Alors que la crise en Ukraine reste hautement incertaine, le choc inflationniste et de pénurie des matières premières a fragilisé les équilibres budgétaires de tous les pays émergents. La hausse infernale des prix suscite des resserrements monétaires plus massifs et plus précoces. Ce qui conduit à une baisse de croissance.
La Tunisie se retrouve parmi les pays lourdement touchés par la crise en Ukraine. L’impact direct reste la hausse des factures des importations énergétiques et des matières premières. Le coût pour l’Etat, c’est la subvention supplémentaire qu’il a supportée au cours de l’année au titre de ces produits. Ses espérances d’un minimum d’équilibre budgétaire se sont évaporées.
Les chiffres
De plus, il faut tenir compte de l’effet de change. Toute augmentation ou baisse d’un dollar dans le prix du baril signifie un coût additionnel dans les dépenses de compensation de 137 MTND. En même temps, toute appréciation de 0,010 TND dans la paire USD/TND coûtera des charges de compensation supplémentaires de 51 MD.
Au niveau des matières de base, le gouvernement respectait à la lettre le plafond ciblé, soit 3 771 MD. Ainsi, aucune dépense supplémentaire n’a été engagée. Certes, cela causa des pénuries au cours de l’année pour quelques produits, mais du point de vue budgétaire, c’était parfait.
En revanche, l’Etat supportait des subventions supplémentaires de 4 737 MD au titre des carburants. Soit la facture la plus chère dans l’histoire du pays. En détail, la hausse du baril impactait l’enveloppe initiale à hauteur de 3 494 MD.
A cela, il fallut ajouter l’impact du dollar (867 MD) et le coût des non- augmentations des prix à la pompe (686 MD). Il y a aussi des gains de 310 MTND grâce à une consommation moins forte que prévu.
La flambée des cours du pétrole et la crise du gaz en Europe permettait à la Tunisie d’encaisser des revenus inédits du Gazoduc qui traverse ses terrains vers l’Italie : 1 527 MTND; soit 868 MD de plus que les prévisions. Les revenus de commercialisation des carburants ont surpassé les prévisions de 294 MD.
Coûts cachés
En matière d’endettement, et puisque l’encours de la dette souveraine se libelle majoritairement en Euro (55,6 % fin 2021), les mouvements sur le marché de change furent favorables.
En effet, nous avons pu économiser 219 MD dans les remboursements effectués au cours de l’exercice. Par contre, les charges financières relatives aux financements extérieurs augmentaient de 162 MD. Et ce, suite à l’augmentation du LIBOR et les intérêts sur le crédit auprès de l’Afreximbank au cours de l’exercice.
Ainsi, l’impact budgétaire est de 3 518 MTND. Sachant que le remboursement du principal de la dette n’entre pas dans les calculs.
Mais l’autre coût, plutôt caché, est la forte révision à la baisse de l’enveloppe des investissements publics pour 2022. Il est de l’ordre de 616 MD. L’impact se répartit sur plusieurs années, avec un manque à gagner en termes de points de croissance.
En outre, il y a aussi le grand déséquilibre de la balance commerciale. Sur les onze premiers mois de 2022, le déficit commercial s’établit à -23 281 MTND, du jamais vu. C’est 8 627 MD de plus par rapport à la même période en 2021. L’effet volume reste limité. L’essentiel provient de l’explosion des importations en valeur.
Cette situation poussa la Banque Centrale à augmenter ses taux. Ce qui impacta les intentions d’investissements. Ainsi, pour rétablir les équilibres macroéconomiques, le gouvernement est obligé à des mesures qui ne sont pas en faveur de l’entreprise et du consommateur local. Ce coût d’opportunité ne peut être mesuré actuellement. Mais il est certainement aussi important que ce qui a été décaissé jusqu’à l’instant.