Non ce n’est pas la crise d’un système, d’un régime ou d’un gouvernement qui règne en Tunisie. C’est la crise sociétale, économique, sociale et en apparence politique. Il ne suffit donc plus de changer de Président, de parlement, ou de gouvernement, ou bien changer le modèle économique et social ou d’améliorer le modèle sociétal, pour sortir de cette crise endémique. Il s’agit encore moins de faire une révolution, car elle ne ferait qu’aggraver la situation déjà catastrophique. Mais il devient incontournable d’envisager une refonte globale du modèle de l’Etat-Nation, tel qu’il a été conçu et appliqué par les pères fondateurs. La question de la souveraineté est le principal objet de débat!
Le problème est que notre intelligentsia, censée réfléchir sur le sujet et ouvrir la voie à des transformations profondes du modèle actuel de la Tunisie, s’est avérée complètement dépassée, et archaïque. Car elle a cru au mirage d’une démocratie sans développement, sous l’influence de pressions extérieures. Et surtout parce qu’elle fût amadouée par les promesses d’un monde occidental qui impose ses normes; mais dont le modèle démocratique est lui-même à bout du souffle.
L’affaire qui date de quelques jours dite « du coup d’Etat » en Allemagne et la façon avec laquelle elle est traitée, politiquement et médiatiquement, rappelle les méthodes de ce que les Occidentaux désignent par, dictature, et ceci dans une des plus grandes démocraties d’après guerre. Ce qui annonce le crépuscule du modèle démocratique occidental, perpétré dans ses contradictions. Les évènements qui ont suivi la proclamation de la victoire de Biden aux USA, sont aussi dignes d’une république bananière, dont ce pays ne tardera pas à subir les conséquences. Même si provisoirement les choses en apparence se tassent; mais qui ont donné comme Président à la tête de l’Etat le plus puissant du monde, une personne soupçonnée d’être atteinte d’Alzheimer.
La descente vers les abîmes de la Tunisie
En Tunisie, depuis les élections de 2019, les signes avant coureurs d’une crise des plus graves se sont fait sentir. Il n’y a qu’à se rappeler qui étaient les deux candidats au second tour de la présidentielle pour s’en convaincre. L’un est en fuite pour des affaires de corruption et l’autre est notre actuel président.
Pour ce dernier, son bilan politique, économique et social impose un verdict sans appel! Le pays s’enfonce inexorablement dans la décadence généralisée, sans qu’aucune issue ne se profile à l’horizon. Ce n’est pas seulement, la faute de Kaïs Saïed, comme tente de nous convaincre ses différentes oppositions. Mais c’est le résultat de tout un processus qui fût engagé juste après le départ de l’ancien Président Zine Al-Abidine Ben Ali.
La période dite de « transition » et qui était réellement une transition vers l’inconnue, dirigée par les revanchards d’Ennahdha et par des politiciens sans vergogne, nous a amenés en toute logique vers la situation qui prévaut actuellement. C’était inéluctable!
Le processus aussi qui s’est déclenché le 25 Juillet 2021, et alors qu’on attendait un redressement national dont la Tunisie avait expressément besoin, nous surprend chaque jour un peu plus. Car il mène inexorablement vers la déliquescence de l’Etat et donc vers une détérioration généralisée de la situation dans tous les domaines et à tous les niveaux.
On n’a pas besoin d’attendre les résultats des élections législatives de décembre pour deviner la nouvelle architecture politique. Les candidats déjà qui s’expriment sur les médias, à eux seuls nous renseignent suffisamment sur la nature du nouveau parlement; ainsi que sur la nouvelle classe politique. Sans d’ailleurs attendre la composition de la deuxième chambre dont plus personne ne parle, mais qui est prévue par la Constitution.
C’est le principe de la pyramide à l’envers qui détermine cette nouvelle évolution de la Tunisie. On peut d’ores et déjà présumer que les débats ne seront pas d’une grande envergure et qu’ils ne voleront pas très haut. Aucun des 1050 postulants pour êtres élus ne se distingue jusqu’à maintenant par une vision globale et innovatrice de l’avenir du pays. La non participation, pour cause de boycott, des partis politiques traditionnels et potentiels, est certainement pour quelques chose dans ce vide politique sidéral qui se profile à l’horizon, mais elle est loin d’expliquer le phénomène.
Déjà que les partis qui dominaient la scène, du moins parlementaire, ne brillaient pas par des projets innovateurs, hormis le sempiternel discours sur la démocratie et les droits de l’Homme et le bavardage à propos d’un nouveau modèle de développement. Lesquels sont devenus des lieux communs et ne peuvent tenir lieu de programmes politiques et économiques sérieux qui peuvent sortir le pays de la crise dans laquelle il se démène depuis une décennie.
