Convoqué par la Justice dans une sombre affaire liée au terrorisme, l’insubmersible Ahmed Nejib Chebbi se dit prêt à aller jusqu’au bout. Quitte à recourir à la désobéissance civile face à une Justice qu’il considère « de nouveau aux ordres du pouvoir ».
Ahmed Nejib Chebbi, 78 ans, un militant authentique sous la dictature, mais dont l’image est brouillée par une proximité douteuse avec les islamistes d’Ennahdha et leurs sbires d’Al Karama, se retrouve au cœur d’une cabale judiciaire liée à une affaire de terrorisme. Ira-t-il jusqu’à la désobéissance civile, lui le ténor du barreau qui connait si bien les arcanes des palais de justice?
Ahmed Nejib Chebbi : « Abir Moussi veut réinstaurer la dictature »
Retour en arrière. Le président du Front du salut national (FSN) avait prononcé le 25 décembre 2022 un discours au cours d’un sit-in de manifestation tenu par le Front à Bizerte. Il s’y est lâché contre la présidente du PDL, Abir Moussi, en évoquant « la culture autocratique de Abir Moussi et sa volonté de se venger de la révolution tunisienne. Et ce, pour réinstaurer la dictature, comme au temps de l’ancien président, Zine El Abidine Ben Ali ».
Puis, il ajoutait que la cheffe du parti destourien « traîne tous ses opposants devant les tribunaux et dépose des plaintes contre tous ceux qui ne sont pas d’accord avec ses opinions ».
Accusations gravissimes
Deux jours plus tard, Abir Moussi s’empressa de déposer une plainte en date du mardi 27 décembre contre Ahmed Nejib Chebbi, Ridha Belhaj, Jawhar Ben Mbarek, Chaima Aissa et Moncef Marzouki, tous membres du FSN.
Le même jour, elle expliqua sur les ondes de la radio IFM que ces plaintes sont portées contre les personnalités politiques sus-indiquées « pour adhésion à une entente comportant des personnes et partis en lien avec des infractions terroristes et fourniture d’un lieu de réunion de collecte de fonds à cet effet ».
Des accusations sont gravissimes et tombent sous le coup de la loi organique n° 2015-26 du 7 août 2015, relative à la lutte contre le terrorisme et la répression du blanchiment d’argent.
Convoqué par la Justice suite à cette plainte, l’intéressé fait observer qu’« en 24 heures, la Justice a pris la décision de nous poursuivre sans examiner la nature même de la plainte». Ajoutant que les quatre personnes visées par la plainte « sont accusées, entre autres, de financement du terrorisme ».
En effet, s’exprimant hier mardi 3 janvier 2023, lors d’un point de presse, M. Chebbi avait pris à partie le procureur de la République. Ce dernier, selon lui, « n’avait pas pris la peine de vérifier les faits et avait directement ordonné une instruction. « Ceci n’est que mise en scène. Nous refusons d’en faire partie. Nous ne jouerons pas à ce jeu », s’est-il écrié. En accusant le pouvoir en place « d’avoir instrumentalisé la plainte déposée par Abir Moussi » et cette dernière « d’avoir préparé le terrain pour le putsch du président de la République Kaïs Saïed ».
Défi
« Les magistrats sont appelés à assumer leurs responsabilités. Ils ne sont pas des fonctionnaires à la présidence de la République » a-t-il dénoncé. En affirmant que « Kaïs Saïed pense qu’il est porteur d’un message divin. Pour lui, tout opposant est un criminel », ajoute l’intervenant.
Et de tonner d’une voix homérique : « Même si je suis emmené par la force, je ne répondrai pas à la convocation. Je ne prononcerai pas un mot et je ne répondrai à aucune question jusqu’à ce que le jugement soit prononcé ».
Pour sa part, l’activiste politique Ridha Belhaj, également convoqué par la Justice, a soutenu qu’il s’attendait à de telles poursuites. Et ce, après que le président de la République a annoncé vendredi dernier « détenir une liste de personnes qu’il compte poursuivre en justice ». Et aussi après que Abir Moussi a déposé une plainte contre des dirigeants du FSN. « Tous les deux œuvrent pour un agenda identique, contre la révolution et visant à faire tomber l’expérience démocratique en Tunisie […] Abir Moussi est derrière le coup d’État qu’elle a préparé pour Kaïs Saïed», indiquait-il encore.
Le président Saïed, prédit-il enfin, « s’agite car il vit les derniers moments de son règne…». Facile de prendre ses désirs pour des réalités.