Estimant que le taux catastrophiquement bas de la participation aux législatives du 17 décembre 2022 est un camouflet au président de la République, dont la légitimité est fortement écornée, et un désaveu de l’ensemble du processus du 25- Juillet, les chefs des partis politiques de l’opposition revendiquent désormais le départ de Kaïs Saïed; ainsi que la tenue d’une élection présidentielle anticipée. Par quel mécanisme? That is the question!
Démission de Kaïs Saïed, annulation des élections législatives du 17 décembre 2022, formation d’un gouvernement d’urgence économique et convocation d’une élection présidentielle anticipée. Telles sont les principales revendications exprimées par une opposition qui n’arrive pas à accorder ses violons; tant l’idéologie et les orientations politiques sont aux antipodes l’une de l’autre. Mais qui se sent boostée par le taux d’abstention record enregistré le jour qui correspond au déclenchement de la révolution. La Tunisie se place désormais derrière Haïti et l’Afghanistan.
Cela dit, cet échec retentissant du processus juilletiste dans son ensemble, lequel à abouti à l’édification d’un système hyper-présidentialiste, est-il susceptible d’ouvrir un boulevard aux détracteurs du président de la République, Kaïs Saïed?
Il est prématuré de se prononcer, tant cette opposition est faible, émiettée à souhait et divisée entre le camp républicain et les forces obscurantistes. Paradoxalement, sa faiblesse et son manque de maturité politique font le lit de l’actuel hôte du palais de Carthage. Même s’il est de plus en plus isolé dans une logique dont même ses partisans les plus fidèles sont incapables de suivre le fil conducteur.
Le scrutin est « une mascarade »
Profitant de cette aubaine, le taux de participation ayant atteint par miracle les 11,22 %, le mouvement islamiste Ennahdha salue le peuple tunisien qui a refusé de participer à « la mascarade » des élections, étant « dénuées de légalité, d’enjeu ou de perspective ». Et ce, dans un contexte « d’abattement et de désespoir que vivent les Tunisiens, du fait de la baisse du pouvoir d’achat, de la hausse des prix, de la pénurie des produits vitaux et de la propagation du chômage ». C’est ce qui ressort du communiqué rendu public dimanche 18 décembre. Lequel estime que le boycott de ce processus « absurde » par plus de 90 % des citoyens, représente « un retrait de confiance de Kaïs Saïed, de son régime et son projet anarchique, fondé sur le pouvoir individuel et l’autoritarisme ».
D’autre part, le parti de Rached Ghannouchi dénonce les propos de Farouk Bouasker « pour les accusations qu’il a dirigées aux anciennes élections, dont il était membre de l’instance. Ainsi que pour avoir sali des millions de Tunisiens en les accusant de corruption ». Tout en fustigeant « un argument de celui qui n’en a aucun et qui s’acharne à blanchir le putsch par tous les moyens ».
« Vacance » du poste du président de la République
Plus radicale et plus tranchante dans ses positions est la présidente du Parti destourien libre, Abir Moussi. Puisqu’elle constatant qu’avec un taux de participation de 8,8 %, les Tunisiens n’ont pas voulu donner « une légitimité à ce scandale ». Et que les élections législatives du 17 décembre 2022 et le processus du 25 juillet « ont échoué ». De ce fait, elle appelle « à annoncer la vacance du poste de président de la République ». En réclamant dans la foulée « l’organisation d’une élection présidentielle anticipée ».
Pour un gouvernement d’urgence économique
Pour sa part, le président d’Afak Tounes, Fadhel Abdelkefi a appelé le président de la République à « écouter le message de son peuple sans arrogance ».
« Le message est clair après le refus de plus de 90 % des citoyens de participer aux élections législatives : le système du pouvoir personnel de Kaïs Saïed est terminé ».
Par conséquent, « il faut arrêter la mascarade des élections et du processus politique qui fait perdre à la Tunisie du temps, des efforts et de l’argent. Alors, il faut mettre en place un gouvernement d’urgence économique avec pour seul souci la vie quotidienne des Tunisiens. Enfin, il est nécessaire d’organiser une élection présidentielle anticipée. Et ce, afin de rétablir une légitimité écornée et relancer l’économie du pays ». Ainsi, s’est-il prononcé dans une vidéo publiée le 18 décembre 2022 sur sa page officielle.
La charrue avant les bœufs?
Enfin, Ahmed Nejib Chebbi, président du Front de Salut national (FSN), dont fait partie le mouvement islamiste Ennahdha, appelle le Président à « quitter ses fonctions immédiatement ». Et ce, après l’annonce d’un taux de participation de seulement 8,8 % au premier tour d’un scrutin organisé pour renouveler le Parlement.
Lors d’une conférence de presse tenue dans la soirée du samedi, 17 décembre, le vieux briscard de la politique a affirmé que les résultats des législatives montrent « une déception du peuple tunisien envers le président de la république. Avec une désaffection à hauteur de 92 % de Tunisiens qui n’ont pas participé au vote ».
« La fonction présidentielle doit être occupée pendant une période courte par un haut magistrat connu pour sa rectitude, son intégrité et son indépendance ». Et ce, pour organiser une élection présidentielle. « Afin qu’un président élu par le peuple prenne les commandes du pouvoir, organise un dialogue national et mette le pays sur une trajectoire des réformes », préconise-t-il.
Or, casse-tête chinois : l’opposition qui réclame désormais son départ semble oublier que, selon la nouvelle Constitution cousue et concoctée par Kaïs Saïed, il n’existe aucun mécanisme juridique pour destituer le Président!