Si toutes les banques sont universelles en Tunisie, il faut bien faire la distinction dans l’analyse des chiffres, entre celles publiques et privées. Les dernières évoluent plus rapidement. Car elles n’ont pas l’Etat dans leurs tours de table.
La BNA, la STB et la BH ont l’obligation de financer les entreprises publiques en difficulté, sans être nécessairement convaincues du retour sur leurs investissements.
Les entreprises publiques pèsent lourd
Selon les chiffres des indicateurs d’activité du quatrième trimestre 2022, nous constatons que les trois banques publiques ont accordé, en net, des crédits de 3 285 MTND en 2022. Et ce contre 2 842 MTND pour celles privées, qui sont au nombre de neuf.
Cette activité montre que ces établissements sont très engagés envers les entreprises publiques. D’ailleurs, si nous croisons ces chiffres avec ceux du rapport sur les EP publié par le ministère des Finances, nous comprenons l’ampleur de cet effort.
En 2021, l’encours mensuel moyen du découvert bancaire accordé par la BNA, la STB et la BH aux EP s’est élevé à 1 132 MTND. Et ce contre 133 MTND seulement pour les banques privées. C’est le même scénario qui se répète chaque année. Ce qui altère les performances des trois établissements.
Cela est reflété dans l’évolution de la marge d’intérêts en 2022 : +3,1% pour les banques publiques à 1 195 MTND contre +12,4% pour celles privées à 1 897 MTND. Les EP bénéficient, logiquement, d’un traitement clément de la part des banques de l’Etat, y compris une bonne rémunération de leurs dépôts.
« En 2021, l’encours mensuel moyen du découvert bancaire accordé par la BNA, la STB et la BH aux EP s’est élevé à 1 132 MTND »
Paradoxalement, les EP semblent user de la capacité d’octroi de crédits des banques publiques sans leur rendre l’ascenseur côté dépôts. La moyenne mensuelle de la liquidité déposée auprès de la BNA, la STB et la BH s’est élevée à 1 738 MTND en 2021 contre 1 253 MTND dans les établissements privés. C’est injuste, car ce cash n’est pas transformé en facilité par les banques privées.
Cela nous amène à parler des dépôts. En 2022, les banques publiques ont collecté 2 871 MTND, contre 4 066 MTND pour celles privées. La différence est significative. Elle s’explique. Octroyer des crédits est plafonné par le fameux ratio de transformation. Si les établissements publics sont obligés de servir les EP, c’est qu’elles ne peuvent pas s’adresser convenablement aux autres corporates. En revanche, les banques privées ont cette marge de manœuvre. Elles peuvent proposer des offres complètes, y compris les dépôts.
Forte exposition au risque souverain
Le financement du trio public ne concerne pas que les EP, mais également l’Etat. L’engagement de ces banques envers le souverain est plus que jamais lourd. L’encours de bons du Trésor qu’elles détiennent a atteint 6 237 MTND fin juin 2022 contre 6 133 MTND pour les autres banques cotées. Ce niveau de risque met sérieusement en péril leurs capitaux propres qui sont de l’ordre de 4 266 MTND contre 6 646 MTND pour les établissements privés.
Pour le moment, cette exposition permet aux banques publiques de bénéficier d’un revenu de portefeuille important, de 655,056 MTND en 2022 (1 204 MTND pour les banques privées).
Nous avons donc des PNB qui évoluent à deux vitesses : +8,0% pour les publiques et +14,6% pour les privées. Même au niveau de la structure du PNB, les banques publiques sont plus dépendantes de la marge d’intérêts qui représente 53,5% du PNB. Les revenus de portefeuilles et les commissions nettes ont respectivement contribué à hauteur de 29,3 et 17,2%.
Quant aux banques privées, 47,6% de leurs PNB provient de la marge d’intérêts, 30% des portefeuilles et 22,2% des commissions nettes. En effet, la capacité de résilience aux mouvements de taux est bien meilleure et les clients sont plus rentables.
Il faut donc traiter avec prudence les comptes des banques publiques qui jouent un rôle clé dans le financement de services de première nécessité pour notre quotidien. Si elles avaient les mains libres, elles pourraient réaliser des performances nettement supérieures à celles affichées aujourd’hui.