La situation de la Tunisie a été décryptée dans une note élaborée par la Direction des Études Économiques de la banque française Crédit Agricole intitulée « L’effondrement d’une démocratie balbutiante ».
Les analystes du géant français Crédit Agricole ne voient pas d’un bon œil ce qui se passe de l’autre côté de la Méditerranée. Ils considèrent que le taux de participation au référendum constitutionnel de seulement 30% est « anémique », mais « avait quand même permis le changement de Constitution. Celle-ci a consacré la mise en place d’un régime présidentiel et a donné des pouvoirs étendus au président sur la justice et le gouvernement ».
Des élections décevantes
« La nouvelle Constitution a profondément changé le système électoral. L’organisation institutionnelle est désormais bicamérale avec : une « Assemblée nationale » de 161 représentants candidats individuels hors listes de partis politiques, élus nominativement pour cinq ans ; et une chambre haute l’ »Assemblée nationale des régions et des districts », dont les représentants seront élus indirectement par des conseils régionaux à une date ultérieure ».
Quant au 11% de participation au premier tour des législatives, il est qualifié de « calamiteux » et « illustre le désintérêt total de la population tunisienne à participer à ce qui pourrait s’apparenter à une élection vidée de sa substance, le pouvoir du Parlement ayant été considérablement réduit ».
La note ajoute que « le nouveau système électoral exclut de facto les partis politiques qui ne peuvent plus présenter de listes globales. Aucune tendance politique ne devrait donc se dessiner au Parlement puisque les grands partis sont exclus. […]. Ce résultat questionne donc profondément la légitimité de l’élection ».
Toutefois, la tendance n’est pas nouvelle. « L’érosion totale de la mobilisation de l’électorat depuis les législatives de 2014 montre son épuisement total. La défiance extrême de la population tunisienne envers la nouvelle organisation politique, plutôt confuse, du pays ». Les analystes tablent plutôt sur une faible affluence au second tour « malgré l’optimisme des instances officielles ».
Un prix économique
La banque considère que « les espoirs d’ancrage de la démocratie […] se sont évaporés progressivement, d’une part en raison de l’absence d’un Conseil constitutionnel [..] et des difficultés économiques qui n’ont cessé de s’accentuer ». « La confusion qui règne sur le plan politique n’est pas favorable au règlement en urgence des difficultés économiques qui persistent. L’accord de soutien récent du FMI est encore suspendu à la mise en place d’une législation appropriée : la loi de finances 2023, les règlementations sur les taux bancaires et la restructuration d’entreprises publiques surendettées ».
Bien que la note n’ait pas apporté de nouveautés pour les Tunisiens, son importance est autre : elle traduit l’image de la Tunisie auprès des bailleurs de fonds et des investisseurs institutionnels. Il y a certes d’autres analyses faites par des banques mais qui sont inaccessibles.
Nous sommes un pays qui a dettes extérieures cotées sur les marchés et qui a une mauvaise notation. Tous les conflits internes et les débats houleux des ces derniers mois sont suivis à la loupe.
Il faut faire très attention. Car la dynamique actuelle est, de point de vue économique, destructrices. Nous donnons l’impression d’être un pays incapable de réunir toutes les parties prenantes autour d’une table pour se mettre d’accord sur des réformes évidentes et qui relèvent du bon sens.
Quelque soit les compétences techniques des négociateurs tunisiens avec les instances internationales, ces constats ne peuvent pas être changés. Ayez pitié de ce pauvre peuple.