En l’espace de quelques jours, le Chef de l’Etat à procédé, par touches distinctes, à quatre changements ministériels portant sur les portefeuilles du Commerce, de l’Education nationale, de l’Agriculture et celui des Affaires étrangères.
Mais, à chaque fois, aucune explication quant aux motifs de ces limogeages-nominations n’a été fournie par les communiqués présidentiels. Alors que la Cheffe du Gouvernement, Najla Bouden, s’est distinguée par son mutisme habituel. Motus et bouche cousue! Elle confirme, donc, son statut qui se limite à acquiescer aux décisions du Chef de l’Etat, en se contentant de son silence éloquent.
En l’absence de communication officielle sur les tenants et aboutissants des événements, on se retrouve dans une situation limitée à de simples hypothèses et autres extrapolations qu’on évite d’émettre afin de ne pas tomber sous le coup l’article 54. A moins de se fier aux dires des explicateurs, devenus des porte-paroles officieux du pouvoir.
Thameur Bdida « avait prévu » les derniers limogeages!
En effet, Thameur Bdida vient de publier un statut dans lequel il reproduit le texte du communiqué présidentiel. Puis, suit un autre statut qu’il avait rendu public en arabe, il y a quatre jours, et dont voici la teneur exacte :
« Des gouverneurs et des délégués seront limogés ainsi que le ministre des Affaires étrangères, Othman Jerandi après les élections… L’État dispose de ses compétences nationales et il n’y a pas de place pour ceux qui veulent jouer dans les eaux troubles. Et ceux qui fautent au détriment du processus le paieront trop cher. Mes neveux, souvenez-vous de cette publication… »
Or, M. Bdida, qui crie haut et fort qu’il est le seul responsable avéré du « Harak du 25 juillet », n’est pas le seul à lire dans les « cartes officielles » du pouvoir. Trois autres personnes sont en train d’exceller, depuis quelque temps et en toute impunité, en matière de divulgation de diverses informations, censées être confidentielles puisque touchant à des PV d’affaires encore en cours de traitement judiciaire, voire parfois uniquement chez le ministère public.
Des chroniqueurs dans le secret des dieux
On citera, plus particulièrement Me Wafa Chedly, qui va jusqu’à prédire l’adresse imminente de convocation devant la justice, et les deux chroniqueurs Riadh Jrad et Néjib Dziri qui se targuent d’être dans le « secret des dieux» !
En ces moments où les Tunisiens s’interrogent et s’inquiètent pour leur avenir et l’avenir de leur pays quant à la capacité des gouvernants de mener la barque à bon port, la crise socioéconomique et financière se poursuit de plus belle. Puisqu’aucun officiel de Carthage ou de la Kasbah n’est sorti pour expliquer comment le pouvoir allait mobiliser les ressources nécessaires en vue de financer le budget et renflouer les caisses de l’Etat. Sachant que les besoins s’élèvent à des dizaines de milliards de dinars et que jusqu’à présent rien n’a pu être collecté.
En effet, seul le ministre de l’Economie a indiqué clairement que, pour lui et pour son département, la seule l’hypothèse du crédit à obtenir de la part du Fonds monétaire international (FMI) reste en point de mire. Et ce, comme étant la solution pour sortir de l’engrenage car il ne dispose d’aucun autre plan « B ».
Incertitude totale sur la sortie de l’engrenage face au FMI
Toutefois, les connaisseurs et spécialistes économiques et financiers, dont notamment le respecté Ezzeddine Saidane, affirment que le dossier tunisien a été rejeté et non reporté. Puisque le calendrier rendu public par le FMI ne mentionne pas du tout le terme de report. Car dans le cas contraire, il aurait mentionné une autre date pour le traitement du dossier tunisien.
C’est dire que la situation est excessivement grave pour la trésorerie publique tunisienne dans la mesure où aucune autre alternative n’est proposée. Pire encore, des voix, de plus en plus nombreuses, évoquent publiquement la possibilité pour notre pays de se retrouver face au Club de Paris.
Cette probabilité s’est renforcée dernièrement à l’occasion de la visite en Tunisie d’Emmanuel Moulin, directeur général du Trésor français et président du Club de Paris, le 25 janvier 2023. Selon un communiqué discret de la présidence du gouvernement, « cette rencontre s’inscrit dans le cadre de la tradition de concertation et d’échange de visions entre la Tunisie et la France dans divers domaines, notamment économique et financier ».
Motus et bouche cousue sur le risque d’aller au Club de Paris
Aucune mention n’y a été donc faite du « Club de Paris ». On sait pourtant que M. Moulin serait passé en coup de vent chez la ministre des Finances, avant de rencontrer Najla Bouden.
Ainsi, en ces moments où tous les indicateurs sont au rouge tout en poursuivant la dégringolade et la descente aux enfers, les responsables ne disent rien sur leur vision pour s’en sortir…
Au contraire, ils maintiennent l’approche floue consistant à lancer des accusations contre leurs adversaires qu’ils évitent de désigner nommément. Mais ils usent d’insinuations laissant le soin aux « explicateurs » de s’acquitter de cette besogne, en promettant aux fauteurs de troubles les pires sanctions.
Cette fois-ci, ce sont des responsables syndicaux appartenant à l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) qui sont visés. Et ce, avec le mandat de dépôt émis à l’encontre du secrétaire général du syndicat de Tunisie Autoroutes. Alors que dix autres syndicalistes dont le secrétaire général de la Fédération du transport relevant de l’UGTT, Wajih Zidi, ainsi que d’autres secrétaires généraux régionaux et de base ont été convoqués, lundi 6 février 2023, par la brigade criminelle de Ben Arous.
« Offensive » contre les syndicalistes qui « politisent » tous les dossiers
Ces arrestations et autres interrogatoires confirment, si besoin, que la Centrale syndicale se retrouve, bel et bien, dans le collimateur du pouvoir exécutif.
Bon à mentionner que cette « offensive » menée par les services sécuritaires et judiciaires intervient juste après la parution des résultats du second tour des élections législatives et la participation historiquement faible des Tunisiens. Puisque seuls 11,4% ont daigné se rendre aux urnes pour choisir les députés du prochain Parlement.
En tout état de cause, les observateurs soupçonnent que les derniers développements constituent juste une opération de diversion de plus pour camoufler le revers subi par le processus du 25 juillet devant être couronné en apothéose avec le second tour des législatives. D’où la colère du Président de la République allant jusqu’à évoquer cette « théorie » voulant que les Tunisiens rejettent l’idée même d’un parlement!…
En tous les cas, tout laisse entendre que le Président Kaïs Saïed est déterminé à aller jusqu’au bout et à ne reculer devant rien pour concrétiser « son » projet de gouvernance. Même si c’est au prix d’une grave impasse socioéconomique et financière.