La bonne gestion des ressources financières publiques est une condition pour qu’un Etat soit durable. Si la nature donne à un pays une richesse naturelle tarissable, il est nécessaire qu’une partie soit épargnée et investie au profit des générations futures. C’est la raison d’être des fonds souverains.
En Tunisie, il y avait une tentative dans ce sens. Les recettes de la privatisation de certaines entités, notamment celles de Tunisie Télécom, ont été mises à part. Mais la mauvaise gestion de la période post-révolution a fait que ces milliards de dinars se sont évaporés en un clin d’œil, pour financer des dépenses courantes et des augmentations salariales.
Les ressources sont là
Comment un pays comme la Tunisie peut-il trouver les ressources pour constituer un fonds souverain ? Nous ne sommes pas un pays pétrolier. La réponse est simple : nous exportons des phosphates, du pétrole et leurs dérivés. Si nous prenons les chiffres de l’INS et de la BCT, nous constatons que sur la période 1970-2020, nous avons exporté des phosphates et des engrais pour 40,076 milliards de dinars, et du pétrole et dérivés pour 60,948 milliards de dinars. En tout, c’est plus de 101 milliards de dinars d’exportations en 50 ans. Ce n’est pas rien.
Imaginons maintenant que, tout au long de ce demi-siècle, nous ayons investi 10% de ces recettes dans un fonds souverain. Nous aurions donc aujourd’hui plus de 10 milliards de dinars dans ce fonds. Nous aurions pu ajouter les 5 milliards qui existaient déjà grâce aux privatisations. N’oublions pas que ces recettes sont en devises. Le pays aurait pu avoir un rendement constant sur la période, et le chiffre de 6 à 7 milliards de dollars aurait pu être disponible aujourd’hui, l’équivalent de nos réserves en devises.
Un soutien de taille pour les finances publiques
Avoir de telles recettes aurait permis de galvaniser la santé financière de l’Etat. Notre notation aurait pu être totalement différente si nous disposions d’une telle épargne nationale.
L’accès aux marchés internationaux aurait été plus facile et moins coûteux. Nous ne serions pas dans la situation actuelle, effrayés que le FMI n’accepte pas de nous prêter 1,9 milliard de dollars sur quatre ans.
Les fonds souverains sont bien vus par les institutions financières internationales. Ils comptent parmi les institutionnels les plus importants sur les marchés financiers. Le fait qu’ils soient détenus, gérés et contrôlés par des nations indépendantes et qu’ils n’aient que des besoins limités en matière de financement est un facteur clé. Ils sont considérés comme un facteur de stabilité et de soutien aux finances publiques en cas de besoin.
Nous aurions pu lancer de vrais projets d’envergure dans le cadre de PPP, attirer des investisseurs étrangers et transformer nos entreprises publiques.
Le passage à une économie verte aurait été lancée depuis longtemps et l’investissement public, condamné à 5 millions de dinars, aurait été beaucoup plus important et impactant.
Le dinar n’aurait pas connu une glissade aussi importante depuis 2011, évitant une bonne partie des problèmes inflationnistes et les trous de la balance énergétique.
Condition sine qua non de bonne gouvernance
Reste à préciser que cela nécessite aussi une gouvernance indépendante des ego politiques des dirigeants. Un fonds souverain n’est ni un fonds de pension public (dont les ressources proviendraient des cotisations) ni un fonds de réserves (pour soutenir la monnaie au change). C’est une entité dont les ressources sont constituées d’avoirs de réserves gérés distinctement des réserves de change officielles des autorités monétaires.
Une telle structure relève de l’intérêt supranational qui dépasse tous les intérêts personnels. Nous pouvons le faire et le meilleur exemple est la Caisse des dépôts et consignations qui a réussi, en peu de temps, à contribuer au développement du pays. Sujet à débattre, probablement en 2023.