La responsabilité de KS dans cette situation est certaine et on n’a pas besoin de beaucoup d’arguments pour la démontrer. Car lui-même s’en charge, à force de critiquer quotidiennement les politiques qu’il a lui-même tracées et ordonnées depuis qu’il est au pouvoir. Puisqu’il a, depuis, nommé tous les gouvernements et presque tous les ministres. Devenant donc depuis la nouvelle constitutions le seul et unique maître des trois pouvoirs.
Mais la responsabilité incombe aussi à toute l’actuelle classe politique, pouvoir et oppositions confondus. Car ils ne font que nous débiter des lieux communs depuis plus de douze ans. Les oppositions deviennent de plus en plus nihilistes et coupées de la réalité et du « peuple » qu’ils prétendent représenter.
L’on est donc dans un cercle vicieux, où aucun parti et aucune partie politique ne peut prétendre être une alternative sérieuse à long terme.
Cela, « le peuple » l’a bien compris. Et il se détourne radicalement et avec mépris de la politique. Jusqu’à pouvoir prétendre que les prochaines élections peuvent être un échec cuisant quant au taux de participation. Et ce n’est pas à cause des appels au boycott lancés par les opposants de KS.
A l’évidence, on vit actuellement une fin de cycle, sans savoir quel nouveau cycle nous allons entamer. Ceux qui croient que l’on va revenir à la situation d’avant le 25 juillet 2021 se trompent lourdement de diagnostic et de pronostic. Non pas seulement que l’Histoire ne se répète jamais, comme l’a depuis des siècles affirmé Ibn Khaldoun, et que si elle se répète c’est sous une forme comique; mais encore la tendance lourde qui secoue la société, sonne déjà le glas de l’islam Politique, en Tunisie et dans le monde. Ce qui signifie que tout ne sera plus jamais comme avant.
Mais comment des politiciens sclérosés et animés par leur seule soif du pouvoir peuvent-ils comprendre cela? La défection des élites intellectuelles et leur démission ne peuvent qu’obscurcir d’avantage les horizons. Nous disons défection pour ne pas dire trahison, ce qui revient au même.
Un pays qui s’enfonce, un Etat qui se délite.
Les puissances occidentales le savent et l’ont exprimé à travers de multiples think-tank! Il n’y a pas d’alternative politique au pouvoir actuel. Sauf au risque encore d’une déstabilisation généralisée du pays, ce qu’ils redoutent le plus.
La géopolitique exige que, dans un monde qui vit dans une période de déstabilisation générale, on essaye de stabiliser au maximum les pays frontaliers des zones où l’ennemi « Les Russes et les Chinois » ont fait une percée significative.
Rappelons nous de la fameuse déclaration du ministre de la Défense américain lors de l’intronisation du nouveau patron de l’AFRICOM il y a à peine deux mois. Avant qu’il ne rende visite à notre pays et suite à la réaction violente de KS. Depuis, les choses semblent rentrer dans l’ordre. Ce même KS, qui a été ignoré par Biden lors du sommet organisé par les USA sur la démocratie, est invité cette fois-ci pour participer au sommet USA-Afrique. C’est l’effet guerre d’Ukraine! On ne lâche pas le Président d’un allié stratégique, qui participe aux manœuvres militaires de l’OTAN en Méditerranée, pour des broutilles démocratiques, au risque de le pousser dans les bras de l’ennemi. Et puis il y a son voisin de l’Ouest qui a toujours été un grand ami de la Russie et qui le restera. Quant aux alliés islamistes des USA, l’on sait comment les Américains traitent leurs « amis ». Ce qu’évidemment Rached Ghannouchi et ses fans n’ont pas compris. Il aurait fallu le soutien ferme et clair de Macron pour que l’opposition sorte de sa torpeur. Mais elle n’a pas pour autant tiré de conclusions.
Entre un Kaïs Saïed, qui fait cavalier seul et qui ne compte pas partager même une parcelle du pouvoir que lui a confié une main divine, et des oppositions toutes aussi archaïques que marginales, il n’y a aucun espoir de voir émerger une solution à la grave crise dans laquelle s’enfonce le pays. Seul un miracle ou un coup de main du destin peut sauver et stopper la descente rapide vers les déchéances. Et surtout, il ne faut pas croire que les sous qui vont lui être accordés en contrepartie des réformes économiques vont le sauver de cette descente aux enfers. Ces sous ne feront que retarder l’échéance. De toute façon soyons sûr que l’actuel gouvernement ou celui qui va lui succéder, ne feront pas mieux que leurs prédécesseurs. L’argent accordé ne peut que permettre au pays de garder la tête hors de l’eau. Entre-temps, il continue à faire un pas en avant vers le gouffre!