Société civile et journalistes ne peuvent pas rester insensible au Décret-loi n°2022-54 du 13 septembre 2022, relatif à la lutte contre les infractions se rapportant aux systèmes d’information et de communication. A peine le décret en question était publié au JORT, que les craintes des journalistes et du syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) émergeaient.
Dans le même contexte, la traduction du rédacteur en chef du journal électronique Businessnews, Nizar Bahloul devant la Criminelle, sur le fond du décret en question provoquait une levée de bouclier dans les milieux journalistiques. Ainsi, l’ONG Mourakiboun, en partenariat avec Democracy Reporting International (NDI) a organisé un brunch-débat sur les risques et menaces du Décret-loi n°2022-54, aujourd’hui 17 novembre à Tunis.
De nombreux journalistes venant de plusieurs spécialités ont participé au débat. Ils ont exposé leur craintes et recommandations quant à ce problème. L’ONG tient à décortiquer le décret de loi sur tous ses aspects. C’est la raison pour laquelle elle organise quatre brunch debate sur le Décret-loi n° 2022-54; et ce, les 16, 17, 18 et 23 novembre à Tunis :
– Regards académiques et judiciaires sur le décret-loi 54 (16/11);
– Le décret-loi 54 selon les acteurs médiatiques (17/11);
– Risques et menaces du décret-loi n° 54 sur la société civile (18/11);
– Présentation des résultats et des recommandations (23/11).
Que retenir ?
Les participants au débat proposent de faire pressions pour le retrait du Décret-loi n° 2022-54. Outre cette pression, ils incitent tous les journalistes à écrire des articles contre le décret.
Cependant, d’autres affirment que quelques rédactions préfèrent ne pas participer à cette action, pour des considérations politique et matérielle. Quant à certains, ils voudraient porter plainte contre le président de la République et internationaliser l’affaire devant les instances internationales. Et ce, afin d’informer et d’alerter la société civile internationale.
Poussant encore les choses, l’une des participantes recommande de porter plainte contre les ministres qui donnent de fausses informations aux médias et aux Tunisiens, sur le fond du même article. Soit donc en utilisant la même arme juridique. Mais, tout en saluant cette proposition, d’autres considèrent que cette recommandation pourrait légitimer le décret. Et ce, à partir du moment où les journalistes l’utilisent pour porter plainte.
Au volet juridique, il est question de sensibiliser les avocats et les juges à la dangerosité du décret. Et ce, afin qu’ils comprennent les spécificités du travail journalistique. Pour renforcer la position des médias, il a été recommandé de gérer l’abonnement aux journaux par les ministères et une bonne répartition de la publicité publique qui « est un droit ». Les journalistes doivent, pour lutter contre les fausses informations se conformer à la déontologie de la profession.
Une loi qui aurait dû être discutée au prochain parlement
Des lois similaires existent dans le monde, notamment en France et aux Etats-Unis. Cependant, elles ne prévoient pas de peines liberticides. Si le besoin d’une loi comme celle-là s’impose, c’est donc sans peine liberticide. En plus, un pareil décret doit être discuté dans le cadre du prochain parlement, en concertation avec les différents intervenants.
Alors, pour certains intervenants, l’objectif est la répression et non pas la lutte contre les rumeurs et les crimes électroniques. L’accent a été mis, également, sur le timing de la publication du décret, à savoir avant les élections. La plupart des intervenants considèrent que les réels objectifs du décret en question consistent à « contrôler les données des journalistes, violer la vie privée, empêcher la fuite des documents. Tels sont les réels objectifs du décret en question », soulignent-ils.
Même le collectif Soumoud qui a tant soutenu le président de la République a critiqué le Décret-loi n° 2022-54. Et aujourd’hui, il exige son retrait, dans un communiqué rendu public ce 17 novembre.