Le credo du président de la République, Kaïs Saïed ? Il n’y a point de pénurie dans les matières de première nécessité. Criant au complot, il soupçonne, « ceux qui ne peuvent exister que dans un climat de crise », d’orchestrer une campagne visant à « exacerber la situation ». Des arguments fort discutables.
Le président de la République, Kaïs Saïed ne cessera donc jamais de nous surprendre. Pourquoi choisit-il systématiquement une heure tardive de la nuit pour ses virées nocturnes dans les quartiers populaires? Souffre-t-il de somnambulisme?
Théâtre de l’ombre
Vous n’y êtes pas. Car, le chef de l’Etat veut « s’enquérir sur place des préoccupations des citoyens » dans les quartiers défavorisés. Et ce, contrairement à ses détracteurs qui eux « se rassemblent devant le théâtre municipal où ils sont en train de jouer le rôle que leur dicte le metteur en scène qui se cache derrière le rideau et les manipule comme des marionnettes ».
Qui est le metteur en scène qui manipule ses partisans comme des « marionnettes » dans un théâtre de l’ombre? S’agit-il de son ennemi juré, le gourou de Montplaisir et de ses sbires du Front de salut national? Comme à l’accoutumée, le Président s’amuse au jeu, devenu lassant, des devinettes.
En effet, après sa virée nocturne à la veille du du Nouvel An à la cité Entilaka où il fut accueilli chaleureusement en sa qualité de weld el houma (enfant du quartier ndld.), le locataire du palais de Carthage a choisi de se rendre cette fois-ci à une heure tardive du mardi 10 janvier 2023, à Bab Mnara et Bab Jedid. A savoir deux quartiers qui se nichent au cœur de la Médina et dont les cafés et les gargotes de lablabi sont ouverts jusqu’à l’aube.
De l’art de vendre les rêves
Ainsi, dans une vidéo publiée par la présidence de la République dans la nuit du mercredi 11 janvier 2023, l’on voit Kaïs Saïed déambuler dans ces vieux quartiers, discuter avec quelques jeunes attablés dans un café à Bab Mnara. Lui parlait et eux écoutaient religieusement.
Quelles sont les doléances de ces jeunes, visiblement en état de chômage, vu qu’ils trainaient dans les cafés à une heure du matin pour « tuer le temps »? Pour réponse, le visiteur de la nuit les incitait « à garder espoir et à travailler pour réaliser leurs rêves ». Hélas, qu’avait-il à leur offrir comme perspectives pour l’avenir, hormis justement des rêves!
Rupture
Et quelle tristesse de voir dans la vidéo transmise par la présidence de la République l’image d’un jeune homme, habillé en jaune et accoudé tranquillement à une table du café, l’air dubitatif. Son visage reflétait toute la tristesse du monde. Surtout, il incarnait la terrible rupture entre les jeunes et les hommes politiques.
La lanterne de Bab Mnara
Entretemps, poursuivant sa descente nocturne, le chef de l’Etat n’a pu résister au plaisir de nous faire un cours d’histoire sur l’historique de la célèbre lanterne de Bab Mnara. En faisant référence au Kendil Bab Mnara qui n’illuminait jadis que les étrangers qui vivaient derrière les enceintes de la Médina. Alors qu’à l’intérieur les citadins restaient dans l’obscurité dès le coucher du soleil.
Déni de Kaïs Saïed
Mais le clou de la soirée fut l’échange avec un couple de cafetiers sur les pénuries de produits de première nécessité. Encore une fois, le président de la République persiste à affirmer que tous les produits de base sont disponibles sur le marché et que les pénuries sont « orchestrées ». Imputant la rareté notamment du lait, sucre et café « à ceux qui ne peuvent exister que dans un climat de crise ».
Tout est disponible, insiste le Président, « mais c’est une opération délibérée pour exacerber la situation et fermenter des crises ». Signalant au passage « que cette situation n’a pas de précédent même dans les années soixante. Quoique juste après l’indépendance, la Tunisie disposait de peu de moyens ». Certes, il y a du vrai dans tout cela, mais ce n’est que la partie apparente de l’iceberg.
Et si on révélait la vérité au peuple?
Bien entendu, on ressort la rengaine classique du complot, de la corruption, de la spéculation. Alors qu’il était plus simple d’avouer que les caisses de l’Etat sont vides et que nous manquons cruellement de liquidités pour payer nos fournisseurs.
Alors, quel mal y a-t-il M. le Président à dire la vérité au peuple adulte et vacciné? N’est-il pas temps d’avouer aux Tunisiens qu’il n’a à leur offrir « que du sang, du labeur, des larmes et de la sueur »? Mais c’était du temps de Winston Churchill!