Au-delà des débats interminables sur les chiffres de la Loi de Finances (LF 2023), il y a une approche à analyser.
Le problème de fond c’est que l’Etat d’une part, et les autres opérateurs économiques privés d’autre part, poursuivent des objectifs qui divergent de plus en plus. Nous sommes confrontés à un conflit d’intérêt qui risque de faire mal à l’économie à long terme. Bien que le texte final de la LF 2023 comporte de bonnes mesures pour certains secteurs, les critiques ont concerné le tour de vis fiscal. Les pénalités ont été aggravées, les délais de dépôts des déclarations mensuelles réduits, la TVA et l’impôt sur les sociétés révisés à la hausse pour certaines activités.
Certes, les techniciens du Ministère des Finances sont conscients que ces décisions vont mettre les entreprises sous pressions. Elles pourraient même les contraindre à des mesures contre-productives. Mais, ces mêmes techniciens ont une obligation de résultats immédiats.
D’abord, il y a le FMI qui demande aux autorités de mobiliser le maximum de ressources propres, autrement dit fiscales. Même s’il y a l’intention de céder des actifs à titre d’exemple, cela prendra des mois, voire des années, sans compter les problèmes sociaux qui vont en découler.
Le seul moyen qui permet de réaliser des rentrées d’argent sans fournir plus d’efforts est l’outil fiscal. La cible la plus simple est la population qui visite chaque mois les recettes des finances.
« Bien que le texte final de la LF 2023 comporte de bonnes mesures pour certains secteurs, les critiques ont concerné le tour de vis fiscal »
Les mesures qui visent l’intégration de l’économie parallèle ne peuvent pas donner une satisfaction rapide. Pour compenser cela, l’accent sera mis sur la digitalisation et l’exigence de la régularisation de la situation fiscale pour bénéficier de certaines prestations.
En second lieu, l’Etat pense à son endettement. Plus il récupère rapidement ses recettes, plus il interviendra moins sur le marché des Bons de Trésor. Encaisser les taxes au plus tard le 15 de chaque mois au lieu du 28 lui permettra d’avoir un tableau de bord plus clair et de payer moins de charges financières.
Enfin, il y a une pression politique. Le gouvernement ne peut pas se permettre des retards dans le versement des salaires ou de délaisser définitivement les entreprises publiques.
Avec toutes ces critiques, il doit faire preuve de sa capacité à assurer les matières de première nécessité à la population. Avec la rationalisation progressive des subventions, il n’a pas plus d’excuses pour un manque d’un ou plusieurs produits. Et pour assurer tout cela, il a besoin de renflouer ses caisses.
Les entreprises : saisir les opportunités
Pour les entreprises, cette approche risque de les asphyxier. Désormais, elles auront un BFR normatif plus importants à couvrir. Est-ce qu’elles pourront avoir de nouvelles ressources auprès des banques pour le financer? L’arbitrage entre un retard de déclaration et emprunter n’a plus de sens avec les nouveaux coûts de pénalité.
Conjuguer toutes ces décisions avec le contexte économique, inflationniste et à forts taux d’intérêt, ne peut aboutir qu’à l’effritement du pouvoir d’achat, donc une plus faible consommation.
Pour qui produire alors? Le rythme des nouvelles créations d’entreprises devrait décélérer en 2023, les investisseurs espérant une meilleure visibilité. Il ne faut pas oublier que le flou dans le sort du dossier tunisien avec le FMI jette déjà beaucoup d’incertitude sur la soutenabilité de la dette souveraine.
Les entrepreneurs cherchent, généralement, des avantages fiscaux, des lignes de financements à taux préférentiels, des assouplissements de la part de l’administration. La philosophie actuelle de l’exécutif est dans la réduction de ces fenêtres Ce qui risque de réduire l’attractivité du pays. Les rapports économiques des ambassades européennes et des chambres mixtes sont certainement peu favorables à la Tunisie.
Ce que nous allons observer ce sont des investissements au minimum syndical, de remplacement ou des réalisations de chantiers déjà entreprises en 2022.
Comment s’en sortir ?
Il n’existe pas plusieurs voies pour résoudre cette crise de confiance. Il faut un dialogue entre les différentes parties prenantes pour trouver le juste équilibre. Le tableau de bord actuel exige des sacrifices de la part des Tunisiens. Le pays ne pourra pas échapper à des décisions douloureuses qui coûteront cher aux citoyens.
Cependant, il faut donner une feuille de route claire, à horizon raisonnable, qui explique comment cela leur permettra de vivre mieux dans l’avenir.
La LF est maintenant un fait et il serait difficile de la changer. Mais il est encore temps pour rétablir l’espoir pour le Tunisien en un futur meilleur. C’est la tâche la plus urgente actuellement.