En réaction au faible taux de participation du second tour des législatives, l’un des plus bas au monde, Rached Ghannouchi prône le retour à la Constitution de 2014, « l’une des plus progressistes et démocratiques au monde ». Un retour en arrière à contre courant? En effet, il caresse le rêve utopique de revenir triomphalement à la tête du Parlement dissout. Afin d’assouvir sa vengeance tenace contre son frère ennemi, l’actuel locataire du palais de Carthage. Est-il conscient du volume de rejet qu’il inspire à la majorité des Tunisiens?
Attirés par l’odeur du sang, les islamistes d’Ennahdha et leur gourou attitré, Rached Ghannouchi, aiguisent leurs longs couteaux.
Ainsi, sans même attendre les résultats définitifs du second tour des législatives, le parti de Montplaisir s’est fendu, dimanche 29 janvier 2023, d’un communiqué de presse. Il y appelle à la tenue d’une élection présidentielle anticipée. Arguant du fait que le faible taux de participation au second tour des législatives constitue une preuve « irréfutable » de l’impopularité du Président. De même, continue-t-il, qu’il confirme « l’indifférence » du peuple vis-à-vis du processus entamé le 25 juillet 2021. Soulignant que par conséquent, la démission du président de la République est « la seule porte de sortie à la crise qui mine le pays ».
« Le parlement de Kaïs Saïed, ajoute le communiqué, ne représente qu’une minorité. Il n’est donc pas apte à exercer le pouvoir législatif au nom du peuple. Par conséquent, tout ce qui émanera désormais de l’Assemblée sera dépourvu de légitimité ».
Déclaration de Ghannouchi : c’est de bonne guerre
L’attaque est brutale, mais elle est de bonne guerre et fait partie de la joute politique traditionnelle dans les démocratie plus anciennes que la notre entre le pouvoir en place et l’opposition. Laquelle fait flèche de tout bois, surtout quand le belligérant en face prête le flanc. Comme c’est le cas lors de la consultation électronique et des tours du scrutin législatifs où l’abstention battait tous les records.
Amalgame
Que le mouvement Ennahdha cherche à tirer profit de l’échec indiscutable du scrutin législatif, épilogue de la feuille de route conçue par chef de l’Etat, est dans l’ordre des choses. L’est moins l’attitude de Rached Ghannouchi qui qualifia la Constitution de 2014 de celle de la Révolution du 14 janvier 2011.
Ainsi, dans une publication sur sa page FB du 27 janvier 2023, il aura soutenu que la constitution de 2014 est l’une « des plus progressistes et démocratiques au monde ».
« Une Constitution qui fait de chaque Tunisien et Tunisienne des citoyens ayant les mêmes droits et les mêmes devoirs. Une Constitution qui a transformé l’État en un État du peuple et non un peuple au service de l’État ».
« Par contre, Kaïs Saied veut nous ramener en arrière, ne nous considérant pas comme des citoyens mais des sujets d’un royaume », écrit-il.
Et d’assurer, euphorique : « Il n’y aura pas de retour en arrière et l’entêtement et les tentatives de passage en force sont voués d’avance à l’échec ».
Ambition, quand tu nous tiens!
Que retenir de ce discours enflammé en contradiction avec l’image de l’attitude zen qu’il cherche à nous vendre?
En défendant bec et ongles la Constitution de 2014, l’une « des plus progressistes et démocratiques au monde », M. Ghannouchi semble oublier que cette Constitution hybride et bicéphale, avait abouti de facto, lors de la décennie noire, au blocage des rouages de l’Etat.
Par contre, elle lui aura permis, jusqu’à la date du 24 juillet 2021, de trôner au Perchoir pour faire passer des lois scélérates et d’étendre ses tentacules sur les centres névralgiques du pouvoir. Bref, ce régime politique importé abusivement des pays anglo-saxons ne servait en réalité qu’à ses ambitions personnelles. A savoir : trôner en maître absolu et incontesté au Palais de Bardo, à défaut de celui de Carthage. Le 25 juillet est venu contrarier ses ambitions dévorantes. D’où la haine qu’il voue à l’artisan de ce qu’il appelle le « coup d’Etat contre la légitimité ». La sienne bien entendu!
Savoir écouter le message du peuple
Sur un autre plan, et du côté de Carthage, ce morne dimanche 29 janvier pour l’élection de 130 députés au futur Parlement fut marqué par une abstention. A peine 11,3 % de citoyens se sont déplacés aux bureaux de vote. Désaveu du processus du 25-juillet dans son ensemble? Camouflet pour le Président? Désintérêt général pour la politique, surtout chez les jeunes, moins de 5% ayant daigné voter?
Ainsi, il est facile d’épiloguer jusqu’à l’infini. Mais le message de nos concitoyens est clair. Les urnes presque vides en ce dimanche cafardeux, le jour même, hélas, marqué par la décision de l’agence Moody’s de dégrader pour la dixième fois consécutive la note souveraine de la Tunisie à Caa2 avec perspectives négatives; ces urnes vides doivent donc nous interpeller tous, pouvoir et opposition en première ligne. Tous responsables, tous coupables.