Les visites entre la Tunisie et l’Algérie s’enchaînent. Entre la visite du ministre des Affaires étrangères de l’Algérie en Tunisie la semaine d’hier et celle de la Cheffe du gouvernement Najla Bouden la toute dernière hier en Algérie, on se demande quelle lecture diplomatique peut-on dresser? Elyes Kasri, ancien ambassadeur et analyste politique livre sa lecture analytique.
Elyes Kasri souligne dans une déclaration à leconomistemaghrebin.com que « le récent ballet diplomatique entre la Tunisie et l’Algérie, sans annonce préliminaire ni communiqués officiels expliquant l’urgence et la teneur des entretiens de haut niveau a l’occasion de ces visites, suscite de nombreuses interrogations et supputations. »
Il précise à cet effet: « Faute de communication officielle, il ne serait pas totalement absurde de mettre la visite nocturne à Tunis du chef de la diplomatie algérienne et celle immédiatement après, sans la moindre annonce officielle, de la première ministre tunisienne à Alger dans le cadre d’une appréhension partagée de la possible tournure des événements dans la région, au cours des prochaines semaines, et leur impact sur la stabilité des régimes respectifs. »
L’adhésion de l’Algérie au BRICS
Et de poursuivre: « Il n’est pas à exclure que la visite algérienne qui a entamé ce ballet diplomatique ait été motivée par la crainte d’un possible dérapage socio-sécuritaire en Tunisie. Tant en raison de la situation interne difficile et qualifiée même par certains d’intenable, qu’extérieure. Pour rééditer, avec la complicité des partenaires-agents ou même suppôts tunisiens, une déstabilisation de la Tunisie et prendre l’Algérie dans une tenaille tuniso-marocaine. Tout cela à la veille de la visite du président algérien à Moscou pour formaliser l’alliance algéro-russe et surtout l’adhésion de l’Algérie au BRICS. Scellant ainsi son divorce avec l’Europe et le front ukraino-otanien en matière d’approvisionnement de l’Europe en hydrocarbures. Lesquels sont devenus la principale arme de la Russie contre le front européen de l’OTAN.«
Avant d’ajouter: « On ne peut pas exclure non plus, à la lumière de signaux mettant en doute la confirmation par le FMI de la facilité de crédit de 1,9 milliard de dollars censée donner le feu vert à d’autres pourvoyeurs de fonds étrangers pour permettre au gouvernement tunisien de boucler la loi de finances 2023 et d’éviter un effondrement monétaire et économique, des discussions pour éviter une situation sociale et sécuritaire intenables. Surtout si Ennahdha et ses alliés officiels ou officieux se mettent à instrumentaliser la frustration sociale. »
Que penser de ce ballet diplomatique algéro-tunisien?
Alors, il poursuit: « Il n’est pas absurde enfin de croire que ce ballet diplomatique algéro-tunisien, puisque l’initiative semble venir de l’Algérie, se résume à un deal. Lequel comporterait un ballon d’oxygène pétro-monétaire au président Kaïs Saïed. Et ce, en échange d’une politique d’apaisement pour éviter une alliance active d’un spectre large de la classe politique tunisienne contre le président de la République Tunisienne et le gouvernement Bouden. Une situation qui pourrait être instrumentalisée pour déstabiliser la Tunisie et créer un foyer de tension de contagion idéologique et sécuritaire sur la frontière algéro-tunisienne. Cette dernière, faut-il le rappeler, en dépit de la ligne électrifiée Morris et des nombreux champs de mines, n’a pas empêché les moudjahidines algériens de la traverser lors de la guerre de libération de l’Algérie. »
Finalement, il avertit: « Aux suppôts de l’étranger de se rappeler que toute atteinte à la stabilité et à la sécurité de l’Algérie à partir du territoire national est pour le peuple tunisien une ligne rouge et un crime impardonnable. »