Les avocats, qui organisent ce jeudi une journée de colère, en signe de protestation contre la Loi de Finances 2023, sont souvent perçus par une bonne partie de l’opinion publique comme une corporation privilégiée qui rechigne à s’assujettir à la justice fiscale. Cette impression est-elle fondée? Le Bâtonnier de l’Ordre des avocats, Hatem Mziou, s’en défend.
Le passé explique le présent. Ainsi, exaspéré notamment par la Loi de Finances 2023, laquelle impose à partir de cette année une TVA à 19 % au lieu de 13 % aux professions libérales dont les avocats, les notaires et les huissier-notaires, l’Ordre des avocats organise aujourd’hui, jeudi 5 janvier, une journée de colère au Palais de Justice de Tunis; ainsi qu’au siège de l’Ordre et de ses sections régionales. Une occasion pour réaffirmer sa détermination d’aller jusqu’au bout de l’escalade; à défaut de réactivité du gouvernement actuel.
Pour rappel, il a six ans, les avocats menaçaient de recourir à la grève générale si le gouvernement maintenait le projet de loi de Finances 2017 qui leur imposait de payer des timbres fiscaux d’une valeur de 20, 40 ou 60 dinars selon leurs activités. Et ce, en tant qu’avance déductible de l’impôt sur le revenu. Une disposition censée remplacer les acomptes provisionnels basés sur les revenus de l’année précédente.
En face, le gouvernement de Youssef Chahed haussait le ton et accusait la corporation de contourner le fisc. Arguant que selon les chiffres officiels, la majorité des avocats enregistrés ne sont en effet pas « en règle ». Et ce, vu qu’ils « n’ont pas déclaré leurs revenus ». A savoir une procédure obligatoire chaque année, y compris pour ceux qui ne génèrent aucune rentrée d’argent.
Janvier sera chaud
Même scénario en ce mois de janvier traditionnellement très chaud? En effet, prenant pour cible la loi de Finances 2023, unanimement contestée, le Bâtonnier de l’Ordre des avocats, Hatem Mziou, affirme que les avocats n’ont pas été impliqués dans l’élaboration de la LF 2023. Et ce, contrairement aux dires de la ministre des Finances, qui affirmait que ladite loi a été élaborée selon une approche « participative ».
Les dispositions inscrites dans LF 2023 sont « inacceptables ». Car, « elles s’inscrivent dans le prolongement des politiques des gouvernements précédents soumis aux sujétions et diktats du FMI. Lesquelles comparent la situation du barreau tunisien à celui des pays avancés, notamment les Etats-Unis ». Or, a-t-il fait observer, « ce sont deux situations totalement différentes. Le système anglo-saxon est différent de celui francophone que nous avons hérité de la colonisation française ».
Au service de la veuves et de l’orphelin
Lors d’un point de presse tenu mercredi 4 janvier à la Maison de l’avocat, le Bâtonnier a, d’autre part, fustigé la batterie de prélèvements fiscaux « arbitraires » visant les professions libres. Il a également dénoncé la révision à la hausse de la TVA. Laquelle passe de 13 à 19 % pour les avocats. Alors qu’elle est restée à 7 % pour les professions libérales, excepté pour la médecine esthétique. Pointant du doigt « ses incidences négatives sur le citoyen et son pouvoir d’achat ».
A ce propos de ce dernier point, ajoute le président du Conseil national de l’Ordre, « la TVA est un impôt indirect qui n’est pas payé par l’avocat, mais par ses clients ». En effet, souligne-t-il, « les avocats plaident, pour la plupart, la cause des couches faibles et démunies. Et ce, dans des affaires de divorce, de pension alimentaire, d’accidents du travail etc. Ils ne perçoivent même pas une avance ».
Ainsi, « les catégories faibles et démunies ont de plus en plus du mal à accéder à la justice. Et elles perdent donc leurs droits, à cause de leurs conditions sociales difficiles et de la cherté de la vie », conclut-il.
Les avocats, des évadés fiscaux?
Il souligne d’autre part que la hausse des impôts privera « les groupes vulnérables » du droit d’accès à la justice. Accusant le gouvernement de « ternir » l’image des professions libérales « en les taxant d’évasion fiscale ».
Et d’enfoncer le clou : « Les lois de Finances qui se sont succédé depuis 2016 comportent une atteinte annuelle aux professions libérales, notamment aux avocats. De même qu’elles portent préjudice à leur réputation. Et ce, en les présentant comme étant des évadés fiscaux qui ne paient pas l’impôt. »
De plus, le Bâtonnier déplore la situation difficile du barreau, une profession qui accueille chaque année 300 jeunes avocats. « Ajoutant à cela l’arrivée des magistrats retraités à la profession ».
Abordant enfin la situation sociale et économique qui est « au bord de l’explosion », Me Hatem Mziou estime, implacable, que le gouvernement Bouden « est dépourvu de vision ».
Alors, il y a lieu de craindre un bras de fer entre, d’une part le gouvernement lequel, au nom de justice fiscale, est acculé à tenir bon, de crainte d’ouvrir la boite de Pandore aux revendications des uns et des autres. Et d’autre part, l’Ordre des avocats qui, sous l’impulsion de la nouvelle équipe fraîchement élue, pourrait être happé dans une dangereuse escalade. La désobéissance civile?