Au-delà du déficit commercial colossal de 25 216 MTND en 2022, il y a quelques conclusions à tirer des statistiques publiées ce matin.
Elles peuvent être retenues comme directives pour bâtir les politiques publiques en matière de commerce extérieur.
L’Union Européenne, le poumon de la Tunisie
Encore une fois, la balance des échanges avec l’Union Européenne (UE) est en notre faveur. Elle est excédentaire de 2 293 MTND. Avec la France, les flux sont bénéficiaires de 4 432 MTND. Idem pour l’Allemagne avec nous avons un solde positif de 2 944 milliards de dinars. Parmi nos principaux partenaires, nous affichons un déficit avec l’Italie (-2 302 MTND) et l’Espagne (772 MTND). Ceux qui pensent donc que la solution pour sauver l’économie tunisienne est de suspendre l’accord de libre échange avec l’UE doivent bien réviser leur version, examiner ces chiffres et en rajouter un autre : ce bloc économique absorbe 65,7% de nos exportations. Sans ce partenariat, la Tunisie aurait été à l’arrêt depuis longtemps.
L’Afrique Subsaharienne, ne rêvons pas
Avec l’Afrique Subsaharienne, nous sommes également excédentaires, mais seulement de 537 MTND. Nous n’avons vendu pour les pays de cette région que des marchandises d’une valeur de 1 541 MTND, soit 2,7% de nos exportations totales. Ce n’est pas totalement dû à des problèmes logistiques, mais aussi d’offre et de présence géographique. C’est une série de faiblesses structurelles que les efforts des organisations telle que l’UTICA, la CONNECT ou la TABC ne sont pas suffisants pour réduire. La solution est la mise en œuvre d’une politique publique qui prioritise le continent, sans délaisser les autres partenaires. Ceux qui pensent que l’Afrique est capable de remplacer l’Europe doivent se rappeler que nos exportations vers ces pays ne représentent que 3,9% de celles envoyées à l’UE.
Le Maghreb, l’opportunité ratée
Le volume du commerce avec les pays de l’UMA dépasse de loin celle avec l’Afrique Subsaharienne : 4 385 MTND d’exportations et 5 879 MTND d’importations, dont 4 929 MTND de l’Algérie, donc principalement des carburants. Nous sommes exportateurs net avec la Libye et le Maroc. Imaginons qu’il y avait une vraie union économique et qu’aucune barrière n’existait.
La complémentarité entre les pays de la région est un cas d’école. Nous aurions pu accéder à un large marché qui a la même culture et les mêmes habitudes que les nôtres. Nous aurions pu trouver des accords pour des transactions en monnaies locales et alléger les pressions sur nos réserves en devises. Au lieu de se focaliser sur l’Afrique, il vaut mieux redonner vie à la structure de l’UMA qui nous fera gagner des points précieux de croissance.
Les Etats-Unis, le marché oublié
La première puissance économique du monde, les Etats-Unis ne pèse que peu dans les flux commerciaux : 2,4% des exportations et 2,9% des importations.
Théoriquement, nous pouvons tisser des liens aussi solides que ceux avec les européens. La géographie n’est pas aussi favorable, mais si nous parvenons à mettre en place la logistique nécessaire, notamment en matière de transport maritime, nous avons un vrai potentiel à exploiter.
Comme l’Afrique, cet axe doit figurer parmi les priorités de l’exécutif et c’est même moins compliqué. Une entreprise qui arrive à respecter les différentes normes imposées par l’UE a tous les moyens pour entrer dans le marché américain. De plus, cela nous ouvre les portes des marchés limitrophes, comme le Canada et le Mexique, ainsi que celui des pays du Golfe.
La Chine, problème d’offre
Les 8 665 MTND de marchandises importées de la Chine ne sont pas le problème. Nous importons autant de la France et beaucoup plus de l’Italie. Nous peinons à contrôler le gap par des importations, et donc trouver une vraie offre intéressante pour les chinois. Les mouvements des taux de change, avec l’envolée du dollar, ont rendu la facture salée.
A court, moyen et même long termes, nous ne voyons pas comment réduire significativement ce trou. Pratiquement, nous n’avons pas les moyens d’y agir. La solution est de négocier avec Pékin la possibilité de convertir une partie de ce déficit en investissements direct en Tunisie. Les chinois ne seront pas contre cette idée.
Revenir à des chiffres plus homogènes avec la taille de l’économie tunisienne est obligatoire. Il n’est pas logique de rester à la merci des institutions financières internationales alors que nos demandes de financement sont inférieures à notre déficit commercial.