Un fait inédit dans l’histoire des élections en Tunisie. En effet, les législatives anticipées qui se déroulaient le 17 décembre 2022 enregistrent un faible taux de participation de 8,8 % selon l’ISIE. Soit le taux le plus faible depuis les élections de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Un chiffre têtu qui interpelle à plusieurs titres et qui mérite d’être décortiqué à la lumière de la situation politico-sociale en Tunisie.
Ce taux de participation aux législatives vient tout d’abord déconstruire le fondement de l’esprit politique de Kaïs Saïed. Puisque, depuis sa première apparition médiatique, il critique d’une manière virulente les partis politiques sans exception aucune. Ne disait-il pas dit le jour de l’assassinat du leader de la gauche tunisienne Chokri Belaïd, devant l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), en adressant la parole aux députés : « Qu’ils dégagent tous! Ils ont échoué. » Depuis, il se livre à un discours anti-partis politiques. D’ailleurs, il n’a jamais fondé de parti politique. Or, c’est préparer l’abstentionnisme que d’organiser des élections en l’absence des partis politiques.
Le boycott des partis politiques a fait le lit de l’abstentionnisme
Et ce, au point qu’il les excluait même de la loi électorale. Mais le constat éclate au grand jour : il est impossible d’avoir une vie politique sans partis politiques, sans idéologie et sans discours partisans; le rendement et l’efficacité étant une autre paire de manche. Un discours qui rappellerait celui du politologue américain Francis Fukuyama. Ce dernier, en 1992, avançait que c’était la fin de toutes les idéologies politiques. Mais le temps et les événements, plus tard, ne lui ont pas donné raison. L’exclusion des partis politiques déboussole donc les électeurs qui se retrouvent devant des candidats dont la plupart sont des inconnus.
Par ailleurs, le faible taux de participation vient discréditer tous les partis politiques, qu’ils soient au gouvernement ou dans l’opposition. Car les Tunisiens livrés à eux-mêmes— face à un pouvoir d’achat très faible, à la hausse vertigineuse des prix, à la dégradation des services publics, en particulier le transport, la santé et l’éducation- sanctionnent toute la classe politique.
Un discrédit total
Car les Tunisiens n’ont pas trouvé la réalisation des promesses électorales. Ainsi, les élections de 2014 et de 2019 ont montré que les électeurs ne manquent jamais de sanctionner les gouvernants et d’accorder leur confiance à de nouveaux partis politiques. On l’a vu quand les électeurs sanctionnaient la Troïka en votant pour Nidaa Tounes en masse en 2014. Ou quand les électeurs sanctionnaient Nidaa Tounes et compagnie en 2019 en votant pour Kaïs Saïed et d’autres partis politiques à l’Assemblée des représentants du peuple. De ce fait, les électeurs tunisiens ne donnent jamais carte blanche, à aucun parti politique.
De plus, le faible taux de participation aux législatives anticipées décrédite l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE). Laquelle semblerait ne pas assumer son rôle comme il se doit. Et pourtant au lieu de se concentrer sur les raisons de l’échec, son président Farouk Bouasker ne trouve pas mieux que d’imputer le faible taux de participation aux législatives à l’absence de financements étrangers et d’argent politique dans la campagne électorale. Par conséquent, en suivant sa logique, tous ceux qui ont voté en 2014 et 2019 ont été soudoyé par de l’argent politique.
Au final, le président de la République Kaïs Saïed, l’ISIE et toute la classe politique sont appelés à revoir leurs copies : leur échec est retentissant.