Avec la relance du projet du nouveau gazoduc baptisé Galsi, lequel devrait relier la côte d’Annaba à la Sardaigne, l’Italie ambitionne de devenir un hub énergétique pour l’Europe. Seule compensation pour la Tunisie, le groupe italien ENI et la Sonatrach comptent utiliser « les capacités inexploitées » du Transmed, le pipeline qui traverse notre territoire sur 370 km.
Il faut faire contre mauvaise fortune bon cœur. Lors de sa récente visite à Alger, Giorgia Meloni, la présidente de l’extrême-droite du Conseil italien a annoncé la relance du projet d’un deuxième gazoduc entre l’Algérie et l’Italie.
Baptisé Galsi (gazoduc Algérie-Sardaigne-Italie), ce projet qui remonte aux années 2000, devra relier la côte algérienne, au niveau de la région d’Annaba, à l’Italie, en passant par la Sardaigne. Et ce, sans traverser le territoire tunisien contrairement au gazoduc Transmed.
Le Transmed, une aubaine pour la Tunisie
Pour rappel, le Transmed, (Trans-Mediterranean Pipeline) mis en service en 1983 part de Hassi R’Mel en Algérie, parcourant 550 km en territoire algérien, avant d’entrer en Tunisie qu’il traverse sur une distance de 370 km pour atteindre la ville côtière d’d’El Haouaria. Avant de plonger dans la Méditerranée en direction de la péninsule italienne.
En contrepartie, la Tunisie bénéficie d’une redevance fixée à 5,25 % du gaz transporté, payée en gaz ou en dollars. Selon la ministre de l’Industrie, des Mines et de l’Energie, Neila Noura Gongi, la redevance perçue par la Tunisie sur le passage sur son territoire du gaz naturel algérien qui assure 65 % des besoins de consommation de la Tunisie en gaz naturel, allait rapporter, d’après les projections de 2022, environ 500 millions de dinars. Une aubaine pour la Tunisie.
D’autre part, en avril dernier, le groupe italien ENI avait signé avec le géant algérien des hydrocarbures Sonatrach un contrat portant l’augmentation des flux de gaz algérien de 9 milliards de mètres cubes sur trois ans. Les deux parties se sont entendues pour utiliser les capacités inexploitées du Transmed.
Par ailleurs, il faut souligner que la relance du projet d’un deuxième gazoduc est motivée par la guerre en Ukraine, laquelle a changé la donne. En effet, avant l’invasion de l’Ukraine, l’Italie importait 95 % du gaz qu’elle consommait, dont environ 40 % provenaient de Russie. Or, pour réduire sa dépendance à Moscou qui avait procédé à la fermeture de son robinet, Rome se tourne de plus en plus vers l’Algérie.
Enjeux géostratégiques
Ainsi, avec le seul Transmed qui livre actuellement à l’Italie 25 milliards de mètres cubes de gaz par an, Alger devient le premier fournisseur de l’Italie qui ambitionne dorénavant de devenir un hub par lequel transitera le gaz algérien vers l’Europe. Brûlant ainsi la politesse à l’Espagne, laquelle s’est retrouvée depuis mars 2022 en crise ouverte avec l’Algérie à cause du revirement espagnol sur le Sahara occidental.
Pour punir Madrid, Alger a fermé en novembre 2021 le GME (gazoduc Maghreb-Europe) transitant par le Maroc. Avant de se tourner vers l’Italie, un pays qui, à ses yeux, a tous les atouts pour devenir le hub européen du gaz algérien.
L’Italien, un hub énergétique pour l’Europe
En effet, lors d’une conférence de presse conjointe tenue lundi 23 janvier avec le chef de l’Etat algérien, Giorgia Meloni a estimé que l’Italie pourrait devenir « un hub énergétique pour l’Europe ». Ajoutant que « face à la grande crise énergétique que traverse notamment l’Europe, l’Algérie pourrait devenir un leader de la production, certes africaine, mais probablement mondiale. L’Italie est inévitablement la porte d’accès à cette énergie et à l’approvisionnement de l’Europe ».
Mme Meloni a également évoqué « le plan Mattei » pour le développement de la coopération entre l’Italie et l’Afrique. Tout en affirmant que dans un premier temps, l’attention sera portée sur la région de la Méditerranée. « L’Afrique du Nord étant prioritaire », notamment l’Algérie, premier partenaire commercial de l’Italie sur le continent et « partenaire essentiel, le plus stable et le plus stratégique ».
Pour sa part, Abdelmajid Tebboune a tenu à préciser qu’un accord avait été signé pour l’étude et la réalisation d’un nouveau gazoduc « qui transportera à la fois le gaz, l’hydrogène, l’ammoniac et même de l’électricité ». Ce projet, ajoute le président algérien, « fera de l’Italie un hub énergétique pour l’Europe ».
Quand ce projet grandiose verra-t-il le jour? « La durée de réalisation de ce projet est laissée à l’estimation des techniciens. Néanmoins, je crois qu’elle sera courte. D’autant que nous nous sommes mis d’accord sur le projet de gazoduc et avons signé un accord à son propos aujourd’hui, pour le lancement de l’étude, puis de la réalisation », répliquait le président algérien.