Sur fond de pénuries à répétition du lait, le président de la République, Kaïs Saïed, a rendu lundi 5 décembre une visite inopinée au siège de la Centrale laitière du Groupe Délice, à Soliman. Le Président, détendu, cherchant à comprendre les causes de cette pénurie et les moyens d’y remédier, a eu une discussion fort intéressante avec le PDG du groupe, Hamdi Meddeb. Et ce, dans une ambiance empreinte de franchise et de cordialité. Une première dans les relations du Président avec les hommes d’affaires?
Le chef de l’Etat, Kaïs Saïed, semble vouloir donner de la couleur à la campagne électorale pour le scrutin législatif du 17 décembre. Une campagne atone et sans relief puisque largement boycottée par l’ensemble de la classe politique tunisienne; hormis le parti panarabiste Achaâb.
Un agenda surchargé
En effet, l’agenda du président de la République, ce lundi 5 décembre, est bien chargé : recueil au mausolée à la Kasbah du martyr de la Nation Farhat Hached à l’occasion de la commémoration du 70ème anniversaire de son assassinat; arrêt-souvenir au collège Sadiki; visite au palais du gouvernement à la Kasbah; déambulation à pied dans les étroites ruelles de la vieille médina; avant de se rendre à l’emblématique avenue Habib Bouguiba; nouvelle halte traditionnelle au ministère de l’Intérieur; avant de regagner, toujours à pied, le siège du ministère des Domaines de l’Etat et des affaires foncières à l’avenue Mohamed V.
Et ce n’était pas fini, puisque le locataire du palais de Carthage rendait l’après-midi une visite inopinée à la Centrale laitière du Cap Bon du Groupe Délice à Soliman; où il fut reçu par le PDG du groupe, Hamdi Meddeb.
Parcours de combattant
Cette visite à l’une des plus importantes usines laitières en Tunisie intervient dans le cadre de pénuries à répétition de produits de base. A l’instar de l’huile végétale, de la farine, du sucre et surtout du lait.
En effet, pour les parents, dont les enfants en réclament pour le petit déjeuner, trouver un paquet de lait représente un parcours de combattant. Ainsi, il faut se lever de bonne heure, parcourir plusieurs commerces pour trouver la précieuse denrée. Et finir par se rabattre sur n’importe quelle marque; tout en se contentant d’un maximum de deux paquets ou bouteilles par jour.
Alors quelles sont les causes de la pénurie du lait qui touche l’ensemble de la population? Et comment y remédier alors que le ministère du Commerce semble incapable de trouver les solutions adéquates à cette crise sans précédent?
Dans une vidéo, publiée mardi 6 décembre par la présidence de la République, le chef de l’Etat avait affirmé à Soliman que la production de lait couvrait l’intégralité des besoins de la population. Soulignant que la pénurie résultait de la spéculation. Laquelle ne peut être combattue que par l’augmentation de la production, seul moyen, à ses yeux, de résoudre la crise cette précieuse denrée.
A cette occasion, le Président s’est interrogé, à juste titre, sur la disponibilité sur le marché du beurre et du yaourt et non pas du lait en brique ou en bouteille.
Kaïs Saïed ironise sur lait écrémé et demi-écrémé des vaches
« Nous devons mettre fin aux crises en renforçant la production. Car, en vérité, la crise du lait n’est pas fortuite », a assuré Kaïs Saïed. Avant d’ajouter : « Nous sommes en guerre […] Nous ne devons pas laisser les enfants sans lait […] On ne peut acheter le lait qu’en achetant du yaourt à cause de la vente conditionnée ». Et d’ironiser : « Y-a-t-il des vaches qui donnent du lait et d’autres qui donnent des yaourts? Le lait, c’est du lait! Pourquoi le fromage et le beurre sont disponibles? Y-a-t-il des vaches qui donnent du lait écrémé et d’autres qui donnent du lait demi-écrémé? »
Le chef de l’Etat a, encore une fois, accusé les circuits de distribution « d’affamement du peuple ».
« On accuse des petits épiciers de spéculation, alors qu’ils ne sont en possession que de quelques bouteilles ou briques de lait. Et on oublie de cibler les entrepôts de stockage des grands spéculateurs », a-t-il martelé.
Hamdi Meddeb : « Pensez au Fellah M. le Président! »
Pour sa part, Hamdi Meddeb impute la baisse de la production du lait à la diminution de l’offre en lait cru des éleveurs. Et ce, à cause de la flambée fulgurante dans les marchés mondiaux des aliments pour bétail. La guerre en Ukraine y étant pour quelque chose. Car, la hausse du prix du maïs et du soja impacte le cheptel bovin. En conséquence, l’éleveur se retrouve entre deux feux : soit sous-alimenter ses pauvres vaches, soit s’en débarrasser en les vendant.
Finalement, le PDG du Groupe Délice, en mettant le doigt sur le cœur de la problématique, s’est fait lors de la visite présidentielle l’avocat et le porte-parole des éleveurs. Et ce, en interpellant publiquement son auguste hôte : « Pensez au Fellah M. le Président! »