Alors que les restitutions d’avoirs tunisiens mal acquis et planqués à l’étranger sont toujours au point mort; l’Algérie a réussi à saisir l’équivalent de 20 milliards de dollars sur les fonds détournés par les oligarques et personnalités politiques proches de l’ancien régime de Bouteflika.
C’est un sacré cadeau offert aux Algériens en cette fin d’année. « L’Etat algérien a saisi l’équivalent de 20 milliards de dollars sur les fonds détournés par les oligarques et personnalités politiques proches de l’ancien régime; et ce, après leur condamnation à la prison pour corruption ». C’est ce qu’a annoncé le président Abdelmadjid Tebboune. Lors de la campagne pour la présidentielle de décembre 2019 en Algérie, il en avait fait l’une de ses principales priorités. A savoir : la récupération des biens détournés par les hauts responsables politiques et hommes d’affaires sous l’ère de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika, décédé en septembre 2021.
Détournements massifs
En effet, lors d’une récente rencontre avec des journalistes algériens diffusée par toutes les chaînes de télévision et de radio publiques, M. Tebboune soulignait que beaucoup d’argent « dort dans des caves souterraines ». Ajoutant que les détournements « massifs » ont duré plus de 12 ans et que la grande majorité de ces fonds « ont pris la direction de la Suisse, du Luxembourg et des Iles Vierges aux Caraïbes », réputés pour être des paradis fiscaux très opaques (NDLR).
« Certains pays européens avec lesquels nous avons de bonnes relations ont collaboré avec nous dans la procédure de la récupération de cet argent. Ils sont même prêts à transférer ces biens au Trésor public algérien. Mais cela doit passer par des procédures légales », a déclaré le chef de l’Etat algérien.
Et de préciser : « Des hôtels dont des établissements 5 étoiles et d’autres biens de grande valeur font partie des cibles de la justice algérienne. La majorité des pays européens nous ont informés officiellement qu’ils procéderont au transfert de ces biens une fois les procédures terminées. »
Cela dit, avouait-il, « ce n’est pas facile de tout récupérer, mais nous ferons notre possible afin de reprendre tous nos biens ».
Il a lieu de rappeler qu’au lieu d’annoncer le montant récupéré en dinars algériens, le président algérien a préféré la monnaie américaine, probablement pour mieux frapper les esprits?
En effet, cette somme faramineuse récupérée sur les fortunes des hommes politiques, des généraux et les oligarques algériens, correspond à l’estimation des biens immobiliers et meubles, ainsi que des comptes bancaires saisis par la justice algérienne suite à leur condamnation pour corruption, de détournement de deniers publics.
Des chiffres qui donnent froid dans le dos
Mieux. Selon le ministre algérien de la Justice, Aderrachid Tebi, dans ces 20 milliards de dollars de biens saisis, figurent, entre autres, pas moins de : 4 213 biens immobiliers (211 villas de luxe, 1 497 logements haut standing, 21 complexes touristiques…); 23 000 biens meubles (avions, bateaux, bus et camions, voitures de luxe…); 401 biens industriels (usines de ciment, aciéries, unités de montage automobile, unités agroalimentaires..). Ainsi que : 229 grands périmètres agricoles ayant des superficies comprises entre 5 000 et 15 000 hectares; 6.500 comptes bancaires et titres bancaires. S’y ajoutent de l’argent liquide, des bijoux, des montres de luxe, etc.
« Ces saisies illustrent l’ampleur de la corruption de la classe dirigeante algérienne, surtout que tous ces biens n’ont été saisis qu’en Algérie. Alors qu’une grosse partie de la fortune des oligarques, personnalités et généraux proches de l’ancien régime a été planquée à l’étranger, notamment aux Etats-Unis et en Europe (France, Espagne, Italie, Royaume-Uni…). Mais aussi dans des paradis fiscaux ». C’est ce qu’ ajoute le garde des Sceaux algérien.
Or, s’il est aisé de saisir les biens des oligarques, hommes politiques et généraux emprisonnés en Algérie; ceux planqués à l’étranger sont très difficiles à récupérer. Car étant éparpillés dans plus d’une trentaine de pays avec des législations différentes. La justice algérienne a eu beau délivrer 220 commissions rogatoires et demandes d’entraide judiciaire au niveau de plus de 30 pays, ces pays trainent manifestement les pieds pour des raisons évidentes.
Pillage systématique
Rappelons enfin, que durant les années 2017 et 2018, des chefs de partis d’opposition et l’opinion publique algérienne posaient inlassablement la question de savoir : où sont passés les 1000 milliards de dollars récoltés par le pays de ses ventes des hydrocarbures durant les 20 ans de la présidence de Bouteflika?
C’est dire le volume du pillage systématique de la richesse nationale durant les deux dernières décennies, sous le règne de l’ancien régime. Effrayant.