Mascarade… Fiasco… Séisme… Historique… Du jamais vu… Tous les qualificatifs « négatifs » ont été utilisés pour décrire l’impression ayant prévalu chez toutes les Tunisiennes et tous les Tunisiens ou presque. Puisque neuf électeurs sur dix inscrits sur le registre électoral ont refusé de se rendre aux urnes pour voter lors du 1er tour des législatives organisées en ce samedi 17 décembre 2022.
Pourtant, le Chef de l’Etat en personne, en procédant à l’accomplissement de son « devoir électoral », a fait fi du sacro-saint principe du silence électoral. Et ce, en lançant un appel solennel au « vrai peuple » d’aller voter en masse pour ces législatives et faire de ce rendez-vous une opportunité unique dans l’Histoire du pays. Afin de couper l’herbe sous les pieds des « corrompus, des traitres, des comploteurs et de tous ceux qui font saigner les populations honnêtes ».
Malgré ce comportement, non relevé par l’Instance supérieure indépendante des élections (ISIE), les Tunisiens, dans leur majorité écrasante, ont osé désobéir aux « ordres » du Président de la République qu’on continue de présenter comme étant très populaire.
Cinglant camouflet au processus du 25 juillet
Les citoyennes et citoyens, « majeurs et vaccinés » ont agi en leur âme et conscience en adressant un camouflet cinglant à Kaïs Saïed, à son projet et à son processus imposé par les multiples passages en force et sans la moindre participation d’aucune force vive de la nation.
Pour preuve, les observateurs ont eu beau chercher dans les livres d’histoire et les archives à travers le monde entier; mais ils n’ont rien trouvé. Mis à part des cas datant de 1800 et quelque, donc à une époque où il n’y avait ni statistiques, ni sondages, ni chiffres fiables.
Autrement dit, la Tunisie, sous l’ère Saïed a franchi le mur du son grâce à une performance qui restera dans les annales mondiales et qu’on verra, probablement un de ces jours, dans le Guinness des records
Il faut dire que, d’ores et déjà le taux de participation a été tourné en dérision. Plus particulièrement après qu’il est passé, comme par enchantement, de 8,8 % à 11,22 %; soit près de deux points et demi de plus. L’honneur est sauf puisque la barre de 10 % est dépassée! Mais le taux demeure dérisoire et constitue, toujours, un triste record historique international!
Taux de participation tourné en dérision
Sans oublier que certaines parties n’ont pas manqué d’émettre l’hypothèse de probables « modifications de ces taux », rappelant les pédalages survenus lors de la publication des résultats définitifs des votes pour le référendum du 25 juillet 2022!…
Et les réactions à cet événement ont fusé instantanément de toutes parts. Certains appellent à un arrêt du processus du 25 juillet dans sa globalité, à organiser des élections générales anticipées, législatives et présidentielle, mais sans retour au 24 juillet 2021. D’autres ont réclamé, carrément, la démission immédiate de Kaïs Saïed.
Ces appels proviennent pratiquement de toute la classe politique et de toutes les composantes de la société civile dont l’UGTT qui a élevé le ton. Alors que d’autres lui reprochent de s’être manifestée « trop tard » après un mutisme inexplicable depuis début juillet 2022 et une certaine visite de Noureddine Taboubi à Alger, simultanément avec celle du Chef de l’Etat.
L’UGTT réagit, enfin, mais est-ce trop tard?
Ce silence aurait facilité la mission du Président de la République afin de faire passer « sa » constitution, « son » code électoral et la tenue des législatives du 17 décembre. Alors que le peuple ne sait rien encore du second tour, ni des autres élections portant sur la deuxième Chambre des représentants des régions et des districts.
En ces mêmes moments, le locataire du Palais de Carthage nous a sorti « sa » théorie du comptage des taux de participation. En assurant que ce taux se compte selon ceux enregistrés sur l’ensemble des deux tours. Oubliant au passage que le taux du 1er tour ne peut jamais être effacé.
Le comportement de l’ISIE mis à l’index
A inscrire dans les annales, les déclarations des « stars » de l’ISIE, en l’occurrence les Farouk Bouasker, Mohamed Tlili Mansri et la dernière vedette, Maher Jedidi. Lesquelles font l’objet, à chacune de leur sortie, de critiques les plus acerbes et des remarques des plus satiriques. Dans le sens où ils ne ratent pas une occasion pour faire l’éloge du processus mis au point par le Chef de l’Etat qui, il ne faut pas l’oublier, les a nommés à ces postes.
Une remarque de taille. Personne ne sait, même pas les « boss » de l’Instance, comment va fonctionner le prochain parlement. Comment va-t-on pourvoir les sièges vacants? Alors que les cas ne sont prévus par aucun article du Code électoral. Mais on semble oublier que le président Kaïs Saïed, le « constitutionnaliste », a déjà résolu d’autres casse-têtes bien plus complexes.
N’est-ce pas lui, tout seul, qui a écrit le texte de la Constitution d’août 2022 après avoir envoyé les propositions de Sadok Belaïd et d’Amine Mahfoudh aux oubliettes? Qu’il dut remanier, pourtant parue dans le JORT. Il s’est chargé, tout seul aussi, de rectifier les 46 anomalies portant sur le fond et la forme. Ce qui l’avait contraint de déposer son projet rectifié après les délais prévus, plus précisément le 9 juillet 2022.
Retour aux opérations de diversion?!
Et le premier dommage collatéral est celui de la décision d’émettre par le juge d’instruction un mandat de dépôt dans l’affaire des voyages des jeunes dans les foyers de tension et de conflit. Et ce, à peine 24 heures après l’échec des législatives. Alors que le dossier est connu et se trouve entre les mains de la justice depuis belle lurette. Et surtout après la plainte déposée par la présidente du Parti Destourien Libre (PDL) avec plein de documents et même des enregistrements à l’appui.
Les observateurs assurent qu’ils se félicitent de ce début de traitement qu’ils veulent sérieux et non pas comme juste une opération de diversion dans le sens où on aimerait une conduite du procès jusqu’à son terme avec les verdicts qui s’imposent dans la transparence et l’équité dans un sens comme dans l’autre, à savoir la condamnation ou l’acquittement.
Quelle attitude suivront les différents acteurs de la scène nationale
Et on ne peut terminer sans faire mention d’une autre malédiction qui s’abat sur le pays avec l’annulation de l’examen du dossier tunisien par le Fonds monétaire international. Ce qui place notre pays dans de très mauvais draps au niveau économique, financier et social. Surtout en ces moments où la Loi de finances 2023 est encore au stade des « fuites ».
Ainsi, au moment où le FMI « sanctionne » la Tunisie pour son manque de crédibilité, la centrale syndicale est remontée au créneau pour lancer un nouveau bras de fer avec le Gouvernement. Lequel risque d’avoir des coûts aux conséquences trop lourdes pour tous. Alors que les voix à l’étranger commencent à se faire ressentir plus fortement, notamment aux Etats-Unis d’Amérique où l’influent The Washington Post consacre son éditorial sur la « situation et les perspectives préoccupantes » en Tunisie.
C’est dire qu’en ces temps où les projecteurs sont braqués sur notre pays, les différents acteurs de la scène nationale sont appelés à bien peser le pour et le contre de leur attitude à suivre.