Zhang Jianguo, ambassadeur de Chine en Tunisie, quittera dans quelques jours sa fonction pour faire valoir ses droits à la retraite. Sa mission en Tunisie a été courte (deux années et un mois), mais elle a été fructueuse, avec notamment des actions pour aider la Tunisie à lutter contre la pandémie.
La Chine a ainsi été le premier pays à agir dans ce sens. L’interview qu’il vient de nous accorder a évidemment été consacrée à cet aspect. Elle a servi aussi à faire le bilan de la coopération tuniso-chinoise et de l’action de la Chine sur le plan international. Avec un éclairage sur la guerre en Ukraine et sur les conséquences de ce conflit, ainsi que sur la politique de multilatéralisme défendue pour mettre de l’ordre dans un monde marqué par un déséquilibre certain.
Vous avez passé deux années et un mois en Tunisie. Vous avez accompli évidemment des réalisations. Mais, qu’est-ce que vous auriez aimé accomplir et que vous n’avez pas réussi à mener à bien ?
Je voudrais, d’abord, dire que j’ai passé deux années passionnantes en Tunisie. Deux années qui n’ont pas toujours été faciles à cause de la pandémie de Covid. Ce qui a limité mes contacts. La coopération a été cependant profonde, notamment dans la lutte contre le coronavirus, la Chine ayant été le premier pays à avoir accordé des dons à la Tunisie pour stopper la progression de la pandémie, sous forme de vaccins, de masques et de matériel divers. Et puis, il y a eu l’hôpital de Sfax, qui a été remis à temps aux autorités. Il a servi à accueillir des malades du Covid. Je viens de le visiter et j’ai senti une satisfaction des autorités quant à cette réalisation de la coopération tuniso-chinoise, qui a permis de sauver entre 1600 et 2000 personnes, m’a-t-on assuré.
Il est question d’une extension de ce projet pour un centre dédié aux maladies du cœur. Il y a aussi encore un lot de dons chinois de matériel médical en route.
Notre coopération avec la Tunisie est un exemple de coopération avec les pays en développement. Il y a eu également les dons pour l’Académie diplomatique et le centre sportif de Ben Arous. Par ailleurs, nous sommes sur un autre projet, celui d’un centre cancérologique à Gabès.
Nous aurions voulu aller vers d’autres régions que celles de Tunis et de ses environs. La décentralisation est dans nos projets pour faire profiter des pans entiers de la population tunisienne. Je peux dire aussi que pour ma deuxième année en Tunisie, je commence à avoir plus de contacts. Mais, ce que je n’ai pas réussi à faire, c’est agir sur le terrain des investissements d’entreprises chinoises en Tunisie.
J’ai cependant accompli des efforts et depuis des mois, je vois des entreprises chinoises venir en Tunisie pour accomplir des missions d’études. J’espère que mon successeur réussira sur ce terrain, ô combien intéressant pour les deux pays. Vous savez que la Tunisie est déficitaire sur le plan commercial avec la Chine et il faut chercher à établir un équilibre entre nos deux pays.
Je pense qu’il y a beaucoup de possibilités. La Tunisie dispose de beaucoup d’atouts. Il y a des perspectives de coopération au niveau des travaux d’infrastructures (autoroutes, ports, aéroports, chemins de fer, ponts…). Jusqu’ici, la Tunisie n’a pas profité pleinement des plateformes de coopération avec la Chine. Que ce soit dans le cadre des initiatives avec le monde arabe, l’Afrique ou dans le cadre de la Route de la soie. Il y a dans ces plateformes, des projets et des fonds à mobiliser.
Quand certaines multinationales dans la pharmacie ou les hydrocarbures, par exemple, quittent la Tunisie, est-ce que vous les comprenez ? Ils parlent, à ce propos, d’un climat des affaires qui n’est pas favorable.
Je pense que tout cela est lié à la stabilité politique. La situation actuelle n’attire peut-être pas davantage d’investisseurs étrangers. Cela dit, la Tunisie doit faire des efforts pour les retenir. Il faut cependant savoir que les entreprises chinoises ne visent pas que le marché tunisien. Elles visent les marchés de l’Afrique subsaharienne, du Maghreb et du Golfe, de l’Europe même. La Libye par exemple constitue un marché important, si les choses peuvent rentrer dans l’ordre bien sûr.
Je viens de prendre connaissance de l’interconnexion de la Tunisie avec le marché subsaharien. La Tunisie n’exporte que 1,6% de produits dans cette partie du monde. C’est un handicap pour ceux qui viennent s’installer dans votre pays.
La Transmaghrébine pourrait jouer un rôle important, cette route qui relie la Tunisie à l’Afrique subsaharienne ?
Il manque, à ma connaissance, à cette route transmaghrébine un tronçon de 80 kilomètres. Entre Bou Salem et la frontière algérienne. Une entreprise chinoise suit le dossier, mais l’on n’arrive pas à concrétiser le projet. Je pense que la Tunisie va bientôt achever son processus politique qui doit aboutir à une vie politique normale et, de ce fait, les autorités accorderont plus d’efforts à l’économie. Et là, avec tous vos atouts, vous aurez beaucoup d’opportunités à saisir. Au niveau de l’agriculture et de la gestion les eaux, par exemple, nous pouvons travailler pour le bien de la Tunisie. Afin qu’elle regarde plus vers l’Est que vers le Nord. Nous pouvons aider à sécuriser les céréales aussi. La Tunisie peut profiter des zones de développement économique de la Chine.
Nous comptons aussi quelques exemples de réussite sur le continent africain : en Egypte, en Ethiopie, au Kenya et à Djibouti. En s’appuyant sur un port en eau profonde, on peut développer une zone de ce type. Des consortiums d’entreprises chinoises peuvent aider à attirer des entreprises, ils peuvent aider aussi dans des initiatives d’exportation et créer rapidement des emplois.
La Tunisie est bien placée géographiquement et elle possède des ressources. Elle peut de ce fait jouer le rôle de hub.
Un extrait de l’interview est disponible dans le Mag de l’Economiste Maghrébin n 858 du 7 au 21 décembre 2022.