui est de nature à faciliter les négociations entre le gouvernement et le partenaire social », poursuit-il.
L’Etat en indiscrétion avec la loi
Sur un autre volet, le PDG de Cap Bank évoque les mesures fiscales décidées par l’Etat depuis 2011. A cet égard, il déplore « le manque, voire l’absence » d’une analyse évaluation pertinente de ces mesures. Ainsi, « sur la totalité des 600 dispositions annoncées depuis cette date, aucune d’entre elles n’a été analysée, ni évaluée. Alors que dans les plus grandes démocraties, le législateur s’interroge toujours sur les répercussions et les coûts des mesures fiscales qu’il met en place ».
De même, regrette-t-il, « l’État viole un certain nombre de lois, au moment où il exige de tous de s’aligner sur celles-ci ».
Et de donner deux exemples ? Primo, l’État tunisien dispose de participations dans plusieurs opérateurs téléphoniques; alors que le Code des Télécoms le lui interdit formellement. Secundo, le même Etat a des participations dans le secteur bancaire. Citant notamment ses derniers placements dans deux banques « au plus mauvais moment ».
Pour une approche « exhaustive » de la fiscalité
Toujours au sujet de la fiscalité, l’expert économique note qu’il est inutile, voire contreproductif, de mettre la charrue avant les bœufs. Ainsi, préconise-t-il que État se penche en amont sur le niveau de préparation et les mécanismes les plus appropriés. Et ce, avant de mettre en œuvre des décisions fiscales. En incluant les mesures fiscales dans une approche « exhaustive » dans laquelle le citoyen peut à la fois s’acquitter de ses impôts; mais, également, créer de la richesse et de la valeur ajoutée.
« Les mesures fiscales que le législateur tunisien avait mis en place depuis 2021 auraient pu avoir de meilleurs résultats; et ce, si elles avaient été accompagnées de mesures incitatives à l’investissement, pour ainsi créer un équilibre », souligne-t-il.
Scepticisme
Revenant enfin sur l’hypothétique impôt sur la fortune que le ministère des Finances envisagerait d’instaurer dans la loi de Finances 2023, l’invité de la Matinale s’est montré sceptique. En effet, « la Cour des comptes en France a constaté que le coût de cette mesure dépasse largement ses revenus. Tandis que le gouvernement allemand s’interroge actuellement sur l’utilité d’une telle mesure », fait-il, par ailleurs, pertinemment observer.
Un regard clairvoyant et une analyse toute en finesse.